Intervention de Hervé Féron

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Je tiens tout d'abord à remercier les intervenants d'avoir accepté de participer à cette table ronde, sur un sujet qui est plus que jamais d'actualité, même si, nous l'avons bien compris, les membres de la Commission de la copie privée ne prévoient pas de partir en vacances ensemble.

Lorsque la création artistique rencontre l'invention technologique, la logique voudrait que cela constitue une avancée pour l'une et pour l'autre. Or, si le développement des technologies et l'explosion du numérique ont permis de donner une nouvelle dimension à l'expression artistique, ces phénomènes ont, dans le même temps, fragilisé le mécanisme de financement de la création culturelle et le dispositif de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) – inadapté dès son origine – n'a pas permis de contrebalancer les effets négatifs de ce choc et de retrouver l'équilibre nécessaire à une juste rémunération des auteurs.

C'est la raison pour laquelle Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture, a chargé Pierre Lescure d'une mission sur l'acte II de l'exception culturelle française en lui confiant notamment la tâche de trouver des mécanismes de protection de la diversité culturelle. Et c'est dans ce contexte que nous réfléchissons à un système qui, certes, doit être corrigé et adapté aux supports nouveaux mais dont le principe reste de valeur.

Nous avions, il y a un an, voté en cette Assemblée le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée, et ce bien au-delà des différences partisanes, car c'était une nécessité. Il convient ici de rappeler le contexte dans lequel ce texte a été élaboré, en indiquant peut-être au préalable que c'est la loi du 3 juillet 1985 de Jack Lang qui a permis d'instaurer une compensation juste et équitable pour les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins, dans le but de préserver ce que nous appelons l'exception de copie privée, au bénéfice du consommateur.

L'arrêt Padawan de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 21 octobre 2010, suivi de la décision du Conseil d'État du 17 juin 2011, avait sérieusement menacé ce dispositif, et l'objectif de la loi du 20 décembre 2011 n'était donc pas d'élaborer une nouvelle loi sur la copie privée, mais seulement de tenir compte de la décision du Conseil d'État et d'adapter notre loi aux exigences du droit communautaire. Ce qui n'était finalement pas chose aisée, puisqu'il s'agissait en parallèle de garantir la pérennité du dispositif français et de permettre aux ayants droit de continuer à percevoir une compensation.

Je tiens aujourd'hui à remercier le président Patrick Bloche pour son initiative, qui intervient dans un climat de tension, à la suite de la démission de certains importateurs de supports assujettis à la rémunération pour copie privée de la Commission chargée de la fixation de cette dernière. J'émets le souhait que cette table ronde soit l'occasion de favoriser le dialogue, l'information, ainsi que la confrontation sereine des points de vue, tant les enjeux sont importants et les innovations à étudier sont nombreuses. Il est à mon avis nécessaire de poursuivre activement les discussions pour aboutir à des résultats pondérés, prenant en compte les réalités et les intérêts en présence. Force est de constater que la rémunération pour copie privée constitue un élément majeur de la rémunération légitime du travail artistique et du financement des activités culturelles nationales.

Cela permet de générer un grand nombre d'emplois artistiques, non délocalisables, et de consolider le tissu social par un accès facilité aux oeuvres et à la création artistique sur l'ensemble du territoire national ainsi dynamisé.

S'il est nécessaire de penser la pérennisation de la rémunération pour copie privée, il est aussi prudent de prendre en compte, progressivement, les évolutions qui affectent structurellement la pertinence du cadre actuel de rémunération. Nous n'oublions pas que ce sont précisément les demandes de réévaluation du périmètre des tarifs de la copie privée, notamment à l'égard des nouveaux outils du numérique, qui sont à l'origine des tensions et des tentatives de pression. Toutefois, il faut collectivement dépasser ces clivages : tel est l'objet de cette table ronde.

Et il y a urgence à discuter. Le Conseil constitutionnel a en effet réaffirmé, comme l'avait fait le Conseil d'État dans son arrêt du 17 juin 2011 puis le législateur en décembre dernier, la nécessité d'assurer la continuité de la perception de la rémunération pour copie privée dans le cadre fixé par la CJUE prévoyant le non-assujettissement des supports utilisés à des fins professionnelles. Nous approchons du terme des douze mois impartis à la réévaluation des barèmes et à l'adoption d'une nouvelle décision se substituant à la décision n° 11, comme défini par les articles 2 et 6 de la loi. Il s'agit d'établir de nouveaux barèmes pérennes, à la suite d'études d'usage qui doivent tenir compte des nouvelles capacités techniques des matériels ainsi que de leur évolution. Les discussions ont entraîné le départ de représentants des industriels et ont créé un climat de défiance.

Par ailleurs, si la Commission n'était pas en mesure d'adopter une nouvelle décision dans les délais impartis par la loi de décembre 2011, compte tenu des annulations par le Conseil d'État, la rémunération reposerait sur les décisions n°s 3 à 6, qui représentent seulement 27 % des recettes actuelles.

Aussi, je souhaiterais entendre les propositions des différents acteurs pour tenter de débloquer cette situation. Seuls les points de blocage ont été exposés. Comment peut-on avancer ensemble ?

Il est important de trouver un prolongement à ce dispositif souple, fondé sur la négociation, le consensus entre les représentants du public, les ayants droit et les industriels. Il faut faire montre de notre capacité d'adaptation face aux bouleversements technologiques de la rénovation numérique pour que le pacte entre créateurs et public demeure.

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