Le projet de loi, troisième volet de la réforme territoriale envisagée par le Gouvernement, a été profondément remanié par le Sénat. Alors que les enjeux de cette réforme sont immenses pour nos territoires, nous devrons une fois de plus débattre suivant un calendrier très serré ; à deux mois des élections cantonales, des incertitudes sur l'avenir des départements demeurent, ce qui est pour le moins curieux.
Notre commission s'est saisie de trois articles. L'article 3 bis a été réécrit par les sénateurs, qui ont souhaité conforter les compétences stratégiques des régions, notamment en leur attribuant une compétence renforcée en matière de développement économique et d'emploi – au grand dam du Gouvernement, qui voit là un risque de déstabilisation de la politique de l'emploi. Cet article prévoit maintenant de renforcer le rôle de Pôle emploi, qui devient un coordonnateur de la politique de l'emploi – il aura la responsabilité de conclure des conventions pluriannuelles de coopération avec les missions locales, Cap emploi, les maisons de l'emploi. Mais les sénateurs ont également voulu, parallèlement, renforcer le rôle des régions, qui seront consultées lors de la conclusion de la convention pluriannuelle tripartite entre l'État, Pôle emploi et l'UNEDIC, et qui prendront la tête des comités régionaux sur l'emploi, la formation et l'orientation professionnelle (CREFOP), reléguant le préfet à la vice-présidence.
Cette dernière mesure plaira sans doute à notre collègue Jean-Patrick Gille. Nous doutons néanmoins de sa pertinence : l'actuelle direction conjointe des CREFOP nous paraît légitime. Les sénateurs souhaitent, nous le comprenons, mettre le Gouvernement devant ses responsabilités : la loi relative à la formation professionnelle, à laquelle nous nous sommes opposés, a marqué une régionalisation des compétences en matière de formation et d'apprentissage. Les sénateurs prennent donc le parti d'aller au bout de cette logique, c'est-à-dire de prévoir une coordination des acteurs de l'emploi à l'échelle régionale, tout en respectant les compétences de l'État. Ils clarifient l'existant, là où le Gouvernement proposait une rédaction velléitaire.
Sur cet article en particulier, nous attendons la suite des débats pour nous prononcer.
À l'article 22 ter, les sénateurs ont, dans un souci de simplification et de renforcement de l'efficacité de l'action publique locale, précisé le régime de création et de dissolution des CCAS et des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) : la création des CCAS devient facultative dans les communes de moins de 1 500 habitants, cette mesure étant compensée par l'exercice des compétences sociales par la commune elle-même ou par un CIAS, s'il existe. Cela évitera de créer des structures coûteuses. Nous ne pouvons qu'être favorables à cette souplesse, tout en insistant sur le caractère essentiel de l'échelon communal, notamment en milieu rural.
Enfin, l'article 24 est important, puisqu'il concerne les compétences des départements. Les conseils généraux ont démontré leur utilité dans les territoires, et il apparaît essentiel de réaffirmer leur vocation en matière de solidarité territoriale : c'est ce que nous avions fait en 2010, lorsque nous avons supprimé la clause de compétence générale que le gouvernement Ayrault avait ensuite rétablie en janvier 2014.
Les sénateurs ont préservé les compétences de proximité des départements, que la version initiale du projet de loi transférait aux autres collectivités territoriales, le Gouvernement affichant sa volonté de faire disparaître les conseils départementaux à l'horizon de 2020. Les transports scolaires demeurent une compétence des départements, tandis que les transports interurbains relèveront des régions ; la voirie départementale, les ports départementaux et les collèges demeurent également de la compétence des départements. Ceux-ci se concentrent au total sur la solidarité sociale.
Le texte issu du Sénat nous convient. Mais nous ignorons ce que fera la majorité : le Gouvernement ne cesse de changer d'avis sur les départements. La nouvelle majorité du Sénat a clarifié la situation, en cohérence avec les dernières annonces de Manuel Valls, qui contredisaient les précédents : sera-t-elle suivie, ou bien la majorité préférera-t-elle attendre une deuxième lecture et le résultat des prochaines élections pour se prononcer clairement ?