Monsieur le ministre, vous avez évoqué, s'agissant du Plan Juncker, des instruments de financement innovants. Quels sont-ils ?
Le Secrétaire d'État. Les questions ont été nombreuses et je vais essayer de vous apporter des réponses aussi complètes que possible.
M. Gilles Savary m'a interrogé sur la réforme ferroviaire et, plus particulièrement sur les trois EPIC et leur conformité aux règles communautaires. Soyons clair, cette organisation de la SNCF en EPIC n'est pas négociable et d'ailleurs, nous avons une lettre du commissaire européen aux transports qui confirme qu'elle satisfait à l'objectif de la Commission européenne s'agissant de l'indépendance du gestionnaire de réseau. Par conséquent, la discussion sur la mise en oeuvre de cet objectif est, de notre point de vue, achevée.
S'agissant du transport routier de marchandises, je partage votre constat. Moi aussi, je ne me reconnais pas dans cette Europe qui oblige les chauffeurs routiers à dormir dans leur cabine. C'est inacceptable et je suis conscient, comme vous, que l'application des règles communautaires pose de réelles difficultés, non seulement en termes de travail au noir mais également de dignité des travailleurs. Des initiatives ont été prises par plusieurs États - membres qui, d'ailleurs, se rapprochent de celles de la France. Je rappelle sur ce point la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale dont vous avez été le rapporteur. Toutefois, aussi nécessaire qu'elles soient, ces initiatives nationales ne sauraient suffire et il faut aujourd'hui élever le débat au niveau communautaire et adresser un message fort à la Commission. C'est pourquoi la France soutient la création d'une agence européenne de contrôle du travail mobile ainsi qu'une meilleure coordination des législations nationales. J'espère parvenir à une position commune sur ces points avec mon homologue allemand M. Alexander Dobrindt lors du prochain Conseil « transports ».
À M. Didier Quentin, il est vrai que la répartition du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) – dont je rappelle qu'il a augmenté de 70 % –comporte de forts enjeux locaux, notamment s'agissant de sa part régionalisée. Pour l'instant, les régions discutent entre elles, en particulier s'agissant des ports et des aides aux conchyliculteurs ; vous comprendrez que je n'en sais pas plus. Pour ce qui concerne en revanche les modalités de gestion, dont j'ai souhaité qu'elles laissent de larges marges de manoeuvre aux régions, je peux vous dire que mes services travaillent actuellement à la rédaction du règlement opérationnel qui devrait être publié début avril.
S'agissant de la pêche à la civelle, c'est une question complexe qui porte non sur les quotas mais sur l'interdiction des exportations hors de l'Union européenne. Je vous confirme que la France souhaite la fin de cette interdiction, en vigueur depuis 2010. Toutefois, nous devrons convaincre les autres États-membres – au sein desquels la France est isolée – et, surtout, la Commission.
Pour revenir au ferroviaire, il faut être conscient qu'on ne peut pas tout faire et que tout ne peut pas être prioritaire. Il faut faire des choix. La priorité, aujourd'hui, pour le gouvernement, c'est la maintenance du réseau ferroviaire. Par maintenance, j'entends le travail au quotidien sur les lignes de chemin de fer, travail ingrat, qui n'a pas les honneurs des médias mais qui est plus que jamais nécessaire considérant l'état du réseau. Or, cette maintenance exige des moyens humains. Après la décision – que je qualifierai d'hasardeuse – de lancer simultanément quatre lignes de TGV, il est évident qu'une grande partie des moyens humains, d'ici à 2017, leur sera consacrée, en particulier pour les opérations de raccordement. Certains travaux de rénovation de gares et de restructuration devront donc être différés.
Vous avez évoqué les grands projets ferroviaires et, en particulier ce qu'on appelle l'autoroute ferroviaire. Il est vrai que celle-ci suscite des débats et des réticences au niveau local. Toutefois, son objectif, qui est le report modal, est pertinent. C'est pourquoi, si l'enquête publique a eu lieu, j'ai demandé à ce qu'elle soit complétée par une nouvelle enquête, centrée sur les enjeux environnementaux, notamment à Tarnos. C'est seulement lorsque ses conclusions seront connues, probablement en avril, qu'une décision sera prise. Il en sera de même pour les autres enquêtes publiques en cours, notamment celle relative au TGV Sud Europe Atlantique.
D'une manière générale, s'agissant des grands projets, il faudra également faire des choix. L'Arc atlantique, c'est-à-dire la liaison ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne, est tout à fait pertinente et je ne doute pas qu'elle se fera un jour. Mais le calendrier de sa réalisation est contraint par nos moyens qui ne sont pas illimités sachant que d'autres projets, tout aussi pertinents, doivent également être financés.
La Présidente Danielle Auroi et M. Arnaud Richard, entre autres, m'ont interrogé sur le projet de canal Seine-Nord Europe. Le gouvernement souhaite qu'il soit financé dans le cadre du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Le dossier doit être déposé avant le 26 février. Vous évoquiez, Monsieur le député, les financements innovants du Plan Juncker. En voici un exemple ! Je vous rappelle sur ce point que le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi pour la croissance et l'activité afin de créer, par ordonnance, la société qui portera ce projet.
Pour répondre à M. Bruno Gollnisch, la France est favorable au dépôt d'un dossier dans le cadre du MIE pour le financement de la liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. Ce projet est, avec celui du canal, labellisé d'intérêt européen. La répartition du financement entre la France et l'Italie résulte d'un traité qui a fixé la clé à 57 % 43%, ce qui laisse toutefois entière la question de la répartition de la charge d'intérêts. Sur cette question du financement de la quote-part française, je vous rappelle que le Premier ministre a chargé MM. Michel Destot et Michel Bouvard d'une mission sur le montage financier de liaison ferroviaire Lyon-Turin. L'une des pistes intéressantes, qui l'est d'ailleurs pour le financement de tous les grands projets, est de leur affecter le produit de l'eurovignette 3.
Le contrôle des zones de pêche et la lutte contre la pêche illégale est une priorité car il en va de notre souveraineté. Elle mobilise actuellement les moyens de l'administration comme ceux des armées, en particulier outre-mer, au large de la Guyane.
En ce qui concerne le point sur l'industrie ferroviaire évoqué par M. Gilles Savary, sa question ne visait pas tant à faire le bilan de la situation interne à la France - même si c'est une question préoccupante aujourd'hui, puisque vous savez qu'une commande importante, s'élevant à deux milliards d'euros a été annoncée ce samedi pour Alstom, avec une tranche ferme d'un milliard d'euros et une tranche conditionnelle d'un milliard d'euros supplémentaire – mais de savoir si cette problématique était portée au niveau européen. Dans le débat sur le paquet technique, cela a été évoqué, et j'ai dit très clairement que la France considère que ce paquet technique doit être débattu avant que le volet politique dans ses deux aspects ne soit abordé. Mais il n'y a pas aujourd'hui de démarche de prise en compte de la problématique européenne sur la question de l'industrie ferroviaire. Il y a en revanche un partenariat entre l'Europe et les industries via le soutien de la filière, ces questions se retrouvent dans le paquet technique avec notamment les questions de signalisation.
Sur la question que vous m'avez posé, Madame la Présidente, sur le contenu des projets déposés par la France dans le cadre du plan Juncker : trente-deux projets ont été transmis par la France, mais aujourd'hui il s'agit seulement de propositions. J'attire votre attention sur le fait que le rapport Christophersen des coordonnateurs qui nous a été exposé sur cette question a présenté des exemples, précisant que ces exemples n'étaient que des exemples et pas forcément des priorités. Parmi ces exemples se trouvent le « Charles de Gaulle Express » et le Grand Paris. Je ne peux pas à ce stade vous donner le contenu de projets concernant les autres dossiers, mais il est clair que ces dossiers s'inscrivent dans vos préoccupations. Il y aura évidemment des arbitrages à faire par la Commission européenne compte tenu du volume financier, mais la France ne sera pas en panne de dossiers à présenter. Je ne peux pas aller au-delà de ces deux dossiers, qui figurent dans le rapport Christophersen à titre d'exemples, mais vous avez bien compris qu'ils ont à ce jour changé de statut.
Sur les pavillons de complaisance, nous ne sommes pas sur une question européenne. Cependant, le discours de la France ne peut que s'inscrire dans le sens des discours que nous avons eu sur le droit du travail dans le transport routier et dans le transport aérien – je vous signale que l' » innovation » est toujours possible, puisqu'actuellement une compagnie norvégienne est en train d'inventer un modèle social assez inouï, celui de pilotes ayant le statut de travailleurs indépendants !