Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 3 février 2015 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro, rapporteur pour avis :

Je suis pleinement d'accord avec vous, Monsieurle président. Je me bornerai à présenter le texte et à quelques observations.

Je suis satisfait de la tournure des événements quant à l'orientation de la loi NOTRe. Lorsque ce texte fut présenté en Conseil des ministres le 18 juin dernier, le Gouvernement envisageait de supprimer les départements à l'horizon de 2020. Puis il a changé d'avis, comme l'a indiqué le Premier ministre devant l'Assemblée des départements de France réunie à Pau au mois de septembre. À force de concertations et de rencontres avec des élus locaux, le Gouvernement a acté le maintien des départements. C'est là une bonne nouvelle pour les nombreux députés, dont je fais partie, qui s'étaient émus de leur possible disparition mais il ne faudrait pas que la loi prive les départements de leurs compétences. Car si nous avons souhaité conserver cet échelon territorial, ce n'est pas pour nous maintenir dans certaines fonctions, comme on l'a entendu quelquefois, mais parce que nous le considérons comme un véritable outil d'aménagement du territoire. Alors que l'on s'apprête à agrandir notablement les régions, l'espace départemental conserve toute sa pertinence, notamment dans les territoires ruraux qui sont privés de métropole. Lorsqu'il n'y a sur un territoire aucune capitale régionale, c'est-à-dire aucun moteur pour tirer l'économie et attirer les entreprises, les universités, la recherche, les loisirs, la culture et le sport, le seul outil d'aménagement du territoire est le conseil général – qui portera désormais le nom de conseil départemental. Seul celui-ci a la force de frappe nécessaire pour mener une politique économique – par le biais du tourisme, de l'agriculture et de l'aide aux entreprises – mais aussi culturelle, sportive et environnementale, en sus de la compétence qui lui est dévolue en matière d'action sociale.

Aussi, si le texte va dans le bon sens, je resterai vigilant à titre personnel en ce qui concerne le partage de la compétence en matière de tourisme, l'intervention des différents niveaux de collectivités en matière économique et la répartition des compétences en matière de voirie et de transports. La règle qui doit prévaloir à mon sens est la suivante : si l'on réforme, c'est pour faire mieux. Or, dans de nombreux domaines, je considère la proximité comme un gage d'efficacité. Gérer les routes du Cantal depuis Lyon ne me paraît pas plus pertinent que depuis Aurillac. Gérer les transports scolaires de la Creuse depuis Bordeaux ne me paraît pas plus opportun que depuis Guéret.

Venons-en à présent aux articles du projet de loi proprement dits.

Les articles 1er à 3 délimitent la répartition des compétences des collectivités en matière d'intervention économique. Les articles 4, 23, 28, 28 bis et 28 ter ont trait au tourisme. Les articles 27 et 27 bis concernent la lutte contre la fracture numérique. Enfin, nous sommes saisis de quatre articles ayant des répercussions sur la gouvernance de l'énergie : les articles 6, 21 ter, 17 decies et 17 septdecies.

L'article 1er, qui supprime les financements croisés, prévoit d'étendre les compétences des régions à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat afin de leur permettre de continuer à participer au financement des projets des autres collectivités dans ces domaines. Le Sénat a souhaité préciser que les régions sont « garantes de l'égalité des territoires », ce qui semble entrer en contradiction avec les missions de cohésion confiées spécifiquement aux départements.

L'article 2 prévoit explicitement que la région définit les orientations du développement économique. Pour cela, la loi crée un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), portant sur quatre domaines : l'aide aux entreprises, le soutien à l'internationalisation, l'aide à l'investissement immobilier et les aides à l'innovation des entreprises. Ce schéma doit limiter la concurrence entre les collectivités pour l'implantation des entreprises.

Le Sénat a rééquilibré cet article dans un sens respectueux des missions confiées aux autres niveaux de collectivités. Car si la compétence en matière économique est dévolue aux régions, les autres échelons exercent eux aussi des missions en ce domaine. On ne peut rayer la réalité d'un trait de plume en empêchant subitement les départements d'intervenir dans le domaine économique. Ceux-ci pourront donc notamment intervenir dans le cadre de la mission qu'ils exercent en matière de solidarité territoriale en apportant des aides aux communes et aux intercommunalités, en cas, par exemple, de création de zones d'activité ou d'immobilier d'entreprise. Plusieurs présidents de conseil général m'ont en effet fait remarquer que sur certains territoires, en cas de carence d'une commune ou d'une intercommunalité, c'est le département lui-même qui créait des zones d'activité. Il y en a notamment six dans le département des Landes. Enfin, il me semble que tous les niveaux de collectivités doivent être associés à l'élaboration du schéma régional de développement économique.

L'article 3 organise davantage les compétences de chaque niveau de collectivité. Dans sa rédaction issue du Sénat – ce dernier ayant apporté des garanties aux collectivités infrarégionales dans un souci de cohérence avec l'article 2 –, le texte prévoit que la région définira et octroiera les aides économiques sur son territoire, sans préjudice des aides délivrées par les communes, les intercommunalités et les départements.

En matière touristique, l'article 4 prévoyait initialement le chef de filât de la région ainsi que la mise en place d'un schéma régional de développement touristique. Cependant, le Sénat a souhaité rappeler l'importance de la compétence partagée en matière de tourisme, position que je partage également. Il a donc supprimé le chef de filât et renforcé l'élaboration conjointe du schéma régional. L'importance des départements en ce domaine est d'ailleurs manifeste dans des régions très élargies, surtout compte tenu de la diversité de nos territoires.

L'article 23 organisait le transfert automatique de la compétence touristique des départements aux métropoles. Le Sénat a écarté cette mention, qui ôtait au département toute possibilité d'intervention dans le domaine touristique – position que je partage.

L'article 28 prévoit explicitement la compétence partagée en matière touristique, ce qui manquait au droit existant. L'article 28 bis précise que la conférence territoriale de l'action publique veille à la continuité de la politique publique du tourisme. L'article 28 ter autorise explicitement les offices de tourisme à prendre la forme d'une société publique locale.

En matière de lutte contre la fracture numérique, l'article 27 prévoit que les groupements de collectivités, y compris les syndicats mixtes, peuvent intervenir en matière d'établissement et d'exploitation d'un réseau de communication électronique si cette compétence leur a été transférée. En outre, il définit la notion de cohérence des réseaux d'initiative publique pour éviter les doublons. Enfin, les membres d'un syndicat mixte ouvert, compétent pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques, pourront verser des fonds de concours à ce syndicat, au titre de l'investissement, pour financer ce réseau, et ce pendant 30 ans au plus.

L'article 27 bis reprend les termes d'une proposition de loi sénatoriale qui a été rejetée à l'Assemblée nationale, afin d'instaurer une obligation de couverture des zones « grises » et « blanches » en matière de téléphonie mobile.

Enfin, en matière d'énergie, l'article 6 crée un schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), document de planification majeur, élaboré par la région et ayant une valeur prescriptive. Le SRADDT comporte les orientations stratégiques et les objectifs du développement régional dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'énergie, de la mobilité et de la lutte contre le réchauffement climatique. Il se substitue notamment aux divers schémas existants dans ces domaines.

Le SRADDT est doté d'effets prescriptifs à l'égard des documents d'urbanisme que sont les plans locaux d'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale élaborés par les communes ou leurs groupements. Ces documents devront être compatibles avec le fascicule comprenant les règles du schéma et devront prendre en compte ses orientations stratégiques et ses objectifs régionaux.

Bien que cela ne soit pas explicitement précisé, l'article 6 prévoirait une absorption des schémas régionaux du climat de l'air et de l'énergie (SRCAE) par les SRADDT nouvellement créés. Une telle substitution aurait des conséquences très importantes, car ces deux documents ne sont pas de même nature. D'un côté, le SRCAE est élaboré conjointement par le président du conseil régional et le préfet de région ; ce dernier exerce ainsi un contrôle d'opportunité sur le contenu du SRCAE. De l'autre, le SRADDT serait entièrement élaboré par la région, le contrôle du préfet étant limité au respect de la procédure.

L'article 17 decies, issu d'un amendement du Gouvernement portant article additionnel, a pour objet de mieux définir, tout en en augmentant le nombre, les compétences que la métropole Aix-Marseille-Provence pourra déléguer aux territoires. Cet article précise que la concession de distribution d'électricité constitue l'une des compétences qui ne fait pas l'objet d'une délégation aux conseils de territoire. La concession est donc directement confiée à la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

L'article 17 septdecies est relativement similaire au précédent, sauf qu'il porte sur la métropole du Grand Paris. Il confie de plein droit à la métropole la compétence de concession de la distribution publique d'électricité à compter du 1er janvier 2018, avec une phase transitoire pendant laquelle cette compétence sera exercée par les établissements publics territoriaux. En pratique, une telle évolution soulève la question du devenir des grands syndicats techniques dans le domaine de l'énergie, qui seraient absorbés dans la métropole.

Quant à l'article 21 ter, il opère un toilettage des règles de représentation des communautés urbaines dans les syndicats d'électricité.

Je souhaiterais pour terminer évoquer l'un de mes amendements, que nous examinerons en toute fin de réunion et qui vise à permettre la mutualisation des bâtiments de mairie. Comme vous le savez, le projet de loi incite au regroupement de communes. L'idée n'est pas neuve et j'ai d'ailleurs moi-même été pendant 31 ans maire du petit village de Castelnaud-La Chapelle, issu de la fusion de deux anciennes communes. Dans les années 1970, l'État a essayé de faire fusionner des communes mais cela n'a pas toujours fonctionné. Je propose donc que des communes puissent mutualiser des bâtiments de mairie. Alors qu'il m'est arrivé de devoir inaugurer le même samedi après-midi trois mairies dans trois villages attenants de moins de deux cents habitants, certains habitants ont pris l'initiative de faire signer une pétition en criant au gaspillage de l'argent public et en proposant que ces trois villages fassent mairie commune. Or il leur a été répondu que cela était interdit dans notre République. D'où ma proposition qui ne concernerait bien entendu que les communes volontaires.

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