Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 6 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 24

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, mes chers collègues, sur cet article, le groupe GDR a déposé un amendement visant à réserver la possibilité de majorer les droits à construire des logements intermédiaires aux communes qui respectent des taux de logement locatifs sociaux de 20 à 25 %, conformément aux dispositions de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.

Lors de la conférence de presse qu’il a tenue cette semaine, le Président de la République a fortement insisté sur l’effort à réaliser pour atteindre partout ce taux de 25 %. Le dispositif que vous mettez en place, monsieur le ministre, vise à attirer les investisseurs vers des projets de logements intermédiaires rentables, avec l’objectif de créer les conditions d’une plus grande mixité sociale, un objectif que je comprends et partage.

Toutefois, les mesures encourageant la construction de logements intermédiaires risquent de se traduire par une dégradation du ratio de logements sociaux, notamment dans les zones où le foncier disponible n’est pas extensible. De nombreux députés l’ont rappelé en commission spéciale. Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, le problème le plus criant aujourd’hui s’agissant du mal-logement est l’insuffisance du nombre de logements sociaux.

En effet, 90 % des 1,8 million de demandeurs de logements sociaux satisfont aux critères établis pour accéder à ces logements. Bien que nous ayons tous rêvé de créer les conditions d’un parcours résidentiel, le pouvoir d’achat, la précarité, le chômage, évoqués par un député ce matin, sont tels qu’ils créent une forme d’immobilisme : aujourd’hui, les bénéficiaires d’un logement social ne libèrent pas autant leur habitation qu’il y a quelques années.

Ce phénomène a été encore accentué par la difficulté d’obtenir des mutations de logement à l’intérieur même des offices des bailleurs. En effet, il faut maintenant présenter une seconde demande de logement. Cette disposition conduit souvent des personnes âgées à renoncer à obtenir un logement plus petit, mieux adapté, dans leur cité, alors que, parallèlement, de grandes familles attendent vainement un logement.

Dans certains territoires, des demandeurs qui renouvellent régulièrement leur demande peuvent attendre jusqu’à cinq ou six ans d’obtenir un logement. À cet égard, le système de droit au logement opposable n’a pas montré son efficacité.

Vous avez expliqué, monsieur le ministre, qu’il existait des garde-fous : l’impossibilité de construire des logements intermédiaires dans les communes carencées, c’est-à-dire qui ne respectent ni l’objectif, ni le rythme de construction de logements sociaux prévu au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

Vous faites également valoir, monsieur le ministre, que toute opération de construction de logements intermédiaires doit comprendre au minimum 25 % de logements sociaux. Certes.

Surtout, vous avez indiqué que notre amendement pénaliserait les communes qui respectent le rythme de construction des logements sociaux, sans atteindre les taux fixés par la loi SRU.

Vous admettrez, me semble-t-il, que le dispositif que vous proposez ne servira ni à aider ni à encourager ces mêmes communes à atteindre leur objectif en termes de construction de logements locatifs sociaux, mais risque au contraire de les en détourner. À tout le moins, reconnaissez qu’il donne le sentiment d’adresser des injonctions contradictoires.

En outre, quid du comportement des bailleurs ? Dans ma ville, un bailleur a bien compris le sens de votre loi : il s’apprête à réaliser, avec sa filiale, de nombreux logements intermédiaires, sur des terrains qu’il aurait pu utiliser pour construire des logements sociaux, pourtant si nécessaires.

Notre amendement réaffirme donc la priorité que nous devons continuer d’accorder au programme du logement locatif social. Nous partageons en effet le constat établi par M. le délégué général de la Fondation Abbé Pierre face au lobby des assurances, qui a torpillé la garantie universelle des loyers ; à celui des propriétaires et des agences immobilières, qui a sapé la volonté d’encadrer les loyers ; à celui de certains maires qui refusent le logement social. La voix des 3,8 millions de personnes mal logées pèse aujourd’hui bien trop peu à nos yeux. Chacun ici est conscient que le mal-logement produit des effets désastreux à l’école et dans le domaine de l’emploi : comment assurer le suivi scolaire d’un enfant dans un logement surpeuplé ? Répondre à la demande de logement social apparaît donc comme une priorité absolue.

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