Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 3 février 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique :

Je serai brève, le nombre d'amendements attestant que le projet de loi a été bien décortiqué ; simple et clair, il constitue le troisième volet de la réforme territoriale voulue par le Gouvernement, après la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite MAPTAM, et la loi relative à la délimitation des régions.

Par ailleurs, les lois relatives à la formation professionnelle et à l'enseignement supérieur et à la recherche ont déjà fait entrer dans notre droit un certain nombre de mesures de décentralisation, dont le présent texte, par conséquent, ne traite pas.

Ce projet de loi repose sur plusieurs axes majeurs. Le premier est la concentration des collectivités sur leurs compétences essentielles, avec la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements, justifiée à nos yeux par l'émergence d'une « société du contrat ». Le deuxième touche aux régions, et plus précisément à l'aménagement, aux infrastructures et à l'économie. Le troisième, au niveau départemental, réside dans la solidarité pour tous les âges de la vie et dans la solidarité territoriale, afin d'aider les intercommunalités ou les communes en difficulté. Les départements pourront en outre mettre en oeuvre les compétences déléguées par les grandes régions pour assurer davantage de proximité, nonobstant les aides directes aux entreprises, qui font l'objet de nombreux amendements.

Il s'agit aussi de renforcer les régions à travers deux schémas intégrateurs : le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), qui regroupe tous les autres schémas – généralement peu lus –, ce qui est une innovation considérable, et le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), qui inclut les aides directes et fait l'objet de nombreux fascicules. Le texte vise également à assurer aux régions un pouvoir réglementaire d'adaptation aux réalités du territoire, conformément à l'engagement pris par le président de la République dans son discours de Dijon le 3 mars 2012.

Les régions, qui n'auront plus qu'un seul régime d'aide aux entreprises, devront se spécialiser sans entrer en concurrence : elles pourront entrer au capital des entreprises en difficulté ou conditionner leurs aides, afin que celles-ci aillent bien aux entreprises qui créent de la valeur et non à celles dont les déménagements répondent à une logique de dumping territorial ; elles auront, avec les métropoles, un rôle d'animation des pôles de compétitivité.

Elles seront aussi les autorités organisatrices de toutes les formes de mobilité, qu'il s'agisse des transports interurbains, scolaires, à la demande – potentiellement délégués – ou ferrés. Cela s'accompagnera par un renforcement des intercommunalités et une rationalisation des syndicats de communes – dont le budget, je le rappelle, atteint 17 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros pour les dépenses de fonctionnement –, avec une nouvelle carte intercommunale et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) plus larges et aux compétences plus intégrées.

Un seuil de 20 000 habitants a été fixé – qui fera certainement débat –, moyennant des adaptations en fonction de la densité et de la topographie. Les retours de terrain nous autorisent à penser que ce seuil s'installe dans les esprits : il faut donc avancer avec pragmatisme.

Il nous faut abandonner toute dichotomie entre coeur vivant et périphéries : notre pays se compose de territoires vivants à qui l'État doit l'équité territoriale. Nous devons faire davantage pour les territoires les plus éloignés des services et des équipements, et rendre l'accès aux services aussi simple et aussi égal que possible : le Premier ministre l'a rappelé avec les mots qui sont les siens, et qui nous interpellent.

Le Sénat a singulièrement modifié l'économie générale du projet de loi, tout d'abord en faisant de l'économie une compétence exclusive dans le code général des collectivités territoriales, mais en supprimant toute clarification dans les faits puisque le texte contourne la suppression de la clause générale de compétence. La Haute Assemblée a également renoncé à toute ambition en matière de rationalisation intercommunale, tant dans la carte que dans les nouvelles compétences ; s'appuyant sur les ouvertures faites par le Premier ministre, elle a détricoté le texte pour le transformer en profondeur.

Avec six commissions saisies à l'Assemblée dans un délai très court, vous avez effectué un travail titanesque, pour lequel je remercie votre rapporteur ainsi que l'ensemble des rapporteurs pour avis. Vous avez formulé des propositions nouvelles ; le Gouvernement travaille d'arrache-pied pour les prendre en compte, même s'il n'a pas pu répondre encore à chacune d'elles. On a pu nous reprocher un manque de diligence, mais vouloir faire vite n'est pas toujours le meilleur gage d'efficacité : le travail se poursuivra donc jusqu'à l'examen en séance. Des opérateurs locaux du retour à l'emploi jusqu'à la carte scolaire des lycées, en passant par les langues régionales et la biodiversité, de nombreuses propositions ont en tout cas été déposées sur le bureau de votre Commission. Nous restons bien entendu à votre écoute pour mener à bien cette réforme structurelle qui, pour être difficile, n'en poursuit pas moins un objectif clair : le parachèvement de la carte intercommunale et le passage au XXIe siècle, autrement dit le choix d'une société du contrat et de la coopération plutôt que du jacobinisme et de la concurrence stérile. Nous avons en somme à inventer, et je gage que nous y parviendrons, une égalité républicaine adaptée à la diversité des territoires.

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