Nous en sommes à la deuxième phase, celle qui est supposée faire le lien entre le contenant – la carte – et le contenu – les compétences.
Je ferai part une dernière fois de mon regret que le Parlement n'ait pu examiner ensemble les deux textes, ce qui aurait permis de mieux les ajuster l'un à l'autre, d'autant qu'après la première lecture du présent projet de loi au Sénat et vos déclarations en début de séance, j'ignore toujours la vision que le Gouvernement a de la réforme territoriale.
Il ne faut pas confondre l'art de la synthèse et le syncrétisme. Or j'ai l'impression que ce texte se présente plutôt comme une addition de mesures plus ou moins cohérentes que comme le fruit d'un arbitrage.
C'est ainsi que la mutualisation et le transfert des compétences ne pourront être traités de la même façon lorsqu'il s'agira de régions très grandes ou de régions plus compactes. Les revendications départementales de proximité s'exprimeront plus fortement au sein d'une grande région, comme celle qui unira le Limousin à l'Aquitaine et à Poitou-Charentes, qu'au sein d'une région plus compacte comme la Bretagne.
S'agissant des transferts de compétences, l'UDI, qui est décentralisatrice, souhaiterait que la loi permette d'apporter des réponses diversifiées correspondant aux différentes situations régionales. Voilà des dizaines d'années que la question du pouvoir organisationnel et réglementaire régional est posée dans notre pays, qui n'assume toujours pas le concept de décentralisation.
Or aujourd'hui, avec des régions aussi différentes et des secteurs infrarégionaux encore plus différents, la question de la différenciation des réponses organisationnelles devient majeure. Pourquoi, par exemple, la réponse devrait-elle être uniforme en matière de transfert des routes ? Ou pourquoi les collèges devraient-ils rester une compétence des départements alors que la formation professionnelle est de la responsabilité des régions ? Si les régions géraient les personnels des collèges et des lycées, elles pourraient réaliser des économies d'échelle incontestables.
Le débat portera à la fois sur la demande de proximité et sur la demande organisationnelle : il conviendra de trouver le meilleur lien.
Les régions ont aujourd'hui à mettre en cohérence sept schémas différents, qui ne relèvent pas des mêmes arbitrages et sont parfois contradictoires. Après les zones Natura 2000 et les trames vertes et bleues, on est allé inventer les schémas régionaux de cohérence écologique qui, au lieu de s'assurer que la trame verte et bleue est continue sur l'ensemble régional, prévoient des corridors. Rendre prescriptifs, dans leur état actuel d'élaboration entre l'État, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les régions, de tels schémas, c'est courir à la catastrophe. Il conviendrait que les opérationnels que sont les régions et les intercommunalités puissent coélaborer, codélibérer et cosigner ces schémas, l'État se contentant du contrôle de légalité.
De même, les départements et les communautés étant très différents, pourquoi ne pas laisser la définition des seuils aux commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) ? Une telle mesure entrerait dans le cadre d'une vraie décentralisation. Alors que le seuil de 20 000 habitants est ridicule en Île-de-France, son application à toute la France remettrait en cause plus de 70 % des intercommunalités actuelles.
Quid enfin des compétences que l'État entend toujours assumer ou véritablement déléguer, voire accorder aux collectivités ? Le texte, qui comprend des compétences que je considère comme régaliennes – je pense notamment aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour lesquels la lisibilité est faible –, s'apprête à transférer la compétence du plan de prévention du risque inondation pour un fleuve aussi modeste que la Loire à l'échelon des intercommunalités ! Où est la cohérence dans la réflexion et dans l'architecture générale des pouvoirs et des responsabilités ?
Que l'État ait la responsabilité dite régalienne de la péréquation ou du contrôle de légalité, j'y suis favorable. En revanche, puisque les régions auront demain des responsabilités plus grandes en matière économique ou de formation professionnelle, pourquoi Pôle Emploi demeurerait-il une compétence régalienne alors que celle-ci gagnerait à être assumée par les régions ? Nous sommes bien dans le syncrétisme.
Notre contribution visera à obtenir un éclairage plus satisfaisant : nous en avons en effet un grand besoin.