Intervention de Lamine Gharbi

Réunion du 27 janvier 2015 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée :

Si l'on se place du point de vue du contribuable, il paraît inconcevable que le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux soit détourné pour partie de sa mission première. Nous nous sommes aperçus que 100 millions d'euros servaient à financer les établissements publics qui ont joué avec des produits indexés sur le cours du franc suisse ou d'autres devises. Or 100 millions d'euros correspondent à une augmentation de nos tarifs de 1,5 point, du moins en MCO.

Bien entendu, si les décideurs ont été trompés sur la nature des prêts contractés, il conviendra de privilégier la voie du contentieux. Mais s'il s'agit d'erreurs notoires de gestion, l'accompagnement par un financement, même partiel, pour renégocier les contrats de prêt est un très mauvais signal envoyé aux directions d'hôpitaux. Lorsque nous nous trompons sur nos investissements, la sanction est beaucoup plus directe et beaucoup plus rapide. Une erreur de gestion dans nos établissements, c'est un appel à l'actionnaire ou une mise en sauvegarde. Malheureusement, on voit cela tous les jours.

Par ailleurs, certains contrats de prêt des établissements publics bénéficient aujourd'hui de conditions financières très favorables, avec des taux variables faibles. Mais si les taux remontent, cela pourrait aggraver encore la santé financière des hôpitaux, déjà lourdement endettés. Que se passera-t-il dans cinq, dix ou quinze ans ?

Nous n'avons pas mordu à cet « hameçon », car notre survie en dépend. Nous ne sommes donc pas concernés par la problématique des emprunts toxiques. Nous nous efforçons de prendre en considération deux grands enjeux, et d'abord, un enjeu d'efficience. Avec le développement de la professionnalisation de la fonction de directeur financier, les groupes régionaux et nationaux sont de plus en plus attentifs à cette dimension. Le deuxième enjeu est celui de la sécurité face à la complexité de ces produits, complexité qui ne permet pas d'estimer le degré de risque à moyen terme.

Enfin, la progression de la dette est une problématique partagée avec le secteur privé, avec la question du financement des investissements dans le système de tarification à l'activité. À l'heure actuelle, la T2A ne permet pas de soutenir l'investissement, compte tenu des imprécisions de l'Étude nationale de coûts. Dans le contexte tendu de la recherche de financements bancaires, il n'est pas anodin de constater que les cliniques et hôpitaux privés utilisent plus régulièrement la mécanique du crédit-bail. Mais au-delà de cette mécanique, nous nous apercevons que la rentabilité de nos investissements n'est plus confortée par le rendement de nos SCI, comme antérieurement. C'était la critique que les hôpitaux publics faisaient de notre gestion, car selon eux, si nous avions une exploitation déficitaire, nos comptes n'étaient pas le « reflet exact » de la réalité économique de l'établissement, car nous avions des SCI bénéficiaires, générant des loyers et donc des revenus pour les actionnaires.

Aujourd'hui, la suspicion qui portait sur notre fédération est levée, car nous vendons nos murs à des sociétés d'État, comme ICADE. Nous ne pouvons plus entretenir les bâtiments et le rendement sur la partie hôtelière n'est plus de mise aujourd'hui. Nous sommes donc passés à des crédits-baux souvent financés par ICADE ou un équivalent, avec un loyer qui est pour nous la garantie d'une stabilité, situé entre 7 et 8 % du montant de l'investissement.

Les récentes plus-values réalisées par des grands groupes financiers, comme la Générale de santé, proviennent pour la plupart de la vente de leurs murs parce qu'ils ne pouvaient plus pourvoir à leur entretien. Cela étant, notre vocation n'est pas la gestion des lits ou des murs, mais la gestion de l'activité médicale.

Il faut arrêter de refinancer la renégociation des emprunts structurés à risque. C'est un aléa moral évident. Il faut que les établissements publics renégocient les prêts à taux variable, aujourd'hui faibles, mais porteurs de risque demain. Aujourd'hui, les marchés financiers sont porteurs. C'est donc aujourd'hui qu'il faut investir. Nous avons tous de grandes facilités pour porter des projets avec des taux exceptionnellement bas, de l'ordre de 1 à 1,2 % sur du moyen terme – de cinq à sept ans – et de 2 % sur quinze ans.

Il faut également recenser le patrimoine immobilier du secteur public et rationaliser en vendant, notamment, les bâtiments non utilisés. C'est ce que nous avons fait pour ce qui nous concerne.

Plus de projets de reconstruction devraient connaître une baisse significative des capacités. C'est de bon sens. Les avis d'expertise de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), dans le cadre des comités interministériels de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO), devraient être rendus publics. En effet, les décisions se prennent parfois de manière feutrée. Des travaux sur le financement des investissements doivent être menés dans le cadre de l'évaluation de l'évolution de la tarification. Le rapport de la Cour des comptes contient certaines recommandations de bon sens visant à l'efficience et à l'amélioration des règles de gestion financière. Mais nous refusons catégoriquement que soient financées les erreurs de gestion des hôpitaux publics. C'est un message fort, nous ne pouvons plus accepter que ces erreurs soient payées par la collectivité, au détriment des autres secteurs, privé et associatif.

Voilà le message que je voulais, en guise de préambule, vous faire parvenir.

S'agissant de notre mode de financement, il est très simple. Nous sommes soutenus par des organismes bancaires, par de l'autofinancement, par des prêts à moyen ou long terme ou par des crédits-baux. Les banques sont aujourd'hui extrêmement sensibles au projet médical et au projet d'établissement, et surtout, à la pérennité de nos établissements, qui est liée aux autorisations détenues par nos sociétés, mais qui sont sous la « coupe » des ARS. Aujourd'hui, les reconstructions se font par le biais de sociétés publiques nationales, comme ICADE, qui financent la totalité. Mais le détenteur de l'autorisation n'est jamais propriétaire. Il s'agit d'une location perpétuelle, et le locataire a le statut de propriétaire, c'est-à-dire qu'il doit entretenir le bâtiment comme si c'était le sien. C'est un type de location très particulier.

Nous sommes naturellement responsables de nos investissements et, lorsqu'il y a une difficulté, nous faisons appel à l'actionnaire pour combler le déficit ou pour restructurer l'établissement.

Notre dette privée s'élève à 2 milliards d'euros et, dans la mesure où 20 % de nos établissements sont en déficit, le déficit MCO s'élève à 100 millions d'euros. Il est structuré sur une partie des établissements MCO et il n'y a pas d'établissement type qui soit fragile ou en difficulté. De petits établissements avec un chiffre d'affaires de moins de 10 millions d'euros peuvent être rentables. De gros établissements peuvent l'être également. Inversement, petits et gros établissements peuvent être dans une situation très difficile. Il n'y a pas de cas standard. Sinon, nous l'aurions dupliqué et nous ciblerions ce modèle. Cette configuration est liée à la structure de l'actionnariat ou aux compétences du capitaine. Il en va de même dans les hôpitaux publics : il y a de bons et de mauvais gestionnaires, dans le public comme dans le privé.

Il y a par ailleurs la notion de réseau, de groupe et de filière. S'il est seul, l'établissement, quelle que soit sa taille ou son positionnement, est condamné parce qu'il est à la merci de la perte d'une autorisation ou de la perte de deux ou trois praticiens de renommée régionale. Dans ce cas, l'établissement connaîtra des difficultés à très court terme.

Il y a aujourd'hui trois types d'établissements : l'indépendant pur, qui est isolé sur un territoire et qui, à mon sens, connaîtra inéluctablement des difficultés ; les groupes régionaux, qui ont tendance à se développer fortement, et les groupes nationaux qui subissent une phase de concentration entre eux. Vous avez pu le constater dans la presse avec l'arrivée du groupe Ramsay, qui a racheté Générale de santé, mais qui existait déjà sur le territoire.

Je rappelle que, depuis cinq ans, non seulement nous n'avons pas eu de hausse tarifaire, mais nous avons à l'inverse subi une baisse, accentuée depuis deux ans par la récupération du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Aujourd'hui, on nous explique que le pacte de responsabilité va également être récupéré ! Je ne sais pas jusqu'où cela va aller, mais on nous explique que nous n'avons pas droit aux baisses de charges sociales liées au pacte de responsabilité, qu'il serait mal venu d'en bénéficier en tant qu'entreprise et que ce sera récupéré dans la campagne tarifaire, qui va s'ouvrir en même temps que l'examen du projet de loi relatif à la santé. Cela laisse augurer des débats intéressants…

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