Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, pour répondre à vos questions sur les écarts de prix, je ferai un bref historique des prix de l'électricité depuis l'ouverture des marchés à la concurrence.
Lors de l'ouverture, en 2000, prévalaient des systèmes fortement surcapacitaires : les prix se situaient autour de 30 euros le mégawattheure, soit à un niveau inférieur à la part énergie du tarif réglementé. Cette situation a fortement évolué depuis. Les prix de gros n'ont fait qu'augmenter du fait de la combinaison de trois facteurs : les tensions pesant sur l'équilibre entre l'offre et la demande, qui se sont fait sentir graduellement à mesure que la demande augmentait et qu'il n'y avait pas d'ajout de nouvelles centrales ; l'évolution des prix des combustibles, en particulier du prix du pétrole, qui a un impact sur les prix du gaz et donc sur une partie des coûts de production de l'électricité ; l'intégration d'un prix du CO2.
Vers 2003, les prix de gros sont passés au-dessus de la part énergie du tarif réglementé, ce qui a entraîné un certain nombre de réformes. Afin d'améliorer leur compétitivité, les gros industriels français ont demandé à ce que soient introduits des mécanismes comme le tarif réglementé et transitoire d'ajustement au marché (TARTAM), remplacé en 2010 par l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH).
En 2008, les prix de gros ont atteint un pic, avec environ 80 euros le mégawattheure, alors même que les tarifs transitoires réglementés étaient de l'ordre de 42 euros le mégawattheure.
Depuis, de nombreux changements sont intervenus. Ils sont liés à trois raisons principales.
Premièrement, les prix du gaz ont connu une baisse, qui n'a cependant pas été aussi forte que celle des prix du charbon et du CO2. Les centrales au charbon ont bénéficié de l'apport sur le marché européen de grandes quantités de charbon libérées par l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis. Leur taux d'utilisation a augmenté aux dépens des centrales au gaz devenues moins compétitives, alors même qu'elles étaient flambant neuves, leur volume d'activité diminuant de 3000 à 4000 heures à 1 500 heures par an.
Deuxièmement, la crise a entraîné une baisse de la consommation, qui a eu un impact direct sur les prix de l'électricité.
Troisièmement, il faut souligner l'arrivée d'une part significative d'énergies renouvelables sur le marché, notamment en Allemagne, en Espagne, mais aussi en Italie qui connaît un fort développement de l'énergie solaire. Ces énergies, dont les coûts fixes sont subventionnés, sont offertes à de très bas prix sur le marché de gros, ce qui contribue à faire baisser le prix de l'électricité. L'Allemagne dispose actuellement de 75 gigawatts de capacités intermittentes installées : quand le vent souffle et que le soleil brille, les quantités exportées sont importantes, ce qui participe à la baisse des prix des marchés voisins.
Aujourd'hui, le prix de gros de l'électricité se situe en France aux alentours de 35 à 40 euros le mégawattheure contre 30 euros le mégawattheure en Allemagne. Ce différentiel de prix s'explique par la saturation des interconnexions, qui impose une limite physique aux exportations allemandes.
Ces éléments posés, j'aimerais insister sur le bénéfice du marché de gros. Le prix fixé par la bourse, issu de la confrontation la plus démocratique possible entre l'offre et la demande, permet d'envoyer un signal indiquant à des milliers de centrales à travers l'Europe à quel moment elles peuvent démarrer la production et à quel moment elles peuvent l'arrêter. Ce mécanisme permet de satisfaire la demande à moindre coût en faisant appel aux unités de production les moins onéreuses. Autrement dit, grâce à l'intégration du marché, les acteurs bénéficient des meilleures opportunités.
Le signal prix est aussi utile aux investisseurs : quand les prix montent, les acteurs investissent ; quand les prix baissent, ils cessent de le faire pour éviter les surcapacités. Lorsque les investissements sont décorrélés des prix, peuvent survenir des situations de surcapacités comme celles que nous connaissons aujourd'hui du fait de l'arrivée massive de capacités renouvelables sur le marché européen, particulièrement de l'énergie solaire qui a un impact très important sur les prix.
Le marché de l'électricité était avant tout fondé sur l'offre mais l'un des défis auxquels il sera de plus en plus confronté consistera à faire participer le consommateur à l'équilibrage de l'offre et de la demande à travers les effacements. Les énergies renouvelables rendant l'offre plus aléatoire, du fait de l'intermittence de leur production, il est indispensable d'avoir le système le plus souple possible pour répondre non seulement aux variations de consommation mais aussi aux variations de production.
Enfin, si les quotas d'émission de CO2 et les échanges de certificats d'économie d'énergie ont connu un moindre succès que les bourses d'électricité, c'est qu'il s'agit de marchés beaucoup plus administrés. Si les quotas fixés sont trop ambitieux, les prix montent ; s'ils sont mal calibrés, les prix baissent, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui va l'encontre de l'objectif environnemental du dispositif. Pour les certificats d'économie d'énergie, les ambitions en matière d'économies d'énergie étaient plutôt faibles dans un premier temps ; elles deviennent de plus en plus contraignantes et ce marché devrait se développer dans les années qui viennent.