Il est bien compliqué de préciser l'âge de l'adolescence. Honnêtement, il est très fluctuant. C'est un peu comme en épidémiologie, avec les intervalles de confiance qui permettent d'identifier le degré de certitude d'un résultat. Dans les départements français d'Amérique ou les départements d'outre-mer, l'âge de la sexualité est plus bas qu'en métropole, et les grossesses chez les mineures sont assez fréquentes. Cela nous invite à porter une attention très particulière sur certaines populations spécifiques.
Cela m'amène à évoquer le « parcours éducatif en santé », instauré par la ministre de la santé dans le projet de loi. Il vise à éduquer les enfants en santé tout au long de leur parcours scolaire, et de leur donner des compétences psychosociales : pour les filles, savoir dire non à un garçon ; dire non à une cigarette, ce qui est tout aussi important, etc. Il faudrait pouvoir aller au-delà du cours de biologie reproductive et donner une vision dédramatisée de la sexualité ; celle-ci ne se limite pas au risque de VIH et d'IST, c'est aussi un plaisir de la vie. C'est tout ce savoir qu'il faudra construire demain. C'est le travail des enseignants.
Mais il y a aussi, derrière, le travail des infirmières scolaires. Celles-ci peuvent délivrer une contraception d'urgence, et doivent pouvoir orienter les élèves. Le dispositif mérite d'être soutenu et accompagné. L'infirmerie est un lieu de parole, notamment dans les lycées professionnels et dans les zones rurales. Les infirmières scolaires sont des professionnelles de santé qui, bien formées, peuvent apporter un certain nombre de réponses aux enfants.
J'ai envie de dire qu'il faudrait sortir de l'éducation sanitaire classique pour rentrer dans une éducation de parcours de santé permettant de renforcer les compétences psychosociales des élèves.
Madame la députée, vous m'avez parlé des autotests, et donc du dépistage du VIH. J'ai parlé tout à l'heure des « Chlamyweb », c'est-à-dire du dépistage à distance par internet, qui me paraissaient apporter une certaine modernité dans les rapports de dépistage.
Le dépistage du VIH a été construit dès le début sur un paradigme fort qui est son caractère volontaire : vous avez pris un risque, vous le savez, vous voulez connaître votre sérologie, vous allez voir votre médecin ou vous allez vous faire dépister dans un centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG). Dans un centre de dépistage anonyme et gratuit, vous verrez un médecin qui vous dira quels risques vous avez pris. Cet échange est un moyen de renforcer le discours préventif sur l'utilisation du préservatif ou d'autres modes de protection. J'observe que le dispositif de dépistage anonyme et gratuit est plus performant que le dispositif général chez les médecins – même si ceux-ci effectuent aujourd'hui 85 % des tests.
Pour autant, on a remis en cause le dogme du dépistage volontaire, et l'on s'est demandé si l'on était capable de proposer des tests à des populations que l'on ne touchait pas.
On a d'abord essayé de voir si, avec des tests rapides, qui peuvent être faits au bout du doigt par des professionnels de santé ou des personnes du milieu associatif, on toucherait la communauté homosexuelle, la communauté migrante, certaines femmes qui ne se dépisteraient pas, voire les personnes défavorisées. Je me rappelle qu'à la Pitié-Salpétrière, dans le cadre de la consultation PASS (permanence d'accès aux soins de santé) buccodentaire, on avait proposé des tests rapides. On n'avait pas dépisté de VIH, mais 6 hépatites dans la matinée, ce qui nous avait laissés pantois. Cela prouve l'intérêt de la démarche.
Aujourd'hui, les outils deviennent de plus en plus performants. Les meilleurs tests – sensibilité, spécificité – sont des tests sanguins. Les tests rapides sont quant à eux de très bonne valeur et, en tout cas, n'ont guère que deux à trois ans de retard par rapport aux tests les plus efficaces. On a fait tellement de progrès qu'on peut envisager des tests qui seront faits de manière individuelle pour se dépister : les fameux autotests qui doivent vous permettre de vous dépister chez vous – tests radiculaires à l'aide de la salive ou sanguin, au bout du doigt. Une question se pose néanmoins. Vous faites votre test à trois heures du matin et il est positif : que faites-vous ?
La question est difficile, mais un certain nombre d'éléments amènent à penser que ce type de dépistage a une place, et qu'il faut l'occuper. Aujourd'hui, tout un pan de la population, en particulier dans la communauté homosexuelle masculine, ne se fait pas dépister. Cela est dû au fait, comme on l'a évoqué à de multiples reprises au sein du Conseil national du sida (CNS), que dans des petites villes on hésite à se rendre au laboratoire parce qu'on est connu – on risque de se faire repérer et identifier dès que l'on en passe la porte.
L'argument du CNS est qu'il faut développer l'ensemble de la palette de dépistage. Pour ma part, je suis très favorable au développement des autotests. Maintenant, un accompagnement s'impose – dépliants, numéros d'appel, téléphonie santé – si l'on veut que le dispositif fonctionne.
Maintenant, la question des salles de consommation à moindre risque, qui figure dans le projet de loi relatif à la santé et suscite un débat passionnant, n'est pas spécifique aux femmes. Pour moi, en tant que professionnel de santé publique, ces salles de consommations font partie de la palette. Ce n'est pas le dispositif majeur, mais pour les personnes les plus « désinsérées » et les plus en difficulté, c'est une bouée de sauvetage qui a fait preuve de son efficacité. D'ailleurs, honnêtement, leur création ne constitue pas une vraie transgression de la loi de 1970. Personnellement, j'y suis très favorable.
Enfin, je connais moins le sujet de la santé au travail même si, de par mon expérience clinicienne, j'y suis assez sensible. De nombreuses aides-soignantes ou aides à domicile qui portent les personnes âgées souffrent de lombalgies car elles ne sont pas taillées pour faire ce travail. Pour autant, faut-il que cette catégorie de salariés bénéficie d'un compte personnel de prévention de la pénibilité ? Cela mérite d'être expertisé.
À l'InVS, cinquante personnes se penchent sur la santé au travail. Un de leurs métiers est d'identifier l'exposition aux risques. Sont surtout visés les polluants et les produits toxiques, mais ce type de contraintes pourrait parfaitement être intégré dans le suivi de certaines de nos cohortes. Je pourrais demander que l'on sorte des statistiques concernant les femmes pour essayer d'estimer les matrices « emploi-expositions à risques » et identifier ces contraintes.