Vous m'avez posé de nombreuses questions.
Contre le tabagisme, on a fait beaucoup, mais aussi pas assez parce que l'on n'a pas tout mis en cohérence. Je suis désespéré de voir que les Anglais sont tombés à 21 % de fumeurs, les Australiens à 19 % et que nous-mêmes, sur la même période, nous en sommes toujours à un tiers de fumeurs. C'est catastrophique ! La seule mesure qui ait vraiment fonctionné, ces dernières années, c'est l'augmentation du prix du paquet de cigarettes sous Jacques Chirac, dans le cadre du premier plan cancer. Cette augmentation, de l'ordre de 40 %, a provoqué une diminution des ventes de tabac – mais pas de la fraude, ni des achats transfrontaliers.
Quand je suis arrivé à l'INPES, j'ai trouvé qu'il était inacceptable de devoir attendre tous les cinq ans les baromètres santé pour connaître la vraie consommation de tabac. Il faudrait au moins que l'on fasse le point deux fois par an sur le nombre de fumeurs dans notre pays, et qu'on le fasse par classe d'âge, pour pouvoir mesurer l'impact de nos campagnes anti-tabac. Le fait que notre ministre de la santé ait construit le premier Plan national de réduction du tabagisme est toutefois une grande première, et j'espère que l'on va pouvoir rejoindre le peloton de tête des pays industrialisés qui luttent contre le tabac. Je rappelle que le tabagisme provoque 73 000 morts par an dans notre pays et que, dans les années qui viennent, ce sera le premier cancer chez les femmes, avant le cancer du sein.
Nous devons réagir, tout en étant conscients que ce que l'on investira cette année ne sera visible que dans vingt ans. Mais la longueur du délai fait que l'on reste dans la toute-puissance, que souvent les politiques ne sont pas suffisamment portées, et que les jeunes qui rentrent dans le tabagisme ne se rendent pas compte de la gravité de ce qu'ils sont en train de faire, en particulier à cause du pouvoir addictif du tabac.
Les campagnes anti-tabac ne porteront leurs fruits qu'avec un plan coordonné, appuyé, porté politiquement par de nombreux acteurs, dont l'INPES qui intervient à travers plusieurs dispositifs : des campagnes nationales ; sa téléphonie santé, « tabac info service » ; le coaching anti-tabac, qui permet d'inciter à l'arrêt du tabac, via les smartphones. Donc il y a une politique très portée par l'INPES sur le tabac.
J'observe que ce qui se fait sur le tabac n'est pas fait sur l'alcool. Pour des raisons très culturelles, spécifiques à notre pays, il est très difficile de lancer des campagnes contre l'alcool, même si l'INPES a un site dédié à l'alcool.
À l'inverse, nous avons depuis 2001 une politique portée sur la nutrition, avec des plans nationaux nutrition-santé (PNNS) successifs, qui ont créé beaucoup d'élan. Mais parfois son rythme a ralenti sous la pression des lobbies, notamment agroalimentaires.
Dans le projet de loi relatif à la santé, l'instauration du logo nutritionnel – cinq couleurs qui permettent de classer les aliments et donc de s'orienter – constitue une bonne mesure. Mais il ne suffit pas d'avoir, dans ce domaine, des politiques nationales portées par des campagnes, voire par d'excellents sites internet – je pense au programme « mangez, bougez » de l'INPES qui touche 500 000 personnes par an. Il faut aller plus loin, avoir une politique à l'école, de circuit court alimentaire et de menus équilibrés dans les cantines, et surtout d'activités physiques. On a parlé des rythmes scolaires, mais personne ne s'est préoccupé de l'activité physique de nos jeunes, alors que toutes les études montrent qu'ils courent beaucoup moins qu'à une certaine époque, et que c'est une des raisons de l'obésité. Il faudrait utiliser le temps périscolaire pour essayer de faire bouger nos enfants.