Intervention de David Lidington

Réunion du 3 février 2015 à 16h00
Commission des affaires étrangères

David Lidington, ministre des affaires européennes du Royaume-Uni :

La situation à Calais pose un problème très difficile car les gens dont il s'agit n'ont pas le droit d'entrer au Royaume-Uni et de s'y installer ; auraient-ils ce droit qu'ils obtiendraient un visa. En réalité, on trouve parmi ces migrants des membres d'un grand nombre de diasporas différentes, très attirés par le Royaume-Uni à la fois parce qu'ils sont anglophones et parce que nous avons créé un grand nombre d'emplois ces derniers temps. L'immigration légale au Royaume-Uni a été très importante au cours des quinze dernières années : entre le recensement de 2001 et celui de 2011, notre population a augmenté de 2 millions d'individus. Selon les projections des démographes, notre population dépassera celle de l'Allemagne dans les années 2040, ce qui promet d'intéressantes discussions sur notre représentation au sein des instances européennes.

Nous sommes conscients de la difficulté de la situation à Calais. C'est pourquoi dans leur déclaration commune du 20 septembre 2014, Mme Theresa May et M. Bernard Cazeneuve, nos deux ministres de l'intérieur, ont notamment annoncé la création d'un fonds d'intervention conjoint, comprenant une contribution britannique de 5 millions d'euros par an pendant trois ans, pour renforcer la sécurité dans la zone portuaire calaisienne. Outre cela, les deux pays ont intérêt à renforcer leur collaboration en amont pour sévir contre les trafiquants d'être humains et pour dissuader les candidats au départ, en faisant savoir que l'immigration illégale conduit à des emplois illégaux qui entraînent eux-mêmes une exploitation qui peut être très dure. Notre réforme de la couverture sociale contribue à rendre l'immigration vers le Royaume-Uni moins attrayante ; mais il y a inévitablement un délai entre le moment où une politique est adoptée et celui où elle est connue à l'étranger.

Au sujet de la CEDH, les décisions prises par la conférence réunie à Brighton à l'initiative de la présidence britannique du Comité des ministres ont permis de progresser mais nous souhaitons que la Cour prenne davantage en considération les traditions juridiques des États parties. Indépendamment du fond, ce qui a plus que tout été sujet à controverse dans la condamnation du Royaume-Uni par la Cour au motif qu'il prive les détenus du droit de vote, c'est que cette décision a été ressentie comme une immixtion dans un débat relevant de la souveraineté nationale. Dans un autre domaine, il nous a fallu onze ans de procédures pour obtenir de la Cour le droit d'expulser Abou Qatada vers la Jordanie, alors même que cet individu que nous savions dangereux n'était pas un citoyen britannique et qu'il n'avait pas le droit de résider sur notre territoire. Voilà des exemples de ce qui doit changer dans les procédures actuelles.

M. Lellouche et plusieurs de ses collègues m'ont demandé de préciser les réformes de l'Union européenne que nous souhaitons. Vous comprendrez sans doute que nous maintenions un certain flou sur nos intentions au moment où nous souhaitons engager la négociation, mais le Premier ministre a dit clairement quels étaient ses objectifs dans le discours qu'il a prononcé à Bloomberg. J'appelle l'attention sur le fait que de nombreuses réformes sont possibles sans modifications institutionnelles. Il en va ainsi de ce qui a trait aux réformes économiques ou à la réglementation des échanges commerciaux. On pourrait, dans le cadre actuel, suivre le scénario rêvé par le Royaume-Uni : définir un marché numérique unique, progresser en matière de sécurité énergétique, parachever la libéralisation de certains secteurs tel celui de la construction, comme la commissaire européenne Elżbieta Bieńkowska en a exprimé l'intention et avancer en matière de régulation. Nous souhaitons aussi que le commissaire Frans Timmermans démontre que les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont respectés et que tout n'a pas à être décidé au niveau européen. Nous souhaitons encore l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada et la conclusion du traité transatlantique, ainsi que la poursuite des négociations engagées avec le Japon et l'Inde sur des espaces de libre-échange. Voilà pour le dossier économique, assez fourni.

Pour ce qui est de l'approfondissement démocratique, on pourrait parvenir à un accord avant de modifier les traités si la Commission européenne acceptait de considérer comme légitimes les avis motivés des parlements nationaux non seulement sur l'application du principe de subsidiarité mais aussi sur l'application du principe de proportionnalité ; si la Commission acceptait de considérer un certain nombre - la moitié par exemple - de « cartons jaunes » comme des vetos plutôt que comme des demandes de révision ; si la Commission – mais j'admets que ce serait difficile sans modifier les traités – convenait que, si le contenu d'une directive change significativement au cours de la procédure législative, les parlements nationaux puissent à nouveau recourir à la procédure du carton jaune. Nous pensons aussi que, pour garantir un meilleur équilibre des pouvoirs au sein des institutions européennes, le Conseil devrait défendre plus fermement son rôle ; une modification institutionnelle y aiderait, mais on peut y parvenir sans cela, en cumulant volonté politique, dispositions du règlement intérieur du Conseil et éventuellement accords interinstitutionnels. Enfin, nous voulons voir clairement établi que le Royaume-Uni n'est pas tenu à une inévitable intégration politique dans l'Union européenne.

Certaines des propositions de notre Premier ministre relatives à la libre circulation et à l'accès à la couverture sociale peuvent demander une modification des traités ; mais l'essentiel est de se concentrer sur les résultats que l'on souhaite obtenir plus que sur les mécanismes. Enfin, nous n'aurions pas d'objection à ce que le pacte budgétaire européen soit inscrit dans le cadre juridique de l'Union européenne, à condition qu'il soit spécifié en même temps que les dispositions adoptées restent sans conséquences sur l'intégrité du marché unique à Vingt-Huit.

Je pense qu'une négociation constructive est possible sur l'ensemble de ces points.

L'organisation d'un referendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne suppose l'adoption par le Parlement d'une loi fixant la date, la durée de la campagne, le plafond des dépenses autorisées et le libellé de la question posée, qui pourrait être : « Pensez-vous que le Royaume-Uni doit rester membre de l'Union européenne ? ». Une commission électorale indépendante est chargée de conseiller le Gouvernement sur la formulation de la question posée, qui peut ensuite être ajustée lors de l'examen du projet de loi. Elle a aussi pour tâche de vérifier le respect du plafond des dépenses de campagne.

Je pense que, quoi qu'il arrive, je ne serai pas le dernier ministre des affaires européennes du Gouvernement britannique. Je vais répétant aux sympathisants de M. Nigel Farage, président de l'UKIP, que l'option « à la norvégienne » ou « à la suisse » ne tient pas, puisque, dans les faits, ces deux pays doivent appliquer la réglementation communautaire, à la différence près qu'ils n'ont pas de droit de vote sur les décisions de l'Union européenne. Autant dire que même si le Royaume-Uni sortait de l'Union, il lui faudrait quoi qu'il en soit un ministre des affaires européennes, chargé de négocier de l'extérieur ce que nous cherchons à obtenir en ce moment en tant que membre – un rôle que je n'aimerais pas particulièrement tenir !

Les mesures fiscales que nous avons concernent les personnes physiques et les entreprises. Pour les premières, nous avons concentré la baisse d'impôt sur les revenus les plus bas. Il en est résulté que 2 millions de personnes ne payent plus l'impôt sur le revenu et que 25 millions d'autres ont vu leur imposition diminuer par l'effet mécanique de la hausse du seuil d'exonération. Pour les entreprises, la part « employeur » des cotisations sociales ayant baissé, il est désormais moins coûteux d'embaucher.

Nous n'avons jamais dit que l'Union européenne se résume au marché unique, ni qu'il serait la panacée, mais nous constatons qu'il est l'une des principales réussites de l'Union – permise, incidemment, par un accord entre les conservateurs britanniques et les socialistes français, respectivement incarnés par Margaret Thatcher et par Jacques Delors. L'Union européenne a permis d'autres succès : la sécurité énergétique ; la contribution européenne à la lutte contre le changement climatique que traduit la préparation de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris ; l'habitude prise de coopérer plus étroitement en matière de police et de justice par l'échange de bonnes pratiques sans qu'il ait été nécessaire de faire converger des systèmes judiciaires différents.

Il est aussi caricatural de dire que seul le secteur tertiaire nous intéresse. Mais le fait est qu'il représente quelque 70 % du PIB, en France comme au Royaume-Uni – et la part de l'industrie dans le PIB est moindre en France que dans notre pays. Je vais préciser mon propos. L'année dernière, nous avons exporté plus de véhicules que jamais auparavant ; mais les pièces qui les composent sont fabriquées ailleurs en Europe ou dans le monde. Les chaînes de fabrication étant mondialisées, ce serait se tromper de combat que d'essayer de maintenir à tout prix en Europe des usines produisant de grands volumes de composants bon marché alors que les manufacturiers, même en Asie, se déplacent là où les coûts sont les moins élevés – on le voit avec l'industrie japonaise, qui se délocalise en Indonésie ou ailleurs. L'Europe doit s'attacher à développer les industries à forte valeur ajoutée.

De plus, la frontière entre industrie manufacturière et service s'est brouillée. Une tablette électronique est sans conteste un produit industriel, mais comment définir les logiciels qui permettent de l'utiliser ? Les logiciels ont bien plus de valeur que les ordinateurs et, comme on le voit avec les jeux vidéo, la conception de logiciels crée de nombreux emplois et beaucoup de richesse, au Royaume-Uni et ailleurs en Europe. Il faut certes se garder de mettre tous ses oeufs dans le même panier, mais il faut plus de souplesse. Actuellement, l'absence de marché unique numérique et de marché unique des services prive les industriels et les consommateurs européens d'opportunités dont les manufacturiers européens bénéficient déjà. Refuser à des entreprises européennes ce qui représente une part aussi importante de notre économie, c'est priver l'économie européenne de considérables possibilités de développement.

L'emploi a beaucoup augmenté au Royaume-Uni, où il y a moins de chômeurs que jamais – de chômeuses notamment. La clef de cette évolution, c'est l'allégement fiscal et réglementaire, qui rend les créations d'emplois moins coûteuses. Les mesures prises en matière fiscale et de couverture sociale font que, quel que soit le salaire perçu, il est désormais toujours préférable de travailler plutôt que d'être chômeur. La situation des chômeurs de longue durée, qui peuvent l'être parce qu'ils sont handicapés est bien sûr plus difficile que d'autres, et nous nous attachons à les rendre employables. Il nous reste encore à faire, mais nous avons progressé.

Nous avons d'autre part engagé une politique de long terme en matière d'éducation et de formation professionnelle. Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, le pays compte 2 millions de nouveaux apprentis, et nous nous efforçons de hausser le niveau d'enseignement en favorisant la formation technique autant que l'enseignement classique. Je connais des établissements d'enseignement de grande réputation qui se sont engagés dans une collaboration avec les entreprises pour concevoir des cursus qui aident vraiment les jeunes gens à s'insérer dans le marché du travail au lieu qu'ils suivent nécessairement des cursus universitaires classiques.

Il est injuste de nous présenter comme absents ou indifférents à la situation dans laquelle se trouve le Nigéria en raison de Boko Haram. Nous avons fourni au gouvernement nigérian une assistance humanitaire mais aussi technique, en matière de police et de sécurité, ainsi qu'une assistance militaire sous diverses formes. Mais il se trouve que les dirigeants politiques, les forces armées, les forces de maintien de l'ordre et les services de renseignement nigérians ont accepté nos offres d'assistance avec une extrême réticence, tendant à considérer qu'ils régleraient le problème seuls. Nous sommes confrontés à un défi diplomatique que nous n'avons toujours pas surmonté. Certes, il faut faire davantage, mais il sera très difficile d'y parvenir avant la prochaine élection présidentielle au Nigéria. La situation de l'État nigérian est très différente de celle des États malien ou centrafricain, et l'on ne peut sous-estimer la résistance à l'offre d'aide étrangère, qui nous empêche d'intervenir.

Vous m'avez interrogé sur la position du Royaume-Uni à propos de dette grecque. Il est vital que la zone euro et l'Europe dans son entier retrouvent la croissance et l'emploi aussi vite que possible. À cet égard, la politique d'« assouplissement quantitatif » conduite par M. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, est dans la droite ligne des mesures d'ordre monétaire activement prises par notre Gouvernement depuis cinq ans. Il ne revient pas au Royaume-Uni de dire comment la question de la dette grecque doit être traitée puisque ce ne sont pas nos contribuables qui ont contribué au sauvetage de l'économie grecque. Nous avons offert à la Grèce notre assistance technique dans la lutte contre l'évasion fiscale, proposition que le ministre grec des finances a accueillie avec faveur ; nos contrôleurs du fisc, très expérimentés, pourront aider puissamment. Je pense possible un accord portant sur le rééchelonnement de la dette et sur les conditions de son remboursement. Mais la Chancelière Angela Merkel a fait savoir qu'elle n'accepterait pas l'annulation de la dette grecque, et ce serait une erreur de la part du nouveau gouvernement grec de faire litière des douloureuses réformes structurelles engagées par le gouvernement d'Antónis Samarás pour lutter contre la sclérose de l'économique et la corruption qui minent le pays. Je l'ai dit, la décision politique revient aux gouvernements des pays membres de la zone euro, mais il est de l'intérêt collectif que la récession prenne fin en Grèce. Il reste à savoir si un accord peut être trouvé entre M. Tsipras, dont le programme est celui que l'on sait, et l'Allemagne ou les Pays-Bas, dont la position est également connue.

Lors du sommet du G8 qui s'est tenu à Enniskillen en 2013, c'est M. David Cameron qui a lancé le débat sur la transparence fiscale, l'érosion de l'assiette fiscale et les moyens de s'assurer que les entreprises payent une juste part de l'impôt. Toutefois, on ne peut régler cette question à l'échelle européenne. Si les États-Unis, la Suisse, Dubaï ou l'Australie ne sont pas impliqués, le problème demeurera sans solution réelle. C'est donc, selon moi, au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que la négociation doit se tenir, car la solution sera universelle ou ne sera pas.

J'en viens enfin à la Russie et à l'Ukraine. Notre Gouvernement n'a jamais considéré les sanctions comme une fin en soi mais comme un instrument politique destiné à convaincre la Russie qu'il est dans son intérêt et dans celui de la paix et de la sécurité mondiales de reprendre sa place au banc des nations rassemblées par les valeurs de l'État de droit – ce vers quoi, pensions-nous, elle se dirigeait sous MM. Gorbatchev et Eltsine puis lors des premières années au pouvoir de M. Poutine. Si nous n'avons pas abandonné tout espoir qu'il en aille ainsi, les événements intervenus au cours des douze derniers mois ont modifié notre point de vue : nous considérons que M. Poutine a décidé de faire de l'Europe un adversaire stratégique et que seul un nouvel exécutif russe pourrait décider de prendre une autre voie. Le dialogue avec la Russie doit bien sûr se poursuivre, et c'est pourquoi nous avons soutenu aussi bien les démarches du secrétaire d'État John Kerry que ce que MM. Laurent Fabius et Frank-Walter Steinmeier ont tenté de faire dans le cadre du « processus de Normandie ». Pour notre part, nous maintenons des contacts bilatéraux intenses avec la Russie dans le cadre du P5 et, comme la France, dans le cadre des pourparlers en cours à propos de l'Iran, mais aussi à propos de la Syrie et du Moyen-Orient en général, du Yémen, de la lutte contre le terrorisme et les narcotrafiquants, tous domaines dans lesquels la Russie a une influence.

Nous ne voulons pas en revenir à la Guerre froide, mais l'on ne peut prétendre qu'il ne se serait rien passé au cours de l'année écoulée. Et que l'on ne me dise pas qu'il y aurait eu une provocation de la part de l'Union européenne ! Je me suis rendu à Kiev en octobre 2013 alors que M. Ianoukovitch était au pouvoir et je puis témoigner de ce qui m'a été dit par plusieurs membres de son gouvernement : « Le président veut conclure un accord de libre-échange entre l'Ukraine et l'Union européenne et il nous a donné pour consigne de lever ce qui y fait obstacle». Ce n'est que deux semaines avant le sommet de Vilnius que le président Ianoukovitch a été convoqué une première fois à Moscou, une seconde fois à Sotchi, pour s'entendre dire par M. Poutine qu'il ne pouvait poursuivre dans cette voie. S'en sont suivis les manifestations à Maïdan, les violences contre les manifestants, le départ de M. Ianoukovitch laissant le pays sans gouvernement et l'annexion de la Crimée par la Russie.

Rien ne sert de s'aveugler ; c'est la première fois qu'une puissance européenne annexe un territoire d'un autre pays européen depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, en violation des accords d'Helsinki et des traités librement signés par la Russie après la chute de l'Union soviétique. Une semaine auparavant encore, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi, la carte de l'Ukraine comprenait la Crimée ! Depuis lors, il y a eu l'intervention russe dans le Donbass où les séparatistes – qui, selon nous, ne sont pas des indépendantistes sincères mais l'instrument de la politique russe – ont reçu il y a trois semaines un très fort ravitaillement d'artillerie lourde par des sources russes. Il y a eu aussi le crash de l'avion de ligne de la Malaysia Airlines en Ukraine. Je continue d'espérer que M. Poutine veut trouver un moyen d'engager la désescalade sans perdre la face – et si c'est effectivement ce qu'il veut, nous devons tout faire pour rendre la chose possible –, mais je pense que nous devons nous préparer à des relations conflictuelles avec la Russie pendant les dix ans à venir et peut-être plus longtemps.

En effet, s'il s'agissait seulement de la situation en Ukraine, on pourrait sans doute trouver une solution. Mais il y a bien d'autres choses. Voyez ce qui se passe en Estonie ; voyez les survols aériens ; voyez les interruptions de la fourniture de gaz ; voyez les tentatives d'imposer des accords à la Hongrie et à la Bulgarie ; voyez la fermeture de la Russie aux exportations agricoles de la Lituanie, avant même les sanctions européennes ; voyez la doctrine de M. Poutine sur le droit d'intervention russe en faveur des minorités russophones ! Cette liste forme un ensemble assez déprimant et nous impose de revoir les relations que nous entretenions avec la Russie depuis deux décennies.

Les membres de la délégation britannique à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sont des gens à l'esprit très indépendant. Je me suis entretenu avec eux ; ils considèrent qu'il serait de mauvaise politique de la part du Conseil de l'Europe de faire comme si de rien n'était alors qu'en envahissant l'Ukraine, la Russie a violé les principes qui fondent l'Organisation. C'est ce qui les a poussés à réagir comme ils l'ont fait.

Pour autant, je ne suis toujours pas favorable à l'envoi d'armes en Ukraine, car je suis convaincu que la situation ne ferait qu'empirer. Il faut, par de nouveaux efforts diplomatiques, persuader M. Poutine qu'il est dans son intérêt d'appliquer les accords de Minsk qu'il a approuvés. Si l'on parvient de la sorte à un cessez-le-feu, alors pourra s'engager avec le président Porochenko un processus conduisant à un accord concret. Le président Porochenko pourra-t-il convaincre son peuple d'accepter l'idée d'une Ukraine amputée de la Crimée ? C'est aux Ukrainiens d'en décider, s'ils obtiennent en contrepartie une assurance crédible que la Russie laissera l'Ukraine, sans la Crimée, choisir son avenir. Je ne sais si un accord de ce type est acceptable par les deux parties, mais en tout cas, le préalable à ces négociations est le respect des accords de Minsk, car la rancoeur s'aggrave avec chaque mort et chaque réfugié ukrainien s'ajoutant à la longue liste des victimes en Ukraine.

Le paradoxe de cette situation, c'est que la Russie a immensément bénéficié de la croissance économique de la Pologne après qu'elle a adhéré à l'Union européenne et qu'elle tirerait, de la même manière, un grand profit de ses relations avec une Ukraine débarrassée de la corruption et dont l'économie, modernisée, serait florissante. Il y aurait là un marché élargi pour les produits russes et une nouvelle source d'investissements en Russie même. Il est tragique que le Kremlin se refuse à envisager les choses sous cet angle. Je crains que la Russie redoute en réalité de voir l'Ukraine devenir un pays démocratique prospère, envoyant ainsi un message que la présidence russe jugerait malvenu.

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