Sur l'Ukraine, une réunion des ministres des affaires étrangères en format « Normandie » s'est tenue ce lundi à Berlin pour faire suite aux discussions que le Président de la République a engagées l'an dernier avec le président Poutine, le président Porochenko et la chancelière Angela Merkel. Dimanche dernier, le Président de la République s'est d'ailleurs à nouveau entretenu avec le président Porochenko et la chancelière à ce sujet.
Notre objectif est de faire aboutir le processus de Minsk, alors que la situation sur le terrain s'est à nouveau dégradée ces derniers jours, faisant de nouvelles victimes. Il faut que soient mis en oeuvre les engagements pris et réaffirmés lors de dernière la rencontre du Président de la République et du président Poutine, à savoir : le respect effectif du cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, la définition de lignes de démarcation au-delà desquelles il n'y a plus d'armement, l'arrêt de tout soutien aux séparatistes de l'Est de l'Ukraine, la reconnaissance de la souveraineté territoriale de l'Ukraine, la poursuite des échanges de prisonniers – qui a été une avancée permise par la rencontre entre le président de la République et le président Poutine à la fin de l'an dernier – , et, enfin, l'approfondissement du dialogue national en Ukraine, pour donner, dans le cadre constitutionnel ukrainien, un statut stable et durable aux régions de l'Est de ce pays, avec notamment l'élection de représentants. Il faut évidemment que la situation des populations et des minorités russophones soit prise en compte. Ainsi, c'est un règlement global qui doit avancer. Nous essayons, étape par étape, sur chacun de ces points, de faire en sorte que les engagements pris soient tenus, de telle sorte que la rencontre des chefs d'État et de gouvernement à Astana puisse aboutir à un règlement politique définitif, car il n'y a pas d'autre voie possible. Nous tiendrons bien évidemment l'Assemblée nationale au courant des avancées sur ce sujet.
Le projet de traité transatlantique sera soumis à la ratification de tous les États membres et du Parlement européen. Il s'agit d'un traité international, donc il devra requérir l'accord de tous les gouvernements, à l'unanimité, et être ratifié par tous les États membres et le Parlement européen. Il doit être négocié en toute transparence, car il en va de l'intérêt économique et démocratique de l'Union mais aussi parce qu'il ne pourra être mis en oeuvre que s'il y a une approbation très large. À cet égard, la Commission européenne vient de rendre publics les résultats de la consultation qu'elle avait lancée sur la procédure d'arbitrage entre les investisseurs privés et l'État, d'où il ressort de grandes inquiétudes. Le secrétaire d'État au commerce extérieur Matthias Fekl a ainsi rappelé hier que nous n'accepterons pas qu'un mécanisme international aboutisse à ce que des entreprises multinationales puissent mettre en cause la capacité de l'Union ou d'un État à réguler les domaines d'intérêt public comme l'environnement, la santé ou les services publics. Nous pensons qu'avoir voulu introduire l'idée d'un tel mécanisme dans les négociations n'est de nature à favoriser un aboutissement rapide. Comme l'a dit le Conseil européen, qui mentionne dans ses conclusions la date de 2015, l'objectif doit être d'obtenir un accord commercial ambitieux qui permette d'ouvrir le marché américain à de nombreux secteurs économiques et entreprises européens et d'aboutir le plus rapidement possible. Pour cela, je crois qu'il ne faut pas introduire dans la négociation des éléments de nature à la bloquer.
Il y a beaucoup d'intérêts économiques à aboutir à un très bon accord entre les États-Unis et l'Union européenne. Je pense par exemple, dans le domaine de l'agriculture, à la protection des indications géographiques, qui ont été introduites dans l'accord avec le Canada, et qui n'existent pas aujourd'hui dans les relations avec les États-Unis. Je pense également aux marchés publics, qui sont très fermés aux États-Unis, alors qu'ils sont très ouverts en l'Europe. C'est un élément sensible de cette négociation puisque, comme vous le savez, l'administration fédérale affirme qu'elle ne peut pas, en la matière, s'engager pour tous les États fédérés alors que la plupart des marchés publics relève des États fédérés. Il y a aussi la convergence réglementaire, qui concerne les produits industriels et qui doit permettre d'exporter plus facilement des automobiles et toutes sortes de produits issus de l'industrie européenne qui se heurtent aujourd'hui à des obstacles pour accéder au marché américain.
Philip Cordery a rappelé l'importance de travailler sur les valeurs fondamentales de l'Europe dans l'esprit du 11 janvier 2014, qui est un esprit de la République, car cela a été une mobilisation de toute la France, mais partagé par nos amis européens qui étaient présents à nos côtés. Cette manifestation marque une date pour tous en Europe. D'ailleurs, je crois que quand la chancelière est allée manifester hier contre d'autres formes de menaces pour les valeurs de l'Union comme la propagande anti-islam que certains essaient de répandre en Allemagne, elle l'a fait dans la suite de sa participation à la manifestation du 11 janvier. Elle a voulu avec le président Gauck et avec le vice-chancelier Sigmar Gabriel montrer qu'en Allemagne aussi il y avait des dirigeants qui étaient aux côtés des citoyens qui se dressaient dans la rue contre ceux qui veulent propager la haine qui est un ferment de division inacceptable dans notre société et de remise en cause de nos valeurs démocratiques.
Je crois qu'il y a eu un regard porté sur la France qui était atteinte dans ses valeurs les plus profondes, la liberté et une solidarité qui sont des points d'appui pour continuer à défendre une Europe, qui n'est pas qu'un ensemble économique, mais un projet profondément démocratique qui doit mobiliser nos concitoyens.
S'agissant des mécanismes de fonctionnement du futur Fonds d'investissement, le plan Juncker instaure une garantie qui vise à favoriser la mobilisation d'investissements publics ou privés, dans des secteurs essentiels pour la croissance et pour la compétitivité future de l'Union européenne. On constate en effet qu'aujourd'hui les investisseurs privés hésitent car ils n'anticipent pas une croissance forte au sein de l'Union européenne. Il faut redonner confiance en l'avenir de l'Union européenne, afin d'encourager les banques à prêter et les entreprises à investir.
Le message porté par ce Fonds est le suivant : « si vous contribuez - par exemple - à financer des recherches dans le domaine du Big Data (stockage de données), nous vous garantissons des prêts à taux extrêmement bas, et s'il existe un risque, celui-ci sera couvert ». Ce mécanisme a été voulu par M. Juncker suite à l'expérience de la BEI : en 2012, à partir d'une augmentation de capital de 10 milliards d'euros, la BEI a augmenté ses propres prêts de 60 milliards d'euros et ses investissements de 180 milliards d'euros. En France, les prêts de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) sont déjà passés de 4 à 8 milliards d'euros en 2013, et on a pu constater un fort effet de levier.
Les financements doivent bien sûr être dirigés sur des investissements utiles d'un point de vue économique ; mais il s'agit aussi de répondre à une défaillance de marché ainsi qu'à la frilosité des investisseurs. Avec 21 milliards d'euros, on peut financer des projets d'un montant de 315 milliards d'euros sur la période allant de 2015 à 2017.
Par exemple, les projects bonds dits « axione » sont destinés à financer les équipements numériques des régions en zone rurale : la garantie de quelques dizaines de millions d'euros par la BEI a permis que quelques centaines de millions d'euros soient investis, avec un prêt de la Caisse des Dépôts ; le projet sera rentable sur le long terme. Il faut donc encourager les États membres à contribuer. Il n'y aucune raison que la France soit le seul pays à le faire.
La création d'une base de données communautaire rassemblant des informations personnelles sur les passagers des compagnies aériennes (PNR) au sein de l'Union européenne est souhaitable. S'il n'y a pas de dispositif européen, il y aura des dispositifs nationaux : ceux-ci seront moins efficaces, car ne faisant pas l'objet d'une mise en cohérence, et la réponse souhaitable en matière de protection des données et de liberté ne sera pas. Un cadre européen est indispensable en la matière.
S'agissant du traité transatlantique, il faut identifier les secteurs économiques où il existe des gains et travailler sur ceux-là, sans remettre en cause les règles de régulation publique en Europe. Il existe des lignes rouges à ne pas franchir, comme par exemple en ce qui concerne l'audiovisuel.
S'agissant des priorités de financement des projets du plan Juncker, il y aura effectivement des différences entre les États, en fonction de leurs priorités respectives. La France ayant une économie très diversifiée, elle aura des projets dans tous les domaines, et travaillera en complémentarité avec les régions, dans un souci de cohérence.
Vous m'avez interrogé sur l'action de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour que les conditions d'emprunts soient les mêmes, et que les spreads diminuent. La France emprunte à 0,74 %, soit une baisse de 82 points de base en six mois : le différentiel de taux d'emprunt avec l'Allemagne est minime, tandis qu'il est élevé comparé la Grèce. Ces derniers mois, les taux ont diminué tant pour la France que pour l'Allemagne, mais ils sont augmenté pour d'autres pays. Mario Draghi devrait annoncer, le 22 janvier prochain, que le rachat de dettes souveraines par la BCE a pour objectif de faire diminuer les taux d'intérêt dans les pays où les spreads sont les plus importants.
La création d'une Europe de l'énergie constituait un point majeur des conclusions du Conseil européen du 18 décembre dernier. La Commission présentera un paquet visant notamment à renforcer la sécurité d'approvisionnement, à diminuer la dépendance énergétique, qui soit en lien avec le paquet énergie-climat et soutienne l'innovation ainsi que les investissements en matière d'infrastructures et de recherche. Deux grands projets doivent ainsi voir le jour cette année : l'Europe de l'énergie, et l'Europe du numérique.
La communication de la Commission du 13 janvier dernier, portant sur la coordination budgétaire et le fonctionnement du pacte de stabilité, constitue un tournant et confirme une plus grande flexibilité accordée aux États. Ce texte permet d'aller plus loin : on tiendra compte, dans les évaluations des finances publiques des États membres, des situations budgétaires des États ainsi que de leur position dans le cycle économique (vérification de l'absence de politique procyclique), des besoins d'investissement et de l'accompagnement des réformes structurelles. Il ne s'agit pas de renoncer au pacte de stabilité et de croissance, ni à l'objectif de réduction de la dette et du déficit public, mais de le faire à un rythme compatible avec la réussite des réformes, les besoins d'investissement et le cycle économique.
L'approche de Jean-Claude Juncker et de la Commission est nouvelle. Elle donne la priorité à la croissance et au soutien de l'activité économique. La croissance mondiale ne saurait avoir lieu qu'aux seuls États-Unis, ne reposer que sur un seul moteur.
Le Président de la République a réitéré, le 5 janvier dernier, que la France poursuit l'objectif de la mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières, dans le cadre de la coopération renforcée entre onze États membres. Elle devra avoir l'assise financière la plus large, et des taux pouvant être limités, mais devant permettre la mise en oeuvre de cette taxe. Le produit de cette taxe devra poursuivre des objectifs d'intérêt commun à l'Union européenne ; à cet égard, le Président de la République a indiqué que le produit de cette taxe pourrait servir à financer le futur Fonds vert pour le climat. Les onze pays seront soumis à cette taxation, et l'on veillera à l'absence d'effet de contournement. C'est un combat que, à titre personnel, je mène depuis des années.