Monsieur Folliot, les déserts militaires sont l'héritage des décisions de restructuration successives depuis quarante ans. Nous sommes confrontés à une double logique : celle voulant que l'on diminue l'empreinte au sol et que nous fassions des gains de productivité, d'une part, et celle de la présence territoriale et du lien armée-Nation, évitant ces déserts, d'autre part. Il faut intégrer ce facteur dans l'actualisation et les projets d'armée. Notre ministre est d'ailleurs bien conscient de l'importance de l'ancrage territorial.
S'agissant de Sentinelle et des conditions d'hébergement, lorsque nous sommes en premier mandat en OPEX la mission prime et nous nous adaptons ; sachant qu'en l'espèce les soldats ont eu dès le premier soir des conditions d'accueil permettant de vivre à peu près correctement, même si elles ont parfois été un peu rustiques. Mais ce qui fait la différence entre certaines armées et nous, c'est qu'elles ne se déploient que quand la mission est possible – que la logistique est installée – alors que pour nous la mission est sacrée. C'est la raison pour laquelle elles n'ont pas compris comment nous avons pu mobiliser en trois jours. Cela montre bien aussi l'importance des forces morales.
Concernant les réserves, leur budget de 71 millions d'euros représente peu par rapport aux 31,4 milliards du budget de la Défense, mais son doublement aurait un effet considérable. Déjà, trois millions d'euros sur ce budget ont un impact important sur l'activité des réservistes. Il faut en effet davantage prendre en compte ce facteur.
Le SMA me paraît de fait une piste intéressante. Mais la cohésion nationale est d'abord une question relevant des autorités politiques et il faut bien calibrer cela dans le cadre d'une approche interministérielle, sachant qu'il convient d'abord d'examiner les nombreux dispositifs existants. Nous en avons d'ailleurs d'extraordinaires dans les armées comme, outre le SMA outre-mer de l'armée de terre, l'école des mousses dans la marine ou le plan égalité des chances dans l'armée de l'air.
Concernant les méthodes de financement, ce qui compte pour moi est de disposer des 31,4 milliards d'euros prévus à temps – il nous faut notamment les 2,3 milliards de ressources exceptionnelles inscrites au titre de 2015 avant le 1er juillet –, ce qui ne m'empêche pas d'être attentif à leur caractère budgétaire ou exceptionnel et aux conditions qui y sont liées – priorités, types d'équipements, préservation du processus opérationnel ou absence d'incidence des loyers sur le budget. Ma responsabilité est de veiller à ce que je puisse engager les crédits le 1er juillet et, si ce n'était pas le cas, je le dirai. Je considère à cet égard que la fin de gestion 2013 et 2014 est conforme à la LPM – et vous n'y êtes pas pour rien. Je suis confiant pour cette année.
Il faut en effet toujours garder le lien armée-Nation en perspective. Nous sommes très vigilants sur le volet intégrateur. Quand on donne aux jeunes un objectif, une mission, l'égalité, une famille, une cohésion et des valeurs, cela fonctionne.
S'agissant du service civique, la dimension la plus pénalisante pour toute action d'ampleur est celle de l'infrastructure, car il faut des années pour la mettre en place. Je me permets d'être concret car je lis beaucoup de choses actuellement sur d'ambitieux projets.
Quant à la durée de l'opération Sentinelle, au départ, nous étions partis sur deux semaines, mais nous nous sommes aperçus que cela était insuffisant eu égard à la nature de la crise que nous vivons. Ce délai concourt à l'apaisement de la population vis-à-vis des menaces, - plus de 800 points sensibles sont gardés par les militaires - et à la capacité du ministère et des forces à se régénérer. Dans l'état actuel de nos engagements, je ne suis pas en mesure de relever 10 000 hommes – à moins de faire appel à des soldats préparant des OPEX ou qui s'y trouvent. Nous avons laissé deux à trois semaines de permissions à ceux revenant d'OPEX, car il n'est pas raisonnable, voire dangereux, de les intégrer tout de suite dans l'opération Sentinelle. La marge de manoeuvre est faible pour la marine et l'armée de l'air, ce qui fait que l'effort porte essentiellement sur l'armée de terre.
Il faut aussi prendre en compte le fait que les soldats mobilisés pour cette opération doivent être à jour des qualifications techniques de tir et entraînés et formés à cet effet.
L'incident d'aujourd'hui va montrer tout l'intérêt que le dispositif militaire revêt, mais aussi que lorsqu'on est statique, on est menacé. Je rappelle qu'en l'occurrence la cible n'était pas la synagogue mais les soldats, car ils incarnent l'État. Cet aspect est à intégrer aussi dans le délai retenu. Je crois à cet égard à des dispositifs plus mobiles et plus souples que la garde fixe.