En ce qui concerne le CIR, nous disposons aujourd'hui d'évaluations qui indiquent qu'à chaque euro engagé par l'État correspond un euro d'investissement. En d'autres termes, l'effet de levier est nul, voire on aboutit dans certains cas à des effets d'aubaine. Nous avons beau avoir le système le plus généreux du monde, il ne produit aucun résultat en termes d'innovation technologique. On peut certes imaginer que sans le CIR la France n'aurait pas stagné mais régressé, et il n'est pas forcément nécessaire d'abandonner ce dispositif ; à tout le moins faut-il revoir sa gestion. Il faut surtout se demander pourquoi les entreprises françaises ne considèrent pas la recherche et le développement comme un investissement primordial, alors que cela conditionne leur compétitivité et que cela correspond à une réelle demande de la part de leurs clients.
Monsieur Mariton, les mesures que je préconise doivent s'appliquer en priorité à notre secteur industriel mais elles valent pour toutes nos entreprises. Vous suggérez par ailleurs qu'elles ne sont pas neuves. Je n'ai pas le souvenir qu'elles aient fait l'objet d'un plan structuré, et c'est la raison pour laquelle je me suis permis de les énoncer ici.
Il y a cependant un point que je n'ai pas abordé, c'est le contrat de travail, car c'est une question qui débouche invariablement sur des débats idéologiques et à laquelle je ne suis pas certain d'avoir de réponse idéale.
On assiste aux États-Unis au développement des contrats très précaires, qui peuvent correspondre à un réel besoin de flexibilité du secteur productif confronté aux nouvelles mutations technologiques mais ne me paraissent pas devoir favoriser l'investissement personnel des travailleurs dans leur entreprise. Or, si je recommande de développer le dialogue social dans l'entreprise, c'est précisément pour faire en sorte que les travailleurs trouvent leur compte dans un investissement personnel plus important.
Deux modèles s'opposent ici : d'une part, le modèle anglo-saxon, assez éloigné de ce qui se pratique en France et qui est un modèle de pur marché où le travail est considéré comme une marchandise, régie par des contrats peu contraignants ; d'autre part, le modèle rhénan, où tous les partenaires de l'entreprise travaillent ensemble, pour rendre l'entreprise compétitive à long terme, et dans lequel les travailleurs se voient rétribués pour leur investissement personnel dans l'entreprise.