Intervention de Alain Trannoy

Réunion du 10 février 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Alain Trannoy, directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales, EHESS :

Certes, mais ce que je sais de la société française me fait penser qu'elle est plus proche du modèle rhénan. Quoi qu'il en soit, nous avons ici à faire un choix stratégique, car rester au milieu du gué n'aboutirait qu'à additionner les handicaps des deux systèmes.

Madame Dalloz, l'indicateur que j'ai retenu n'a rien à voir avec le bonheur et concerne le domaine très strict de la production. Pour vous convaincre de sa pertinence, je prendrai l'exemple du Japon, qui connaît une croissance lente mais dont le PIB par personne en âge de travailler a progressé deux fois plus vite que le nôtre. Le taux de croissance n'est pas un indicateur à court terme. Il est moins parlant, sur la période 2000-2013 que l'indicateur que j'ai retenu et qui met bien en lumière la faiblesse de notre économie. Je le répète pour frapper les esprits : notre PIB par personne en âge de travailler a progressé de 0,8 point sur la période, contre 1,6 point pour l'Allemagne et le Japon, 1,2 point pour les États-Unis, 1,3 point pour la Grande-Bretagne et 0,9 pour l'Italie.

Je vous rejoins sur la nécessité d'avoir des normes et une fiscalité stables, mais l'État doit aller au-delà du simple rôle de facilitateur et agir pour supprimer les blocages qui empêchent dans notre pays le développement de la recherche ou la généralisation du dialogue social.

Cela nous ramène à la question des syndicats. Sans doute faut-il repenser la représentation syndicale et le financement des syndicats et nous interroger plus largement sur la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Sommes-nous prêts à nous retrousser les manches et à travailler tous ensemble, dans l'esprit du zusammen, qui est l'un des ressorts de l'exceptionnelle réussite allemande ? Ce n'est pas qu'une histoire de chiffres. Mon fils travaille en Allemagne, comme designer numérique chez Audi, parce qu'il n'a pas trouvé de travail en France. Il y constate tous les jours la prégnance d'un esprit collectif qui n'existe pas chez nous.

Madame Pires Beaune, le CAE prépare un rapport sur l'aménagement du territoire et la croissance, qui confirme qu'en effet, partout dans le monde, la croissance se concentre dans les métropoles ou autour des grandes villes. C'est parce que ce sont des lieux de création de valeur où vit, autour des universités, une population jeune et créative. C'est une donnée intangible, sachant que l'équilibre d'un territoire se construit aussi en combinant les zones où l'on produit et celles où l'on consomme.

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