Intervention de Gautier Bailly

Réunion du 3 février 2015 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Gautier Bailly, sous-directeur à la direction du budget au ministère des finances et des comptes publics :

La sixième sous-direction de la direction du budget est compétente sur l'ensemble du champ des finances sociales : d'une part, pour les politiques de l'emploi et de la solidarité, et, d'autre part, pour les dépenses relevant du champ des administrations de sécurité sociale. Nous avons également un rôle de contre-expertise vis-à-vis des administrations sociales directement en charge de la production du PLFSS (projet e loi de financement de la sécurité sociale) et du cadrage de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie).

La direction du budget est présente dans les principales instances exerçant la tutelle du secteur hospitalier, en particulier le conseil national de pilotage (CNP) des ARS et le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO). Nous sommes également présents dans les conseils d'administration de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), du Centre national de gestion (CNG) et de l'École des hautes études en santé publique (EHESP).

Ces missions sont donc transversales, mais un seul ETP (équivalent temps plein) est en charge à la direction du budget de l'ensemble des questions hospitalières : cadrage financier, préparation de la campagne tarifaire, régulation, construction de l'ONDAM, préparation du COPERMO, suivi des dossiers.

Je centrerai mon propos liminaire sur la première partie de la communication de la Cour des comptes, à savoir sur la parfaite corrélation qui existe entre l'investissement hospitalier et l'accroissement de la dette. Pour nous, la question de fond est avant tout celle de l'encadrement de l'investissement et de la maîtrise des charges des hôpitaux, dans le cadre d'un ONDAM toujours plus contraint.

En matière d'investissements, on peut distinguer trois périodes. La période 1992-2001, avec un investissement de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an. Entre 2002 et 2011, période durant laquelle l'investissement a explosé pour passer à 6 milliards par an en moyenne, et même à 7 milliards en 2009, encouragé par les plans hôpital 2007 et hôpital 2012. Enfin, à partir de 2011, avec une décélération très progressive et un investissement ramené à moins de 5 milliards en 2013, l'objectif étant de s'acheminer vers 4,5 milliards d'euros par an.

Quant à l'endettement, il est passé de 9 milliards en 2002 à 30 milliards d'euros en 2013, rythme de croissance deux fois plus rapide que celui des collectivités locales. Or les comptes des établissements montrent très nettement que le triplement de l'endettement ne s'est en rien appuyé sur une augmentation de la capacité d'autofinancement. D'où une symétrie parfaite entre la courbe de l'endettement net et celle de l'investissement annuel.

La question a été posée de la nécessité de cet investissement. On sait que les besoins étaient extrêmement importants au regard de la vétusté de certains établissements, des mises aux normes nécessaires en matière de sécurité et d'incendie, mais aussi de la concurrence entre établissements liée à la T2A (tarification à l'activité). Pour autant, l'investissement a été concentré sur l'immobilier, l'accroissement des surfaces et des capacités hospitalières. Ainsi, l'investissement immobilier lourd est le principal contributeur à la croissance des investissements, puisqu'il est passé de 1,4 milliard en 2002 à 4,2 milliards d'euros en 2009, soit là encore un triplement.

Pour les CHU, qui représentent un quart du patrimoine immobilier hospitalier, la part du bâti neuf ou réhabilité a augmenté de 70 % et les surfaces globales de 30 % durant la même période, alors que le nombre de mètres carrés obsolètes ou vétustes, lui, n'a pas toujours diminué. Ainsi, les opérations ont été réalisées sans réel effort de densification et dans le sens d'une extension globale des surfaces.

En outre, la capacité hospitalière a augmenté de 5 % entre 2010 et 2011, alors que l'activité était stable, voire en léger recul, que la durée moyenne de séjour a baissé et que le recours à la chirurgie ambulatoire a progressé. Des exemples de projets surdimensionnés ou mal adaptés à cette évolution des pratiques médicales sont mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sur le plan hôpital 2007.

Au total, les taux d'occupation des structures hospitalières restent relativement faibles, à environ 75 % en MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), et 10 000 à 11 000 lits ont un taux d'occupation de moins de 50 %.

En définitive, cet investissement, présenté comme nécessaire, voire indispensable, s'est appuyé sur l'encouragement à l'emprunt, conduisant parfois à une sélection trop rapide des projets, ainsi que sur des sous-jacents médico-économiques parfois trop ambitieux.

Les leçons tirées de cette situation ont conduit à la création du COPERMO, accompagnée de la mise en place d'une doctrine d'investissement qui présente plusieurs caractéristiques.

La première est l'abandon d'une logique de plan d'investissement au profit d'un processus annuel de sélection. La procédure de sélection du plan hôpital 2007 avait en effet provoqué une inflation des projets, alors même que les financements publics étaient stables.

La deuxième caractéristique est la sélection plus rigoureuse des projets, qui s'appuie sur les priorités définies par les ARS dans le cadre des schémas régionaux d'investissement en santé (SRIS). Cette procédure intègre une phase d'examen de l'éligibilité qui permet d'engager un dialogue avec l'ARS et l'établissement sur les sous-jacents financiers, les ratios d'indépendance financière notamment.

La troisième caractéristique est la mise en place d'une doctrine en matière d'accompagnement financier. Le taux d'accompagnement, entre 10 % et 50 %, est corrélé au poids de l'endettement des établissements.

Quatrièmement, l'effort budgétaire est très largement réorienté vers les aides en capital, et non vers les aides à la contractualisation ou à l'exploitation. On se rappelle que le plan hôpital 2007 prévoyait, sur 6 milliards d'aides publiques, 5 milliards d'aides à l'investissement qui étaient en réalité autant d'encouragements à l'emprunt.

En outre, le lien est maintenant systématiquement fait entre la performance de l'établissement et les projets d'investissement. Le COPERMO comporte un volet performance, pour les établissements en situation financière très dégradée, et un volet investissement, pour les hôpitaux qui portent des projets d'investissement. Dans les deux cas, nous veillons à la fixation d'un taux de marge brute de 8 % – certes, contesté par des hôpitaux, mais préconisé par la Cour des comptes et par l'IGF. Il ne s'agit pas d'une référence absolue, mais nous la mettons systématiquement en avant car elle peut être adaptée et être appréciée sur plusieurs années. En tout cas, quelques règles transversales simples peuvent constituer une boussole utile aux établissements pour les conduire vers l'efficience. Nous ne sommes pas allés aussi loin que l'IGF (Inspection générale des finances) ou l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales), qui proposaient d'en faire une condition juridique d'accès à l'emprunt.

Une attention particulière est également apportée, dans les plans de redressement, comme dans les projets d'investissement, à la crédibilité des hypothèses d'activité. Ce point fait l'objet d'une contre-expertise par les administrations, ou par le CGI (commissariat général à l'investissement) avec une contre-expertise indépendante. Nous nous référons à des indicateurs simples, notamment les indicateurs démographiques de l'INSEE, afin de limiter les perspectives, parfois trop optimistes, de certains établissements.

Le dernier point d'attention porte sur la restructuration hospitalière. Pour quasiment tous les projets d'investissement que nous choisissons de financer, un effort d'efficience est demandé en termes de réductions du nombre de lits, de densification des surfaces, de coopérations entre établissements d'un même territoire, voire de mutualisations. Dans tous les cas, un effort est attendu sur la maîtrise des charges, ce qui est généralement nécessaire pour atteindre le taux de marge brute de 8 %, actuellement en moyenne plutôt de 5 %.

Au-delà du COPERMO, il convient de rappeler la mise en place du mécanisme d'encadrement du recours à l'emprunt par le décret du 14 décembre 2011 à cet effet. Ce sujet a été porté en son temps par le ministère du Budget, puisque la disposition a été inscrite dans la loi de programmation des finances publiques – par référence à la règle d'interdiction d'endettement des ODAC (organismes divers d'administration centrale) à plus de douze mois. Nous avons cherché à étendre cette règle aux hôpitaux, mais elle reste beaucoup plus souple puisqu'il ne s'agit pas d'une interdiction générale.

Ces orientations, conjuguées à la décision d'abandonner la deuxième tranche du plan hôpital 2012, ont conduit à une légère amélioration des indicateurs financiers. En effet, entre 2009 et 2013, les investissements sont revenus à un niveau plus raisonnable, passant de 6,7 milliards à 4,9 milliards ; les emprunts nouveaux sont passés de 5 milliards à 3 milliards ; et l'endettement net n'a progressé que de 0,9 milliard d'euros, puisqu'il n'est passé que de 28 à 29 milliards d'euros en 2013. La phase de désendettement n'est pas encore amorcée, mais elle le sera sans doute vers 2016-2017 si les perspectives fixées par le gouvernement sont respectées.

Ainsi, la première réponse au problème d'endettement des hôpitaux consiste à encadrer les nouveaux projets d'investissement.

Le deuxième chantier primordial à nos yeux est la maîtrise des charges des hôpitaux dans le cadre de l'ONDAM, qui doit contribuer à hauteur de 20 % à l'effort d'économies de 50 milliards sur l'ensemble du champ des administrations publiques. C'est notre point d'attention majeur car, dans le cadre d'un ONDAM dont la croissance sera en moyenne de 2 %, l'effort d'économies demandé à l'hôpital sera sensiblement plus élevé à l'avenir, du fait notamment de la contrainte pesant sur les soins de ville et de la moindre mise à contribution de l'hôpital au cours des années précédentes.

Cela suppose d'agir sur plusieurs leviers que sont le développement de la chirurgie ambulatoire, la baisse de la durée moyenne de séjour, la poursuite des économies sur les achats dans le cadre du programme PHARE (performance hospitalière par des achats responsables), la mutualisation dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces réformes ne pourront pas passer par un simple ajustement des tarifs : elles devront se traduire par une diminution des charges des hôpitaux, donc des réductions capacitaires, et par une maîtrise accrue des charges de personnel. Sans ces mesures, la réduction de l'ONDAM risquerait de se traduire uniquement par des baisses de tarif et un déficit accru du secteur hospitalier, la situation financière des hôpitaux n'étant pas votée en PLFSS.

Tels sont les aspects structurels auxquels la direction du budget porte une grande attention.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure des graves difficultés financières liées à la crise financière de 2008 et à la crise de liquidité de 2011-2012, en autorisant une offre de crédits dédiés de la Banque postale refinancés par la SFIL, ainsi que le déblocage des enveloppes sur fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, qui a permis en 2012 un financement de l'hôpital à hauteur de 40 % par la sphère publique.

S'y ajoutent les aides en trésorerie de l'État, de 400 millions d'euros en crédits AC (aides à la contractualisation) en 2012 et 300 millions en 2013. Ce soutien, particulièrement ciblé sur des établissements en très grande difficulté, notamment en outre-mer, constitue l'une des réponses immédiates que les pouvoirs publics ont apportées au problème d'accès au financement et au crédit.

Il faut également noter l'anticipation du versement de la T2A en 2012, ainsi que la mise en place récente du fonds de désensibilisation pour les emprunts structurés.

Pour conclure, le traitement de situations parfois très difficiles en matière de trésorerie a conduit à des réponses ponctuelles et adaptées. Pour autant, l'enjeu me semble être, non pas la multiplication des instruments de financement alternatif, mais bien l'efficience et la maîtrise des charges des établissements publics de santé.

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