Je salue l'exploit accompli par le rapporteur tant le calendrier d'examen de ce texte est serré. Si l'on peut comprendre l'urgence, on ne peut que déplorer qu'elle nous empêche de débattre de manière plus sereine. La liste des personnes auditionnées par le rapporteur illustre d'ailleurs bien à quel point il a été contraint par le temps : il eût été utile aussi de consulter aussi quelques-uns des nombreux chargés de mission qui ont travaillé sur cette question, tel l'inspecteur général Christian Forestier.
La transformation à laquelle nous allons procéder ce matin me remplit d'une grande tristesse, puisque nous allons prendre acte de la partition de l'université des Antilles et de la Guyane. Après une première étape marquée par la création de l'université de Guyane, il s'agit aujourd'hui de porter sur les fonts baptismaux l'université des Antilles, qui comportera un pôle martiniquais et un pôle guadeloupéen. Alors même qu'en France comme à l'étranger, la tendance est plutôt au regroupement des universités, une telle scission montre bien que le Gouvernement n'a pas réussi à régler le conflit.
Je m'interroge, en premier lieu, sur la gouvernance de la nouvelle université des Antilles. Monsieur le rapporteur, vous insistez sur l'originalité du modèle de gouvernance proposé, mais originalité rime-t-elle avec efficacité ? Ne disposant d'aucune étude d'impact sur l'organisation de la gestion de cette nouvelle université, nous ne sommes pas à même de déterminer si la créativité qui la caractérise en garantira le bon fonctionnement. Vous tenez, dans votre rapport, des propos incantatoires ; ni vous, ni le Gouvernement, ni le Sénat n'avez fait la démonstration de l'efficacité managériale des gouvernances proposées. On peut donc en douter.
En deuxième lieu, quelles seront les incidences d'un tel choix sur les deniers publics ? Deux universités de plein exercice, cela signifie des services centraux dédoublés. En cette période de restrictions budgétaires, quels moyens le Gouvernement va-t-il trouver pour en assurer le bon fonctionnement ?
Nulle part dans le texte et dans votre rapport, je n'ai trouvé de réponse à ma troisième interrogation quant au contrôle de l'État sur l'université des Antilles. Comment l'État répartira-t-il cette fonction de contrôle entre les recteurs des deux académies de la Guadeloupe et de la Martinique dans lesquelles l'université est implantée ?
Quelle place l'enseignement supérieur et la recherche français occuperont-ils réellement dans ce grand espace Antilles-Guyane-Caraïbes ? Là encore, nous ne disposons d'aucun élément se rapportant à la politique publique qui y sera consacrée, alors même que l'enseignement supérieur et la recherche sont devenus des enjeux stratégiques majeurs. En particulier, nulle part il n'est fait mention d'une coopération avec un acteur aussi important que le Brésil.
Vous l'écrivez entre les lignes, monsieur le rapporteur, cette nouvelle organisation implique une offre de formation parcellaire particulièrement en Guyane : dans ces conditions, est-il raisonnable de se résigner à l'existence de deux universités de plein exercice ? Comment s'assurer de la bonne insertion professionnelle des diplômés de la nouvelle université des Antilles ?
Enfin, j'espère que nous ne sommes pas à mi-parcours d'un processus qui se solderait par la partition de cette université des Antilles en deux universités distinctes, l'une de Martinique, l'autre de Guadeloupe. Monsieur le rapporteur, ce projet de loi nous prémunit-il contre un processus aussi délétère ? Garantit-il, comme le disait Edgar Faure, « l'indépendance dans l'interdépendance », c'est-à-dire à la fois l'autonomie et l'unité de cet établissement ? Il en va là de l'intérêt général.