Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 13 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 70

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Je vais être assez bref, le sujet ayant déjà été amplement débattu, mais je voulais quand même me rappeler à l’attention de mes collègues : un des éléments essentiels de la pédagogie, nous a-t-on expliqué à l’école publique quand nous étions jeunes, c’est la répétition. En outre, le président Le Roux est présent dans l’hémicycle, et il m’en voudrait de ne pas lui faire ce petit « câlin » politique.

Je m’explique à nouveau – je le ferai en style très télégraphique. Nous discutons d’un texte qui compte plus de 200 articles et traite de sujets extrêmement importants. Il le fait avec une philosophie assez affirmée, dont nous débattrons peut-être lorsque nous en viendrons au travail dominical ou aux modifications des critères d’ordre des licenciements. À de nombreux égards, les dispositions de ce texte représentent une novation par rapport à notre tradition politique et à nos combats de sociaux-démocrates. Cela nécessitait que l’on puisse en débattre amplement, puisque ce texte est présenté non pas comme la loi du siècle, mais comme la loi pour ce siècle, la loi de ce siècle, comme a dit le Président de la République. Il eût donc fallu prendre le temps d’en discuter plus avant, avec deux lectures dans chaque assemblée, conformément à la tradition.

Au lieu de cela, l’urgence a été déclarée, et il n’y en a qu’une. En outre, la procédure du temps programmé s’applique, ce qui contingente la parole d’un certain nombre de groupes – je ne parle pas seulement du groupe socialiste : je pense par exemple à nos collègues du groupe GDR, qui ont moins d’une minute par article. Enfin, suprême cadeau, couronne sur la religieuse, nous assistons à une multiplication des ordonnances. Or le recours aux ordonnances est une procédure dont nous, socialistes – je dis bien : nous socialistes – avons toujours considéré qu’elle relevait du domaine du petit coup d’État permanent, le grand coup d’État permanent étant l’article 16 de la Constitution, puisqu’elle dépossède le Parlement de son droit de discuter.

Les ordonnances peuvent avoir une utilité quand il s’agit d’agir très vite, en début de législature. Quand la gauche arrive au pouvoir et qu’elle décide, quand elle est de gauche, de nationaliser certains secteurs de l’économie, comme elle l’a fait en 1981, elle procède par ordonnances. La droite, quand elle est de droite, peut décider de privatiser, comme en 1986 ; il y a une bataille politique, un projet de société, un projet économique. On peut alors comprendre que le Gouvernement décide d’agir vite.

Mais là, en cours de législature, avoir recours aux ordonnances pour tout et rien, et surtout pour des questions qui relèvent parfois du travail législatif ordinaire… On nous explique que c’est en raison de la technicité qu’il faut confier cela aux services de l’administration, parce que nous, parlementaires, même avec l’appui des services de l’Assemblée nationale, serions peut-être un peu moins compétents malgré notre légitimité d’élus. C’est un argument que moi, jeune parlementaire – je vous le dis à vous, monsieur le jeune ministre –, j’ai du mal à avaler.

Par principe, j’ai donc présenté des amendements de suppression de tous les articles ayant pour objet d’habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre des mesures par ordonnance.

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