Intervention de Frédéric Lefebvre

Séance en hémicycle du 13 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 71

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

À ceux, sur les bancs de l’actuelle majorité, qui craignent de ne pas être fidèles aux engagements pris devant les Français lors de la dernière campagne présidentielle, je voudrais remettre en mémoire les déclarations faites par les deux principaux candidats en février 2012. J’étais alors ministre et M. Sarkozy et M. Hollande avaient profité des états généraux du commerce, très peu de temps avant l’élection, pour dire leur part de vérité sur la question du travail le dimanche et sur ce que devaient devenir les textes votées par la majorité d’alors, à laquelle j’appartenais..

Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’il voulait poursuivre les assouplissements au nom de la croissance et au nom de l’emploi. François Hollande avait envoyé un message à tous les commerçants, qui devrait rassurer tous nos collègues, comme Pouria Amirshahi et d’autres, qui craignent que ce projet de loi ne soit pas fidèle aux engagements qu’il avait pris. Pour ne pas trahir ses propos, je les ai notés : « Il faut trouver un équilibre entre les droits des salariés et le souci des commerçants de répondre à de nouvelles formes de concurrence. »

Il est assez cohérent qu’une mission ait été confiée à M. Bailly, dont je salue le travail. Comme à peu près toutes les personnes représentant le commerce en France, j’ai été auditionné par lui. Le rapport aboutit à un équilibre, dont je regrette qu’il ait été rompu en commission spéciale. De fait, un certain nombre de dispositions sont en recul par rapport au rapport Bailly.

Pour ma part, je défendrai une trentaine d’amendements sur ce sujet – je le ferai rapidement, c’est la raison pour laquelle j’aborde la question dans sa globalité maintenant. Ils vont plus loin que le rapport Bailly, et donc plus loin que votre texte. Néanmoins, je le voterai, comme je l’ai dit, car il constitue une avancée par rapport à la loi que nous avions nous-même votée et qu’il est conforme à la volonté des deux candidats à la dernière présidentielle d’un assouplissement de la législation.

Je veux rappeler la réalité, car nous nous en sommes éloignés depuis tout à l’heure. D’abord, qu’en pensent les Français ? Car c’est une question qui devrait préoccuper chacun de nous. Au fil des ans, ils sont de plus en plus nombreux – plus de 60 % selon les derniers sondages – à considérer que la possibilité d’ouvrir le dimanche doit exister.

J’ai soutenu les salariés de Bricorama. Il y a quelques jours, l’enseigne a été condamnée en appel à une astreinte de 500 000 euros, qui ira dans la poche du syndicat qui la poursuivait. En interne, les référendums montrent que tous les salariés veulent travailler le dimanche, une question de survie pour certains. La société est tellement schizophrène qu’un syndicat se fait 500 000 euros sur le dos de salariés, parce que l’entreprise, contrainte de fermer le dimanche, devra baisser les salaires ou supprimer un certain nombre d’emplois. Quand on est aveuglé par l’idéologie, voilà ce que l’on se retrouve à défendre !

Parlons de Paris, puisque certains ont évoqué la question. Connaissez-vous les Abbesses ? De l’autre côté de la rue, c’est la zone touristique de Montmartre. Mais les Abbesses, c’est une zone « Paris respire ». Les deux sont piétonnes, les touristes sont les mêmes, mais sur un trottoir, les commerçants ont le droit d’ouvrir le dimanche et pas sur l’autre. Allez donc les voir, ces petits commerçants, ces boulangers, ces bouchers qui ont vu leur loyer multiplié par trois ou quatre, à cause de Paris respire ! Leur seule chance de s’en sortir, c’est de travailler le dimanche. Et comme ils ne peuvent pas faire travailler quelqu’un d’autre le dimanche, ils finissent par travailler eux-mêmes sept jours sur sept. De l’esclavagisme moderne !

C’est cela, la société que vous voulez ? Des Français qui n’aient d’autre choix que de travailler tous les jours de la semaine ? Des maris, cadres dans une entreprise toute la semaine, qui viennent aider le dimanche leur épouse commerçante parce qu’elle n’a pas le droit d’embaucher un des étudiants qui font la queue pour travailler, pour pouvoir payer leurs études ? Il y a bien un moment où il faut regarder la réalité !

En tant qu’ancien secrétaire d’État au tourisme, je me désole de voir Londres passer devant Paris cette année en matière touristique. Mais cela s’explique facilement : quand on demande à un tour-opérateur d’organiser un week-end, il ne propose pas Paris !

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