Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du 13 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 71

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, rapporteur thématique :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, chers collègues, chacun entre ici, comme l’a dit M. Ferrand, avec sa sincérité et sa sensibilité. Permettez-moi de vouloir être ici le premier contributeur à un débat serein et apaisé.

Nous avons entamé ce débat voici quelques mois déjà, en avril 2013, lorsque le groupe socialiste a créé en son sein un groupe de travail destiné à traiter la question du travail dominical. Nous avons multiplié les auditions et avons nous-mêmes été auditionnés par le président Bailly, chargé de rédiger un rapport. Au fil de nos travaux et réflexions, nous avons formulé un certain nombre de contributions que nous souhaitons livrer aujourd’hui, à l’occasion de ce débat.

Toujours avec le souci d’un débat serein, je rappelle que nous avons, depuis les travaux de la commission spéciale, entendu un certain nombre d’erreurs et d’approximations de la part de celles et ceux qui, n’ayant pas lu le texte, portent des jugements sans appel sur notre volonté de « libéraliser » la société.

Ce n’est pas ce que nous voulons faire. Comme l’a indiqué M. Ferrand, nous voulons adapter notre société aux exigences du monde moderne et faire respecter nos valeurs. Nous ne sommes pas favorables à la libéralisation du travail dominical. Nous défendons l’idée selon laquelle le dimanche doit demeurer un jour consacré à faire société, à vivre ensemble, à placer la vie associative et familiale au coeur de nos priorités.

Pour autant, il faut être sincère et pragmatique. Les modes de vie qui existent sur certains territoires nous obligent à fixer de nouvelles exigences pour fluidifier la vie de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous vous présentons un certain nombre de propositions. Je souhaite être dans ce débat celui qui apportera la démonstration la plus exacte possible de ce que nous voulons faire, non pas celui qui va apporter la vérité, car chacun détient la sienne propre, mais celui qui présentera de la façon la plus exacte possible les intentions de ce texte.

À l’heure où ce débat s’engage, je souhaite faire deux séries d’observations. La première est relative à la situation existante, la seconde porte sur les principales avancées que nous avons obtenues – parce que nous avons discuté et trouvé à nos côtés un gouvernement très réceptif à nos propositions.

Je commencerai donc par rappeler la grande diversité des dérogations en vigueur en matière d’ouverture dominicale des commerces et les nombreux régimes qui les caractérisent.

Il existe des dérogations permanentes de droit qui s’appliquent dans certains commerces – tabacs, fleuristes, stations-service – du fait de la spécificité des activités. Nous avons cinq régimes dérogatoires, qui se caractérisent par d’amples différences, notamment s’agissant du régime applicable aux salariés.

Il existe également des dérogations préfectorales individuelles, destinées à répondre aux besoins du public ou à assurer le bon fonctionnement d’un établissement. Elles sont soumises à des accords collectifs ou à une décision unilatérale de l’employeur, moyennant des contreparties et la garantie du volontariat.

Il existe des dérogations propres aux zones touristiques, qui ne sont donc soumises ni à la conclusion d’un accord ni à une quelconque obligation de contrepartie salariale ou de respect du volontariat. Il y a aussi les dérogations propres aux PUCE, qui sont soumises à accord en cas de décision unilatérale de l’employeur ou comportent des contreparties et la garantie du volontariat.

Il y a aussi les cinq dimanches du maire : dans ce cas, pas d’obligation d’accord ni de respect du volontariat mais un doublement de la rémunération des salariés et un repos compensateur.

Enfin, il existe des autorisations permanentes. Celles-ci sont propres aux commerces alimentaires, quel que soit le secteur géographique, et s’appliquent jusqu’à 13 heures. Elles ne comprennent ni l’obligation d’accord, ni contrepartie salariale, ni garantie du volontariat, mais prévoient un repos compensateur.

Depuis la fin des travaux en commission spéciale, ce texte a connu un grand nombre d’avancées et nous allons, au cours du débat, lui en apporter d’autres.

Le sujet nous a divisés, à droite comme à gauche. Je rappelle que la loi Maillé contient déjà un certain nombre de dispositifs, dont un encadrement géographique et territorial, mais qu’elle oublie une chose importante : les salariés ! Elle ne traite pas de leur sécurisation, ni de la question du volontariat. Elle ne traite pas de la compensation salariale qui est due à tout travailleur qui accepte de travailler un jour supplémentaire de la semaine. Ces questions sont traitées dans le présent projet de loi.

Tout d’abord, il harmonise le régime applicable à l’ensemble des dérogations géographiques, autrement dit aux zones touristiques internationales, créées par ce projet de loi, aux zones touristiques et aux zones commerciales, avec l’obligation de conclure un accord comportant des contreparties salariales et le respect du volontariat, désormais inscrit dans la loi.

Deux remarques complémentaires. D’abord, les zones touristiques actuelles ou les PUCE qui n’ont pas encore prévu d’accord ou de contrepartie disposeront de trois ans pour se mettre en conformité avec ces nouvelles règles. En outre, un aménagement doit être envisagé pour les petits commerces qui pourraient avoir des difficultés pour conclure un accord – il s’agit essentiellement des petits commerces dans les zones touristiques. Si la commission spéciale a pu envisager de rétablir pour eux la possibilité de procéder par décision unilatérale, nul doute qu’au cours de cette séance nous allons en rediscuter et proposer d’en revenir à l’obligation d’un accord, tout en aménageant au mieux leurs conditions d’ouverture le dimanche.

S’agissant des dimanches du maire, la seule différence portera sur leur nombre. Richard Ferrand en a brillamment parlé. Aujourd’hui, ce nombre est de cinq. Il passerait à douze sans que cela change la nature des choses. En effet, un maire qui ne veut pas ouvrir ses commerces aujourd’hui ne sera pas obligé de les ouvrir à l’avenir ! Un maire qui les ouvre cinq dimanches pourra en rester là !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion