Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 21h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Après l'article 2, amendements 13 14

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

La comparaison avec la lutte contre la pédopornographie est très souvent invoquée pour justifier le blocage des sites à caractère terroriste. Étudiant ces dispositifs, j'en ai moi-même envisagé la possibilité il y a quelques mois. Cette comparaison doit être relativisée.

En effet, la lutte contre les sites à caractère terroriste pose un problème sans doute plus complexe. C'est toute la difficulté. Elle touche à la liberté d'expression et oblige à la recherche d'un équilibre très difficile à trouver au regard tant de nos principes constitutionnels que des normes européennes.

Cette incrimination oblige de plus, si l'on veut être efficace – ce qui est bien le but recherché – à mettre en place une veille a priori de l'Internet pour que les fournisseurs d'accès signalent tous les utilisateurs se connectant à certains sites. Cela suppose une infrastructure très lourde qui ne devrait pas être un obstacle en soi, mais pour un résultat aléatoire, au détriment d'autres axes d'investigation et de surveillance de la mouvance terroriste.

Par ailleurs, pour des mesures si attentatoires aux libertés, le recours au juge doit être la règle et les procédures administratives l'exception. Or la rapidité et l'efficacité de la réponse judiciaire ne sont pas en cause ici. Je rappelle que l'alinéa 8 du paragraphe I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique permet un retrait judiciaire rapide des contenus litigieux par voie de référé. Par souci d'efficacité et de cohérence, le Gouvernement est donc d'abord enclin à sanctionner celui qui met en ligne ou permet la mise en ligne de tels contenus. Nous disposons en outre – je veux également le souligner – de l'incrimination de provocation ou d'apologie d'actes de terrorisme ou, le cas échéant, du délit d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste.

Voilà les raisons pour lesquelles, monsieur le député, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. J'imagine que nous pourrons cependant évoluer sur ces questions dans les mois ou les années qui viennent. Plutôt que de mener une expérimentation, comme vous le proposez, approfondissons la réflexion en associant le Parlement, le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur.

Il s'agit d'un vrai sujet. La réponse, à ce stade, est peu évidente. Nous devons prendre le temps nécessaire pour l'élaborer.

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