Les projets d'extension de la CSPE au gaz naturel et aux produits pétroliers reposent sur un malentendu selon lequel ces deux sources d'énergie bénéficieraient d'une fiscalité plus favorable, un malentendu qu'il convient de dissiper.
Le gaz naturel supporte de nombreuses taxes et contributions spécifiques. Il y a tout d'abord la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), dont le taux est passé de 1,32 euro à 1,41 euro par mégawattheures au 1er avril 2014, et qui passera à 2,93 euros en 2015, pour culminer à 4,45 euros en 2016, soit une majoration de près de 400 % en trois ans. Cette taxe devrait permettre à l'État de collecter 2,5 milliards d'euros en 2015, 4 milliards en 2016.
À cela s'ajoute une contribution au tarif spécial de solidarité. Cette contribution, imputable aux fournisseurs de gaz naturel au prorata des quantités vendues aux consommateurs finals, était de 0,20 euro par mégawattheures en 2014, et la CRE estime que le total des charges prévisionnelles liées au tarif spécial de solidarité, très faible en 2013 – 50 millions d'euros –, atteindra 117 millions en 2015.
La troisième taxe est la contribution tarifaire d'acheminement, qui permet de financer l'assurance vieillesse des salariés du régime spécial des industries électriques et gazières. Cela représente environ 25 euros par an sur la facture d'un consommateur moyen.
Enfin, une contribution a été instituée dans le cadre du dispositif de soutien à l'injection de biogaz dans les réseaux de gaz naturel. Elle représentera 7,6 millions d'euros en 2015, mais elle est sans doute appelée à croître fortement dans les années à venir du fait de la multiplication des projets.
Le fioul et le gaz participent en outre aux politiques publiques. Ils contribuent tout d'abord à la sécurité d'approvisionnement énergétique par le biais d'obligations de stockage, lesquelles ont été renforcées en 2014 pour le gaz. Ces obligations représentent un coût global, supporté par le consommateur, de l'ordre de 1 milliard d'euros par an, le stockage couvrant un quart de la consommation annuelle du pays.
Le gaz participe aussi à la transition énergétique par toute une série d'actions conduites par les gaziers. L'électricité n'a pas le monopole de la transition énergétique vertueuse. Le gaz, comme le souligne la Cour des comptes, est une des énergies les plus performantes et les moins émettrices de gaz à effet de serre. C'est aussi une énergie à bas coût, largement disponible sur la planète, ce qui en fait un élément important pour assurer la sécurité d'approvisionnement.
Un deuxième exemple de la participation du gaz à la transition énergétique est la meilleure maîtrise de la demande, avec l'installation, avant 2022, de plus de dix millions de compteurs communicants en France.
De même, le gaz vient à l'appui des énergies renouvelables, l'éolien, et le photovoltaïque, qui sont des énergies par nature intermittentes. Elles ne peuvent fonctionner que si elles sont complétées par des installations de production décentralisées : ce sont les installations au gaz qui sont à cet égard les plus performantes, ce que la Cour des comptes souligne dans le rapport public annuel qu'elle a publié ce matin même, indiquant que les filières thermiques, essentiellement le gaz et le charbon, sont nécessaires pour passer les pointes de consommation. Le charbon, tout le monde en convient, n'est pas la meilleure énergie pour le climat.
Les gaziers, par ailleurs, mettent en oeuvre d'importants programmes de recherche et développement afin de pouvoir injecter dans les réseaux de gaz de l'hydrogène produit à partir de l'électricité éolienne et photovoltaïque lorsque celle-ci est temporairement excédentaire.
Enfin, l'industrie gazière se fait le moteur du développement des énergies renouvelables en rendant possible l'accès de ses réseaux au biogaz et au biométhane, deux filières particulièrement prometteuses en France puisqu'elles devraient permettre de produire entre 100 et 160 térawattheures en 2050, c'est-à-dire de couvrir de 20 à 32 % des consommations. Ce sont là des perspectives validées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ainsi que d'autres organisations professionnelles, comme l'Association technique énergie environnement (ATEE), ou encore le plan stratégique des énergies renouvelables de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).
La filière participe activement à la lutte contre la précarité énergétique en finançant le tarif social de solidarité. L'effort des consommateurs de gaz naturel vis-à-vis du climat, par le biais du financement de la production des énergies renouvelables associées au gaz naturel, sera du même ordre de grandeur que celui consenti par les consommateurs d'électricité par le biais de la CSPE.
Si le périmètre de la CSPE devait être étendu au gaz et au fioul domestique, cela entraînerait des déséquilibres préjudiciables à la fois à la réalisation de la transition énergétique, à l'économie de sa mise en oeuvre, et à la justice sociale.