Intervention de Dominique Daul

Réunion du 11 février 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dominique Daul, éleveur bovin, responsable des dossiers « Environnement » d'Interbev :

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir pris l'initiative d'organiser cette table ronde au sein de votre commission. Il est essentiel qu'un débat concret et pragmatique ait lieu entre le monde de l'élevage et l'ensemble des élus de notre pays.

Si notre secteur est souvent pointé du doigt en matière d'environnement, l'éleveur que je suis et la profession que je représente aujourd'hui estiment que les atouts de notre secteur et sa façon d'aborder la question sont en général peu connus. Ainsi, la semaine dernière j'ai eu le plaisir d'aller dans l'Aveyron visiter des élevages. En traversant ce département, je me suis dit que seules l'activité d'élevage et la profession d'éleveur pouvaient valoriser l'ensemble des prairies et les façonner. L'élevage doit faire l'objet d'une réflexion pragmatique. Lorsque l'on aborde les sujets environnementaux, il faut regarder ce qui se passe sur le terrain.

Quelques chiffres : la France compte 13 millions d'hectares de prairies, ce qui représente plus de 20 % de sa superficie. Seule l'activité bovine, ou celle des ruminants en général, peut valoriser ces surfaces. Forts de ce constat, nous avons voulu être proactifs et avoir un discours beaucoup plus positif sur l'élevage que celui qui a prévalu jusqu'à présent. D'où la création, au sein d'Interbev, du groupe « Environnement et territoires », qui affiche clairement que l'élevage a toute sa place et que les acteurs sont des acteurs de la transition écologique. Nous abordons sans complexe des sujets tels que le climat, l'eau, l'air, la biodiversité, la qualité des sols, etc., non seulement pour expliquer ce que fait l'éleveur au quotidien, mais aussi pour améliorer nos pratiques et nos impacts environnementaux.

Je veux citer quelques exemples concrets de notre travail au quotidien. La ration d'un bovin est constituée à 60 % d'herbe – jusqu'à 80 % pour les races allaitantes – et 90 % de cette alimentation est produite sur les exploitations. Le lien au sol fait partie intégrante de notre modèle de production et de nos élevages. Les déjections issues de nos élevages sont soumises à des normes, et c'est justifié. Elles apportent une vraie valeur ajoutée à nos élevages. Je suis agriculteur à dix kilomètres de Strasbourg – je me permets ici de saluer Mme Rohfritsch – et je peux vous dire que notre matière organique est valorisée sur l'exploitation. Le système de polyculture que je pratique avec mon associé est équilibré entre l'animal et le végétal. Le modèle français qui s'inscrit dans cette démarche est un vrai atout environnemental aujourd'hui. C'est un élément qu'il faut garder à l'esprit avant d'aborder tous les sujets, y compris les impacts négatifs.

Depuis deux ans, nous avons mené une concertation avec cinq ONG – France Nature Environnement, WWF, Fondation Nicolas Hulot, Green Cross et Orée – dont deux sont représentées à cette table ronde. Nous avons fait ensemble le constat que, si l'élevage disparaissait en France, ce serait une catastrophe pour l'environnement, l'économie et la vie sociale de nombreuses régions. Vous avez tous, je crois, des exploitations agricoles et des exploitations d'élevage dans vos circonscriptions : regardez ce qu'il s'y passe, enlevez-les et imaginez le résultat.

Bien sûr, nous avons aussi abordé avec les associations les points de friction. Pour produire un kilo de viande, il faudrait, paraît-il, 15 000 litres d'eau. Il nous semble aberrant de comptabiliser l'ensemble des eaux de pluie qui tombent du ciel, recouvrent les prairies et font pousser l'herbe. S'il n'y a pas de vache dans un pré, l'eau y tombe tout de même. Nous avons demandé à l'Institut de travailler sur le sujet : on atteindrait plutôt 50 litres d'eau pour un kilo de viande produit. Il faut donc aborder ces sujets avec pragmatisme.

On parle beaucoup du bilan carbone de notre production de viande, surtout en cette année où la COP21 se tiendra en France. C'est le cumul de deux choses : le carbone émis par l'acte de production, qui représente 45 % des émissions – c'est tout ce qui est lié à l'énergie, aux épandages d'effluents, etc. –, et le méthane entérique, qui en représente 55 %. Le méthane entérique est un phénomène naturel lié à la rumination de l'herbe, c'est-à-dire, en clair, le rot des vaches. On n'a pas encore trouvé de solution pour le réduire. (Sourires)

Si l'on s'en tient à cette méthode de calcul, eau et bilan carbone, on aboutit à des aberrations puisqu'un feedlot américain, c'est-à-dire le regroupement de 50 000 à 100 000 têtes dans des parcs de contention, nourries avec des céréales, du soja, etc. – en fait, c'est un élevage intensif à outrance – est beaucoup mieux placé que le modèle économique de production français. Ce qui veut dire qu'il vaudrait mieux acheter du boeuf américain. (Murmures)

Vaut-il mieux conserver nos régions françaises avec l'herbe, le territoire, etc., et analyser l'ensemble des critères, ou se fonder uniquement sur le critère du carbone ? Réfléchissez bien, regardez les conséquences que cela pourrait entraîner.

J'ai oublié cet atout phénoménal que sont nos prairies, puisque 75 % des gaz à effet de serre émis sont compensés par le puits de carbone qu'elles représentent. Mais personne n'en parle ; ce n'est pas normal. Il est pourtant essentiel que vous en teniez compte dans vos décisions.

Je le répète, il est indispensable d'avoir une approche globale de l'élevage sur le plan environnemental. Nous avons engagé une démarche de progrès avec le projet Beef carbon d'une durée de six ans qui vise à essayer de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 15 à 20 %. Pour montrer notre engagement, la Confédération nationale de l'élevage organise, le 10 juin prochain, un colloque sur le climat et l'élevage. Nous aurons le plaisir de vous y inviter, ce qui vous permettra de voir les réels engagements de notre profession en englobant toujours l'aspect multicritères sur l'environnement.

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