Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d'avoir invité WWF à participer à cette table ronde. Notre organisation ne s'occupe pas uniquement de la protection des pandas, comme le grand public peut le croire. Bien entendu, nous protégeons beaucoup d'espèces emblématiques connues et menacées, mais nous nous intéressons aussi à la protection de l'habitat de ces espèces. C'est ce qui nous a conduits à travailler avec Interbev pour mesurer les impacts environnementaux de l'élevage bovin.
Les ONG considèrent que l'élevage des vaches allaitantes tel qu'il est pratiqué en France a beaucoup d'atouts : il a un très fort lien au sol, et la nourriture est essentiellement basée sur l'herbe. Donner à manger à des vaches, qui sont des ruminants, autre chose que de l'herbe est à la fois un peu dommage et un peu bête, étant donné que ces animaux ont cette particularité assez fantastique de produire de la viande à partir d'une nourriture à base d'herbe. Il n'en est pas de même pour le porc et la volaille.
L'élevage bovin a également des atouts en matière de valorisation des paysages, de maintien des emplois dans les territoires ruraux, de stockage de carbone. Il existe aussi un très fort lien culturel à l'élevage. Les touristes vont davantage visiter le bocage normand que la Beauce. (Sourires)
Depuis tout à l'heure, on parle beaucoup de la vache allaitante. Mais il faut savoir que 50 % environ de la viande de boeuf consommée en France provient d'élevages laitiers, c'est-à-dire de vaches de réforme. Or celles-ci ne sont pas nourries avec 80 % d'herbe, mais plutôt avec 50 % d'herbe. Il s'agit donc d'exploitations plus intensives, où les rations comportent beaucoup plus de céréales, voire du soja. Par exemple, le groupe laitier Bel importe 40 000 tonnes de soja d'Amérique du Sud chaque année, via ses éleveurs, pour produire son fromage, et Danone importe un million de tonnes de soja d'Amérique du Sud ou des États-Unis pour nourrir ses animaux. Évidemment, cette nourriture sert principalement à produire du lait, des yaourts et des produits laitiers, mais toutes ces vaches de réforme se retrouvent en fin de vie sur le marché de la viande. La consommation de viande a donc aussi un impact et un rôle à jouer.
Je ne suis pas sûr que l'élevage de volailles et de porcs, tel qu'il est pratiqué en France et en Europe actuellement, contribue beaucoup au façonnement de nos paysages et au maintien fort du lien au sol des exploitations. Une exploitation porcine a un lien au sol bien moindre qu'une exploitation bovine ; l'élevage porcin est beaucoup plus intensif ; l'alimentation est à base de céréales et la dépendance au soja importé d'Amérique du Sud forte. Le soja est l'une des grandes causes de déforestation dans le monde, et l'huile de palme peut aussi entrer dans l'alimentation des vaches laitières. C'est pourquoi WWF est fortement concerné par les questions d'élevage.
L'une des solutions consiste à diminuer la consommation de viande. Actuellement, on constate une baisse de la consommation de boeuf en France, avec un report sur la consommation de plats préparés et de viandes travaillées qui, d'un point de vue nutritionnel et environnemental, sont pires que de manger un steak. S'il fallait délivrer un message, ce serait qu'il vaut mieux manger du bon boeuf deux à trois fois par semaine et, au total, manger moins de viande. Si l'on maintient le niveau de consommation actuel tout en voulant réduire les impacts environnementaux, il faudra en passer par des feedlots. (Murmures)
Au Brésil, la première cause de déforestation, c'est l'élevage bovin, du fait de méthodes très extensives. Comme l'a dit tout à l'heure M. Daul, il faut avoir recours à une analyse multifactorielle, mais aussi examiner chaque situation puisque celle de la France est forcément différente de celle du Brésil. Une intensification de la production en France n'est pas nécessairement utile s'il y a une baisse de la consommation de viande. En revanche, une intensification de l'élevage au Brésil a du sens si la consommation des Brésiliens et l'exportation du boeuf brésilien se maintiennent au niveau actuel, voire continuent de progresser à cause, pour la seconde, de la demande asiatique, notamment chinoise.
Au niveau mondial, seul un quart des terres est labourable, dont 40 % destinés à la consommation des animaux. Il serait peut-être bon que les cultures dédiées à l'alimentation des animaux soient moins importantes, notamment dans l'intérêt de la sécurité alimentaire à moyen et long termes.