Mesdames, messieurs les députés, à mon tour je vous remercie pour votre invitation. Nous sommes très attachés au dialogue en matière d'agriculture et en particulier d'élevage puisqu'il s'agit du fondement de notre vie nationale, de notre culture et de notre civilisation.
France Nature Environnement (FNE) regroupe 3 000 associations sur le territoire national. Comme nous sommes généralistes, nous abordons l'ensemble des problématiques environnementales et nous sommes contraints d'être cohérents dans notre plaidoyer, notre argumentation entre nos différents relais, ce qui n'est pas très simple. En matière d'agriculture, nous sommes toujours dans la nécessité d'un compromis entre les enjeux alimentaires, environnementaux et d'aménagement du territoire.
Il est clair que si l'on ne préserve pas le sol, la qualité de l'eau, la biodiversité, bientôt nous ne pourrons plus produire suffisamment. La préservation de l'environnement est intrinsèquement liée à l'avenir de notre alimentation.
Quand on sait que la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d'habitants dans quelques décennies, on ne peut pas envisager de nourrir l'humanité de la même façon qu'aujourd'hui puisque, pour produire une protéine animale, il faut entre dix et quinze protéines végétales, et que nous ne disposons pas de la surface nécessaire. On ne peut donc pas envisager l'avenir de l'humanité sans prendre en compte d'abord l'enjeu alimentaire.
FNE a déjà eu l'occasion de défendre sa vision de l'agriculture lors du Grenelle de l'environnement. L'agriculture doit réduire l'usage des intrants. Les intrants correspondent à tout ce que l'agriculteur achète à l'extérieur. Cela va de l'énergie à l'alimentation des animaux en passant par les engrais ou les produits de traitement. Il ne s'agit pas de les supprimer et d'aller vers une agriculture autarcique, mais de parvenir à une plus grande autonomie, à un système beaucoup plus résilient du point de vue économique. L'impact négatif sur l'environnement est très fortement lié, de façon générale, au volume d'intrants. Pour l'élevage, c'est la même chose.
Nous constatons avec satisfaction que cette vision a été traduite dans la certification environnementale de niveau 3, c'est-à-dire haute valeur environnementale (HVE). Le niveau de certification est basé sur le niveau d'intrants et sur la place laissée à la nature, c'est-à-dire aux infrastructures agro-écologiques. Il est rassurant de voir que, malgré l'alternance, il y a continuité dans l'approche agro-écologique suivie par les ministres de l'agriculture, et nous nous inscrivons parfaitement dans cette continuité. L'élevage doit y trouver sa place.
En fait, il n'existe pas un, mais des élevages : l'élevage en plein air, dont on parle beaucoup ce matin, mais aussi l'élevage en batterie, l'élevage hors sol, l'élevage des ruminants, l'élevage des animaux monogastriques, c'est-à-dire ceux qui ne s'alimentent pas à l'herbe. On ne peut donc pas tenir le même discours pour la vache élevée à l'herbe dans le Massif central ou sur le contrefort des Alpes, et le cochon ou la volaille élevés en batterie.
Il ne faut pas oublier non plus qu'il est nécessaire d'améliorer le respect de l'animal. Je sais que le sujet est sensible, mais il est fondamental. Nous devons avancer sur cette question éthique. Notre civilisation a de l'avenir dans la mesure où l'on prend en compte aussi cet aspect-là.
On peut rapidement dresser une liste des impacts négatifs de l'élevage sur l'environnement. D'abord, l'impact sur l'eau, avec les phénomènes d'eutrophisation. La manifestation la plus aiguë concerne les algues vertes en Bretagne, mais l'eutrophisation des eaux affecte la plupart de nos territoires.
Ensuite, l'impact sur l'air n'a pas beaucoup été pris en compte jusqu'à aujourd'hui, la prévention des impacts sur l'eau n'entraînant pas nécessairement une prévention des impacts sur l'air. Or, si l'azote va dans l'eau, il va aussi dans l'air. Il va donc falloir modifier à la fois les systèmes et les pratiques, sans quoi nous serons confrontés à des problèmes sociétaux.
Quand l'élevage n'est pas lié au sol, il faut prendre en compte les impacts sur l'environnement issus des cultures, notamment celles destinées à l'alimentation du bétail, au plan national et européen, mais aussi sur les autres continents du fait des importations.
Disons-le clairement, il est indispensable de réduire le cheptel, mais pas nécessairement les installations, le nombre d'élevages ni le revenu. Nous considérons que la meilleure régulation, c'est le lien au sol, c'est-à-dire le fait de n'élever que les animaux que l'on est capable de nourrir sur l'exploitation ou sur le territoire sans aller chercher des cultures outre-mer ou dans des régions très éloignées. L'élevage lié au sol entraîne nécessairement une diminution du cheptel et une amélioration de la qualité. Or la qualité, c'est l'avenir de l'élevage. J'habite en Haute-Savoie. Si les agriculteurs ne produisaient pas dans les Alpes du Nord des produits de qualité, il n'y aurait quasiment plus d'agriculture, ou en tout cas très peu. Aujourd'hui, avec le reblochon et le beaufort par exemple, la valeur ajoutée du lait est relativement forte, ce qui permet de maintenir un élevage actif dans une région où les contraintes liées au climat et au relief sont fortes, alors que les problèmes sont plus nombreux dans des régions où ces contraintes apparaissent plus faibles. Il faut donc encourager la qualité et la valorisation des produits.