Il est important de noter que, quel que soit le gouvernement, le budget de la PAC a été maintenu globalement au niveau européen. La France a fait du bon travail. En ce qui concerne l'élevage, le choix a été fait de soutenir et de maintenir une prime couplée à la production de la vache allaitante, ce qui veut dire qu'à une vache correspond une prime. La prime n'est pas liée à l'exploitation, mais bien à un acte de production. C'est un choix fort pour les zones herbagères et l'on ne peut que s'en féliciter.
Je souhaite dire haut et fort qu'il n'est pas acceptable que les éleveurs, qui doivent faire leur « déclaration PAC » au mois de mai prochain, ne connaissent toujours pas le cadre de la nouvelle PAC. Il y a là un dysfonctionnement global des services du ministère de l'agriculture.
Un plan protéines a été avalisé dans le cadre de la nouvelle PAC et un fonds est spécifiquement lié à l'agriculture, notamment aux éleveurs. C'est essentiel pour développer différentes productions. Je pense notamment aux légumineuses, au mélange herbe-légumineuses, ce qui permettra de gagner en autonomie fourragère et d'améliorer notre plan « protéines végétales ». Cela ne veut pas dire pour autant que nous deviendrons indépendants. On estime pouvoir accroître les surfaces d'un million d'hectares, ce qui n'est pas négligeable. Les essais réalisés dans les fermes expérimentales et les différentes mesures déjà prises dans un certain nombre d'élevages montrent que ça marche. Mais ce ne sera pas possible partout. Et la mesure aura un impact agronomique auquel les éleveurs sont sensibles.
Je veux rappeler quelques chiffres. Le revenu moyen d'un éleveur est aujourd'hui de 14 000 euros par an. Quel jeune a envie de s'installer pour gagner une telle somme ? Il faut savoir qu'il est plus facile aujourd'hui de reprendre ou d'agrandir une exploitation céréalière que de reprendre un élevage. C'est souvent un voisin éleveur qui reprend l'élevage. Et si c'est un voisin céréalier qui reprend l'élevage, il vend les animaux et reprend les surfaces. C'est plus intéressant de pratiquer de la sorte en termes de qualité de vie et de vie sociale. Dès lors, que faire ? Ce n'est pas compliqué : il faut permettre à l'éleveur de gagner sa vie, comme l'a dit Mme Sophie Rohfritsch.
Ce n'est pas facile d'élever seul cinquante vaches. Pour ma part, je suis engraisseur, c'est-à-dire que j'achète des broutards issus de zones extensives. Je dis toujours qu'il est plus facile d'en produire 800 à deux que 400 tout seul, (Sourires) en termes de rentabilité, sans oublier le facteur humain. On parle beaucoup de bien-être animal, mais il faut aussi penser au bien-être de l'éleveur et à sa vie sociale. Dans un même village, on autorise aujourd'hui deux producteurs à avoir 400 jeunes bovins sur chaque exploitation. Par contre, on leur impose 20 000 euros d'études, deux ans d'expertises pour associer les deux exploitations. Il faudra donc savoir évoluer tout en maintenant un lien au sol pour éviter le développement des exploitations hors-sol de bovins.
On a beaucoup parlé des zones extensives. Il faut mentionner aussi la complémentarité des zones que nous avons la chance d'avoir en France : il y a des zones totalement herbagères ou à forte potentialité herbagère, et des zones de plaine où sont cultivées les céréales qui permettent de fournir des protéines et donc d'engraisser nos animaux. Si notre pays compte encore autant d'élevages, c'est bien que les différentes zones se complètent et que les systèmes de production sont équilibrés et cohérents. Venez visiter nos fermes : nous n'avons pas peur de montrer ce que nous faisons. Dernièrement, Interbev a organisé les rencontres « Made in viande ». Quand les citadins viennent sur nos exploitations, ils peuvent voir tout ce que nous faisons en matière d'environnement et se rendre compte de ce que cela coûte.
Je citerai encore un chiffre : 50 % des éleveurs ont plus de cinquante ans. Dans ces conditions, comment maintenir le potentiel de production, surtout lorsque l'on sait que le nombre d'exploitants va baisser ? Il y a actuellement 4 millions de vaches allaitantes en France. Sur 2 millions de broutards, jusqu'à présent la moitié partait en Italie. Mais d'ici à dix ans, on estime que seulement 600 000 iront à l'étranger. Dès lors, que faire des animaux restants ? Il y a des réalités économiques qui s'imposent à nous. Je ne dis pas qu'il faut aller vers de grands modèles – je ne parle pas des feedlots – mais si les normes sont respectées et le lien au sol conservé, nous serons capables de faire de belles choses au niveau environnemental, d'améliorer la vie sociale des éleveurs et de garantir la pérennité économique des exploitations. Il est essentiel de repenser fondamentalement la production. C'est ce que pensent l'interprofession et la Fédération nationale bovine (FNB) et c'est ce que les élus devraient penser. Ce sont de vrais enjeux, non seulement pour les éleveurs, mais aussi pour toute la filière en aval : fabricants d'aliments, concessionnaires, abattoirs, transformateurs, etc.
Méfions-nous de ce qui se passe en Allemagne en matière de méthanisation. Certaines exploitations allemandes sont allées jusqu'à arrêter l'élevage et ne cultivent que du maïs ensilage pour faire tourner leur méthaniseur. Ce n'est pas une solution pour nous. Certaines unités de méthanisation peuvent regrouper deux ou trois exploitations de 350 à 500 animaux et être viables. Mais que fait-on avec l'énergie et avec la chaleur ? Ne faudrait-il pas plébisciter les injections directes de gaz ? Actuellement, peu de méthaniseurs se montent en France pour des raisons administratives et financières, les éleveurs n'ayant pas toujours la capacité financière pour s'engager.