Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 17 février 2015 à 21h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, voici donc la deuxième saison de votre série sur la réforme territoriale. Malheureusement, peu de surprise dans le script. Comme prévu, le département est en sursis. Comme prévu, les régions amorcent une autonomie politique qui se renforcera de réforme en réforme. Comme prévu, Bruxelles a soufflé à vos oreilles, en mai 2013, une organisation territoriale faisant table rase du passé en créant des super-régions administratives, sans aucune cohérence historique, en vidant petit à petit le département de ses compétences, en effaçant les communes derrière les intercommunalités, en favorisant l’émergence de métropoles mondialisées.

Un coup d’accélérateur est donné pour permettre cette fameuse Europe des régions où la nation disparaît au profit d’une collaboration interrégions ou euro-régionale. Demain – je prends date avec vous – se profilera la fusion de régions transnationales, et il en sera définitivement fini de nos frontières nationales. Quoi de mieux, pour affaiblir les résistances nationales, dernier rempart au fédéralisme européen, que de briser de l’intérieur le lien entre les Français et leur territoire ?

Un bel exemple de cette autonomisation des régions dans votre texte est l’expérimentation sur trois ans du transfert de l’État vers la région du service public d’accompagnement pour l’emploi, ou la possibilité d’utiliser un pouvoir réglementaire. Après avoir rétabli la clause de compétence générale à votre arrivée en 2012, vous proposez, dans ce projet, sa suppression pour les régions et les départements ! L’on pourrait s’en féliciter si la répartition des compétences ne se faisait pas tant au détriment des territoires ruraux et de la proximité.

Vous transférez des compétences phares du département à vos nouvelles régions. C’est ainsi que de nombreuses décisions concernant les territoires excentrés seront prises dans les grands centres urbains régionaux : les routes, les transports, les aides aux entreprises seront dorénavant exclusivement réservés à la région. Et pourtant, les routes nécessitent une gestion de proximité, pour parer à l’urgence des accidents ou des intempéries. Les territoires les plus difficilement accessibles paieront le prix de ce transfert, ce qui accentuera la dégradation des services publics dans les zones rurales. Même constat pour les transports scolaires : la complexité et le maillage des circuits de transport, certains élèves étant récupérés jusque dans les cours des fermes parentales, exigent une réactivité et une adaptation aux circonstances locales incompatibles avec la régionalisation.

En ce qui concerne le tourisme et les collèges, vous avez préféré une solution mi-chèvre mi-choux, en faisant de la région le chef-de-filat de la politique touristique, autrement dit le grand coordinateur, et en mutualisant les compétences scolaires sur les lycées et les collèges. La région, d’un côté, la métropole, de l’autre : le département se retrouve pris en tenaille. À l’article 23, vous contraignez le département à déléguer au moins trois compétences à la métropole. Faute d’accord sur ces trois compétences, ce sont sept compétences qui seront automatiquement transférées à la métropole. Si le département ne veut pas mourir par lui-même, il faudra l’euthanasier !

Drapée dans les habits de l’intérêt général, on voit néanmoins pointer l’idéologie. J’en veux pour preuve l’article 28, qui fait de la vie associative et de l’éducation populaire une compétence partagée. Cette disposition, proposée par les écologistes, a été reprise par les socialistes en commission, au prétexte que le texte initial ne permettait pas le financement croisé des associations antiracistes, d’éducation civique, de prévention de la violence ou de protection de l’environnement, dixit Mme Pompili. Que les copains des associations communautaristes et militantes d’extrême-gauche se rassurent : pas de tarissement des financements publics au programme !

La commune subit aussi les assauts du Gouvernement, qui fait de l’EPCI la nouvelle entité phare du bloc communal. Le relèvement du seuil de l’intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants conduira à fusionner un grand nombre de communes et à noyer les plus petites d’entre elles. Or pour garantir un processus décisionnel souple et efficace, il apparaît essentiel de conserver une intercommunalité resserrée, fondée sur le volontariat, gage d’une vraie démocratie locale.

Jusqu’ici, vos choix décentralisateurs n’ont fait qu’alourdir les dépenses publiques, les impôts locaux et les effectifs. Comment vous croire lorsque vous nous promettez les économies tant attendues ? C’est oublier le coût pharaonique qu’engendrera la mise en oeuvre de ces réformes. C’est oublier que le transfert des personnels départementaux s’avérera coûteux pour la région, en raison des différences de régimes indemnitaires plus favorables pour les personnels de région. C’est oublier de dire que le transfert d’une politique d’un échelon à l’autre ne réduit pas le coût de cette politique, à moins d’en supprimer le contenu. C’est oublier de dire que vous avez, dans le Vaucluse, par exemple, diminué le nombre de cantons, mais augmenté le nombre d’élus.

Nous ne sommes pas dupes : la suppression du département était initialement prévue en 2020. Une révision constitutionnelle étant nécessaire, le Gouvernement a préféré une fin de vie sans douleur, en le vidant pas à pas de ses compétences, le réduisant au rôle d’assistante sociale. Le département est pourtant un formidable outil politique de proximité, plus adapté que la région, dont le centre de décision se trouve parfois à plusieurs centaines de kilomètres, mais aussi un outil de démocratie locale, dont les élus sont plus accessibles que les élus régionaux. Ils doivent demeurer les lieux d’expertise, de décision, de soutien à l’emploi, et leurs compétences en matière de gestion des services publics locaux doivent être renforcées. Il n’y a aucune cohérence à augmenter la taille des régions tout en affaiblissant considérablement l’échelon de proximité qu’est le département.

Ce projet méconnaît les réalités de terrain et les réalités historiques, tout en aggravant la fracture territoriale. Faute de temps, je ne peux aborder les contradictions, le flou et la complexité de certaines des dispositions. Je prends quand même le temps de vous dire que mon collègue Gilbert Collard et moi-même nous opposerons à ce texte, car il n’y a pas de sens à l’histoire, contrairement à ce que vous dites.

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