Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux vous remercier pour votre invitation et dire tout mon plaisir d'être aujourd'hui parmi vous pour aborder les grands enjeux de mon ministère qui concernent tout particulièrement votre commission.
Depuis ma nomination, il y a tout juste dix mois, je n'ai eu de cesse d'agir pour une politique renouvelée en faveur de l'aménagement de « tous » les territoires, qui reflètent la diversité de notre pays. Cette politique repose sur quelques grands principes, que je veux rapidement énoncer.
D'abord, le refus d'opposer les territoires les uns aux autres : la ville à la campagne, les quartiers au centre-ville, le périurbain à l'hyper-ruralité. J'ai la volonté de miser sur la complémentarité et la coopération entre les territoires qui composent notre pays, et qui ont tous un rôle singulier à jouer dans notre développement et notre aménagement du territoire.
Ensuite, la reconnaissance de la diversité de ces territoires et la nécessité de leur apporter des réponses adaptées, différenciées. L'égalité, valeur essentielle de notre République, à laquelle nous sommes tous très attachés, ne peut être synonyme d'uniformité, sous peine de méconnaître la diversité des situations et les inégalités de fait qui traversent nos territoires et notre société.
Enfin, la volonté de changer de regard sur les territoires ruraux et périurbains, de sortir de l'image passéiste et des clichés qui ont trop souvent cours dans différents supports ou écrits, y compris à Paris.
Il faut changer notre regard sur ces territoires parce qu'eux-mêmes ont profondément changé ces quarante dernières années. Alors que certains connaissent un nouvel essor démographique qui pose avec acuité la question des conditions d'accueil comme des réponses à apporter aux besoins et aux aspirations de ces nouveaux habitants, d'autres sont confrontés aux difficultés de la perte d'attractivité économique et au déclin démographique. C'est la France tout entière qui a changé de visage, avec la montée en puissance de la décentralisation, qui oblige l'État à penser différemment sa place et son rôle.
Nous devons prendre également en compte l'émergence des métropoles, désormais reconnues par la loi, qui constituent pour notre pays une chance de peser davantage dans la compétition mondiale, mais qui suscitent aussi la crainte, légitime, d'un possible creusement des inégalités territoriales. Ces dernières prennent aujourd'hui des formes diverses, qui traversent les territoires eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous devons réfuter l'idée que notre pays serait partagé entre une France des métropoles, intégrée à la mondialisation, et une France périphérique, oubliée de la République.
La situation est en réalité beaucoup plus complexe. Les métropoles recèlent en leur sein des quartiers de relégation et d'extrême pauvreté, jouxtant parfois, à quelques centaines de mètres seulement, des quartiers particulièrement privilégiés. C'est vrai aussi dans les ruralités et dans les zones périurbaines.
C'est la raison pour laquelle cette politique en faveur de l'aménagement de tous les territoires s'inscrit d'abord dans la volonté d'écouter les acteurs locaux, et de partir des réalités vécues sur le terrain ainsi que des besoins exprimés par les habitants. C'est le sens même des Assises des ruralités que nous avons organisées cet automne et qui ont rencontré un franc succès, avec plus de 2 000 participants aux quatre coins de la France.
Partout, j'ai pu constater une même soif d'échange, de dialogue, une même passion pour les territoires, une même envie de prendre en main son destin, d'être force de proposition, ainsi qu'une formidable capacité d'initiative, mais aussi de véritables attentes vis-à-vis de l'État.
Organisées sous la forme de sept ateliers thématiques, ces assises ont permis de mettre en évidence les attentes prioritaires des populations de ces territoires, mais aussi de mettre en relief de nombreuses initiatives intéressantes et innovantes, qui gagnent à être connues et reconnues pour les démultiplier sur les territoires rencontrant les mêmes besoins.
Sans grande surprise, ce sont les questions du très haut débit, des services publics et de l'accès aux soins qui sont revenues le plus souvent dans les débats. Des échanges nourris, doublés de nombreuses contributions écrites, ont permis au Gouvernement de définir onze premières mesures pour répondre aux enjeux prioritaires identifiés au cours de ces ateliers. Ces mesures, qui ont été présentées au conseil des ministres le 17 décembre dernier, seront développées lors d'un prochain comité interministériel à l'égalité des territoires.
Nous allons ainsi poursuivre la résorption des zones blanches de téléphonie mobile, qui concernent encore 170 communes en France métropolitaine, et nous attaquer à la réduction des zones grises – où tous les opérateurs ne sont pas présents. Pour ce faire, nous allons mobiliser 7 millions d'euros dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER) au titre du fonds d'amorçage, et nous mettrons en place un guichet unique auquel les communes pourront s'adresser. L'intérêt de ce dispositif tient au fait qu'il permettra de traiter les difficultés identifiées, mais également celles qui pourraient survenir par la suite. Parallèlement, nous allons intensifier nos efforts pour que le développement du réseau de très haut débit permette de couvrir l'intégralité du territoire d'ici à 2022.
Par ailleurs, nous allons créer d'ici à 2017 plus de 1 000 maisons de services au public, en particulier grâce à un partenariat privilégié avec la Poste. Nous allons poursuivre l'implantation des maisons de santé pluridisciplinaires, avec le volet territorial des CPER, enjeu majeur pour l'attractivité de nombreux territoires.
Nous renforçons également le maintien à l'ingénierie locale, notamment via la mise en place progressive de nouveaux conseils du territoire – amorcée par les directions départementales des territoires (DDT), en complément des départements – dont le rôle va être renforcé avec la loi NOTRe.
Au-delà de ces mesures très concrètes et pragmatiques, la politique d'aménagement du territoire que je conduis s'appuie sur des moyens financiers maintenus, et même renforcés de la part de l'État. C'est le cas de la nouvelle génération des CPER, qui vont mobiliser plus de 12 milliards d'euros sur six ans, dont 994 millions d'euros au titre du seul volet territorial. La très grande majorité de ces contrats est aujourd'hui en phase de finalisation. Tous devraient être approuvés et signés avant la fin du mois de mai. Je me réjouis que les négociations aient abouti rapidement et, je le crois, à la satisfaction générale. Ici ou là, des difficultés ont pu nous être signalées, mais à chaque fois nous nous sommes efforcés d'y apporter des solutions concrètes ; globalement, nous y sommes parvenus. Nous allons ainsi apporter un soutien déterminant aux projets d'investissement des collectivités et à la relance de la croissance et de l'emploi dans les territoires.
J'ai aussi souhaité faire évoluer le prêt à taux zéro (PTZ) en l'ouvrant au logement ancien dans 6 000 communes rurales pour accompagner les ménages dans leur projet d'accession à la propriété, tout en soutenant les entreprises et les artisans du secteur qui travaillent dans ces territoires. Il s'agit également de favoriser la rénovation des centres-bourgs et de limiter l'extension des constructions dans les campagnes, problématiques que connaissent bien les élus des territoires ruraux.
Ce nouveau dispositif du PTZ s'articule directement avec le Programme de revitalisation des centres-bourgs pour lesquels nous avons lancé l'année dernière une expérimentation auprès d'une cinquantaine de communes en mobilisant 40 millions d'euros par an pendant six ans. Ces centres-bourgs accueillent des services, des commerces, des activités indispensables à la vie de leurs habitants et de ceux des territoires alentour. Leur situation, complexe, a des impacts lourds sur la vie quotidienne de nos concitoyens et sur la cohésion sociale de notre pays.
Le maître mot de cette politique est bel et bien la transversalité, puisqu'il s'agit de mettre en place une stratégie globale et transversale de dynamisation. Je souhaite que le dispositif fasse l'objet d'un suivi étroit auquel participeront, bien sûr, les associations d'élus pour que nous puissions ensuite envisager des pistes d'amélioration et travailler à sa généralisation future, par exemple à travers les CPER. C'est, j'en suis convaincue, un élément majeur si nous voulons lutter contre l'étalement urbain, recréer des centralités agréables à vivre dans nos villages et dans nos petites villes.
Je voudrais, à cet égard, rappeler la décision du Gouvernement d'augmenter d'un tiers, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, la dotation d'équipement des territoires ruraux, afin de soutenir les investissements portés par les collectivités, et singulièrement les plus petites d'entre elles. Avec mes collègues Marylise Lebranchu, Bernard Cazeneuve et George Pau-Langevin, nous avons récemment signé une circulaire aux préfets pour que 200 millions d'euros supplémentaires soient prioritairement affectés au financement de la revitalisation des centres-bourgs, à l'installation des maisons de santé et des maisons de services au public, ainsi qu'aux actions en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments.
Cela étant, une politique d'aménagement du territoire qui réponde à l'enjeu du moment doit également s'appuyer sur des outils renouvelés. C'est vrai des zones de revitalisation rurale, dont le contour et le mode de fonctionnement doivent pouvoir évoluer dans l'avenir. Les critères qui ont servi à la définition de ces zones ne correspondent en effet plus à la réalité des territoires ruraux. Par exemple, le déclin de la population de ces territoires, qui s'était généralisé au moment de la création des ZRR, ne concerne plus que certains d'entre eux ; de fait, les territoires ruraux ont globalement connu une augmentation de leur population. De la même façon, le taux d'agriculteurs n'est pas non plus un indicateur de fragilité.
Comme je connais l'attachement de beaucoup d'élus à ce dispositif, j'ai tenu à pérenniser celui-ci dans la loi de finances de 2015, dans l'attente d'une évolution globale sur laquelle nous allons travailler, notamment à partir des conclusions du rapport Calmette-Vigier, dont je veux saluer la qualité et qui formule des propositions particulièrement intéressantes.
À l'occasion du prochain comité interministériel à l'égalité des territoires, je présenterai les grandes orientations que je souhaite donner à l'évolution de ce zonage, et j'engagerai ensuite, sur cette base, une concertation approfondie avec les parlementaires – en particulier ceux qui ont travaillé sur ce sujet – et les associations d'élus. Ma volonté est de parvenir le plus rapidement possible à une réforme consensuelle.
Je souhaite aussi évoquer les nouvelles formes de contractualisation que j'appelle de mes voeux pour traduire dans les faits cette coopération ville-campagne, dont nous avons très souvent parlé lors des Assises des ruralités. C'est ainsi qu'est née l'idée des contrats de réciprocité qui pourraient concrétiser ces coopérations entre territoires ruraux et urbains sur des questions aussi diverses que la santé, les énergies renouvelables, la recherche, l'agriculture, les biomatériaux, le traitement des déchets, la prise en charge des personnes âgées dépendantes ou la culture.
Nous avons ainsi décidé de profiter de la négociation des contrats de plan pour expérimenter dans trois ou quatre régions ce nouveau type de contractualisation, qui représente une véritable innovation en matière de solidarité territoriale. L'idée est de faire évoluer nos politiques publiques afin de les faire porter davantage sur les liens entre les territoires et pas seulement sur les lieux. Si cette expérimentation est concluante, elle pourrait être généralisée au moment de la clause de revoyure des contrats de plan.
Voilà les éléments que je voulais vous apporter concernant la partie « égalité des territoires et ruralité » de mon portefeuille. Mais je voudrais également dire deux mots sur les questions de construction et de logement, notamment l'innovation et la rénovation énergétique qui traversent aujourd'hui le secteur de la construction et du logement. C'est d'ailleurs bien légitime, dans la mesure où il s'agit de répondre à des enjeux forts en termes d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
J'ai annoncé le 25 juin dernier une série de mesures visant à relancer la construction. Elles sont également destinées aux territoires, car l'insuffisance de logements – ou l'inadéquation de l'offre avec les besoins des populations – est une des premières inégalités sur nos territoires. Ces mesures visent donc autant à lever les freins à la construction qu'à encourager la réalisation d'une offre variée.
En complémentarité, j'ai lancé un chantier pour accélérer et moderniser les procédures d'aménagement et d'urbanisme dans leur ensemble, afin de réduire les délais. Ces procédures peuvent parfois être dissuasives pour engager un projet de territoire, en particulier dans les territoires les plus petits ou les plus fragiles.
Il s'agira donc de revoir les modalités de participation du public aux décisions d'urbanisme, pour accélérer les délais, tout en permettant une participation du public à la décision, ou encore de plafonner les obligations de stationnement que les PLU peuvent imposer à certaines catégories de logements ou d'hébergements.
Il convient enfin d'encourager l'innovation. En décembre, j'ai annoncé deux plans majeurs : le Plan de transition numérique du bâtiment et le Plan de recherche et développement pour la détection et l'extraction de l'amiante. L'innovation doit se faire à tous les niveaux – matériaux, bâtiments, etc. Mais c'est au niveau des quartiers, des villes qu'il nous faudra travailler pour garantir le vivre ensemble et la qualité de notre cadre de vie, car des évolutions majeures peuvent avoir lieu dans le domaine de l'énergie. Il faut promouvoir et accompagner des initiatives d'innovation, comme nous le faisons avec les ÉcoCités ou comme l'Institut de la ville durable sera amené à le faire.
L'innovation est un levier efficace pour répondre à la crise du logement, et tous les acteurs doivent s'en saisir. Il nous faut faire preuve d'intelligence collective, de détermination mais aussi de créativité. Rien ne sera possible sans l'implication de tous et surtout, sans le retour de la confiance. Pour réussir la transition énergétique du bâti, il est indispensable d'accompagner les professionnels pour qu'ils s'approprient ces enjeux et qu'ils développent les compétences dans toute la filière. La rénovation énergétique implique en effet de nouvelles pratiques, de nouveaux savoir-faire. C'est le sens du Programme d'action pour la qualité de la construction et la transition énergétique (PACTE) que j'ai annoncé en décembre.
Nous aurons beau structurer la filière, favoriser l'innovation, il n'y aura pas de transition énergétique si nos concitoyens ne s'en approprient pas les enjeux et les objectifs. Là encore, je ne crois pas à la contrainte, mais à l'incitation, à la pédagogie, à l'accompagnement car c'est ainsi que l'on redonnera confiance aux acteurs. Le Gouvernement s'est ainsi engagé dans un accompagnement actif et un soutien financier volontariste des ménages pour renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments, tout en préservant leur pouvoir d'achat dans un étroit partenariat avec les collectivités territoriales. La mise en place des Points Rénovation Info Service, en partenariat avec l'ADEME et les collectivités, constitue un véritable service public de la rénovation énergétique qui permet d'accompagner les ménages dans leurs projets en fonction de leurs capacités financières.
Les députés seront bien sûr étroitement associés à ces travaux, car je crois fortement à la nécessité du dialogue avec les élus qui représentent la diversité de nos territoires. Je souhaiterais bien évidemment que vous puissiez aussi contribuer à nourrir la réflexion et l'action que mène le ministère au service de l'égalité des territoires, car je ne doute pas que vous avez des initiatives à partager, des propositions à formuler. J'y serai bien sûr extrêmement attentive.