Intervention de Fabrice Pesin

Réunion du 12 février 2015 à 12h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Fabrice Pesin, médiateur du crédit aux entreprises :

Pour mettre en oeuvre ses instruments de garantie, Bpifrance est tributaire de la décision des banques privées : sans leur soutien, elle se trouve parfois dans l'incapacité d'intervenir.

Monsieur le rapporteur, vous m'interrogez sur l'incapacité des TPE à croître pour devenir les ETI de demain. Il ne faut pas tout ramener à la question du financement car il existe aussi des freins sociaux, fiscaux ou culturels à leur développement.

Ce semestre, l'Observatoire du financement des entreprises a mis à son ordre du jour la question des entreprises en croissance et de leur financement. Dans chaque grand secteur d'activité, nous observerons comment les entreprises qui ont connu un très fort dynamisme depuis deux ou trois ans ont évolué en termes de structures de financement dans les dix ou quinze années précédentes : ont-elles fait appel aux marchés, ont-elles ouvert leur capital ou n'ont-elles utilisé que le financement bancaire, ont-elles crû par acquisition externe, se sont-elles tournées vers l'export ?

Concernant l'analyse des blocages culturels à l'essor des TPE, une intéressante étude, déjà menée au Québec, est actuellement reproduite en France.

Vous me demandez de comparer Bpifrance le Lab et l'Observatoire du financement des entreprises. Ce dernier, que j'ai l'honneur de présider, à vocation à être totalement neutre – neutralité renforcée par celle du médiateur. Il réunit toutes les parties, dont Bpifrance, afin qu'apparaissent des diagnostics partagés permettant de recommander des bonnes pratiques. Bpifrance relève aussi de la sphère publique mais reste l'un des acteurs concernés disposant d'instruments et de produits qu'il peut vouloir tester. Nos approches sont donc assez différentes.

Publié en juin 2014, le dernier rapport de l'Observatoire porte sur le financement des TPE en France. À partir de nos observations – l'analyse statistique a par exemple permis de montrer que les très petites entreprises avaient trop tendance à utiliser les découverts bancaires –, la Fédération bancaire française, présente au sein de l'Observatoire, a pris cinq engagements de bon sens : réponse aux demandes de crédit dans un délai de quinze jours, explication en cas de refus et mention de la Médiation du crédit, incitation à la stabilité des chargés de clientèle… Je ne pense pas que ce type de travail aurait pu être effectué au sein de Bpifrance Le Lab dont ce n'est pas la mission.

Madame la présidente, vous souhaitez savoir si certains instruments nous manquent. Si, en termes de dynamique, la situation globale des PME a connu en 2014 une réelle amélioration – nous avons traité moins de dossiers, et le nombre de défauts est revenu à celui enregistré en 2008 –, il n'en est pas de même pour les TPE pour lesquelles j'ai eu la surprise de constater que la tendance ne s'inversait pas. Le contexte économique fournit sans doute certaines explications, mais il faut aussi s'interroger sur les outils et les dispositifs d'accompagnement mis en place. La population concernée est également très différente de celle des PME et des ETI. Elle est par exemple moins à l'aise avec la multiplicité des guichets et des acteurs, et elle a moins facilement accès à l'information. Les TPE n'ont d'ailleurs pas assez recours à la Médiation ; elles sont trop nombreuses à en ignorer jusqu'à l'existence. Évidemment, rien ne garantit que nous puissions les sauver, mais nous réussissons globalement dans deux cas sur trois.

Le 15 septembre dernier, lors des assises du financement et de l'investissement, le Président de la République a annoncé que les TPE bénéficieraient de leur propre dispositif de soutien à la trésorerie grâce à Bpifrance. Un fonds de garantie des crédits de trésorerie se met en place pour soutenir dix mille très petites entreprises. Nous verrons dans le cours de l'année si cette impulsion est efficace. La tâche est d'autant plus complexe que toutes les TPE n'ont pas vocation à grandir et ne sont pas des start-up. Il n'est pas simple de calibrer des instruments correspondant à des besoins hétérogènes.

Cela dit, nous pouvons toujours fabriquer les mécanismes les plus raffinés, ils ne seront d'aucune utilité si personne ne s'en saisit. À défaut de raisonner en termes d'instrument manquant, je crois qu'il faut surtout que nous nous assurions que chaque patron de TPE saura à quelle porte frapper le jour où il en aura besoin.

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