Je ne connais pas cet exemple précis. Mais la réponse à ce type de problèmes est forcément territoriale – c'est là, je le disais, que sont nos vraies marges de progression.
BPI est une banque ; la Caisse des dépôts peut apporter des fonds aux collectivités locales. Les métiers sont distincts. La Caisse intervient d'ailleurs souvent aujourd'hui pour boucler des tours de table, alors que je souhaiterais qu'elle participe d'entrée de jeu à la discussion des projets – on perdrait moins de temps à refondre des projets sur le plan financier.
Les métiers sont distincts, mais les directions régionales de la Caisse des dépôts et les agences de Bpifrance doivent absolument se concerter. Cet automne, j'ai visité plusieurs régions en m'entourant systématiquement du délégué de Bpifrance et du directeur régional de la Caisse des dépôts. Souvent, ils se connaissent, mais ce n'est pas toujours le cas ; il faut les amener à travailler ensemble. C'est l'une des missions que j'ai données à la nouvelle direction du réseau et des territoires. Je crois vraiment que la décision au niveau territorial est la piste à suivre.
En matière de transition énergétique et écologique, Bpifrance a aujourd'hui acquis, je crois, la bonne dimension : elle dispose d'une gamme de produits à destination des entreprises de la transition énergétique comme d'une gamme de produits à destination de celles qui s'adaptent à la transition énergétique.
La responsabilité sociale et environnementale (RSE) est un sujet essentiel, qui sera de plus en plus d'actualité. La sphère financière publique n'en a pas encore pris toute la mesure. Cela fait partie des axes de travail de la Caisse des dépôts.
Bpifrance travaille bien – elle peut aller plus loin, mais le mouvement est engagé, et la volonté est là. La Caisse des dépôts a fait beaucoup de choses, mais souvent de façon très éparpillée, en inventant chemin faisant la cohérence de la doctrine d'investissement. Je souhaite retrouver cette cohérence, et c'est pourquoi j'ai voulu créer cette direction de l'investissement, qui s'occupera notamment des entreprises de la transition énergétique et environnementale.
Par ailleurs, la CDC est à la fois apporteur d'actifs, prêteur, notamment sur les fonds d'épargne, et mandataire de l'État. Ce sont trois métiers qui ne sont pas gérés par les mêmes personnes : on ne peut pas les mélanger mais il me paraît essentiel d'agir de façon cohérente. Nous avons ainsi une enveloppe de prêt de 5 milliards d'euros – qui est bien plus consommée qu'on ne le dit, puisqu'elle l'est à hauteur de 2,3 milliards d'euros d'engagements, alors qu'elle a été créée au mois de septembre ; les collectivités locales ont des projets et nous demandent des financements. Il y a aussi ce que nous faisons par convention et ce que nous faisons en matière de fonds propres.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique veut donner de la cohérence, en créant un fonds de la transition écologique et énergétique, qui pourrait bénéficier de financements complémentaires. Nous travaillons à sa mise en place : l'idée est de mettre dans un pot commun les moyens d'intervention de l'État, de la Caisse des dépôts et d'éventuels financements complémentaires ; leur gestion serait confiée à la Caisse des dépôts. La Caisse serait ainsi opérateur pour l'État et opérateur pour son propre compte : d'un point de vue comptable et budgétaire, ce sont deux choses différentes, mais nous y veillerons. Ce serait là, je crois, une bonne solution, qui viendrait en complément des actions d'autres institutions publiques dont la thèse d'investissement est particulière, comme l'ADEME.
S'agissant de l'offre et de la demande, monsieur le député, la réalité que nous percevons est qu'il y a aujourd'hui beaucoup de liquidités. En 2008, nous étions appelés à la rescousse pour en apporter ; aujourd'hui, c'est le contraire, et les décisions de la BCE vont dans le sens d'une abondance de liquidités sur le marché.
Ce qui est compliqué aujourd'hui, ce sont les tuyaux, c'est-à-dire l'ingénierie financière. Toutes les entreprises n'en bénéficient pas de façon égale. Il est extrêmement difficile pour beaucoup de petites entreprises d'obtenir des banques une aide à la trésorerie. La BPI occupe 60 % à 70 % du financement par avance du CICE, par exemple : elle a mis longtemps à prendre ce marché ; on aurait pu imaginer qu'il le soit par le système bancaire. Les banques doutaient-elles de la réalité du versement du CICE ? Je ne sais. Toujours est-il que, via le CICE, la BPI finance aujourd'hui la trésorerie de nombreuses petites entreprises.
De plus, pour employer un vocabulaire partagé par la banque et le tennis, « la raquette a des trous » : nous pourrions améliorer le financement des petites entreprises en croissance, qui ont du mal à trouver du financement à court terme, à long terme et des quasi-fonds propres. La Caisse des dépôts a donc décidé la création de fonds nouveaux, les fonds Novo, Nova et Novi. Ces outils financiers permettent de répondre à des situations particulières, qui peuvent être très exaspérantes pour les entreprises. Ainsi, les propriétaires de petites entreprises familiales ont souvent envie de continuer à être maîtres chez eux, et lorsqu'ils ont besoin d'apport financier, il est difficile de les aider. Nous créons donc des véhicules idoines.
Le problème de l'ingénierie financière est au fond assez simple : on ne peut pas tout faire sur la base des crédits publics ; nous devons donc arriver à mobiliser des capitaux qui sont entre les mains notamment des investisseurs institutionnels et des compagnies d'assurance. Avec ces capitaux publics et privés, investis dans des fonds et dans des fonds de fonds, nous pouvons essayer d'orienter davantage l'épargne vers le financement des entreprises. En raison des règles bancaires et prudentielles, mais aussi en raison des risques de faible rentabilité, c'est assez compliqué, et c'est pourquoi la Caisse des dépôts essaie de se mettre au premier rang : comme acteur de place, elle pourra aider à la mobilisation de capitaux privés.
La France est ainsi l'un des pays européens où n'existe aucun marché du viager : le viager, dans notre culture, c'est horrible, c'est Balzac, Zola et Pierre Tchernia réunis. Un tel marché peut pourtant présenter des avantages, notamment celui d'assurer une rente au vendeur. Nous avons donc expérimenté la création d'un fonds viager, avec des investisseurs privés, et cela a très bien fonctionné : peut-être allons-nous réussir à faire exister ce marché.
De la même façon, nous savons qu'il existe des besoins considérables en matière de logements intermédiaires, c'est-à-dire de logements destinés à ceux dont les revenus sont trop élevés pour obtenir des HLM mais trop faibles pour qu'ils puissent se loger dans le parc privé : il manque sans doute 40 000 logements, et cela ne concerne pas que les agglomérations. Mais attirer des investisseurs privés, ou même des investisseurs institutionnels, sur le marché du logement, est aujourd'hui une gageure. Via notre filiale SNI, nous avons donc créé un nouveau fonds en nous associant avec des investisseurs privés. Ainsi, le potentiel d'investissement devient significatif et le taux de rendement raisonnable. Nous pouvons lancer, avec des promoteurs, des programmes de logements : sans la mobilisation de la Caisse des dépôts, ces logements n'auraient sans doute pas été construits. C'est là une nouvelle manière d'envisager la capacité d'investissement d'outils publics comme la Caisse des dépôts et comme BPI. L'une et l'autre, chacune dans leur rôle propre, doivent jouer un rôle de catalyseur, d'amorceur pour mobiliser des capitaux privés au service du développement économique.