S'agissant du retour sur investissement dit soutenable, il est important de souligner que notre attente n'est pas de même nature que certains autres souscripteurs qui demandent traditionnellement un retour de l'ordre de 15 %. Bien sûr comme nous souscrivons aux côtés d'investisseurs privés nous pouvons nous trouver dans des fonds qui ont ce type de retour, mais nous participons aussi à d'autres fonds qui ont un retour beaucoup plus modeste. Au total, nos objectifs sont compris entre 4 et 6 % sur l'activité de fonds de fonds.
Comment s'en assure-t-on ? Un fonds évolue selon une courbe une courbe en J. En tant que fonds de fonds nous investissons, par exemple, dans un fonds partenaire qui aurait levé 100 millions d'euros sur lesquels est perçue annuellement une commission de gestion de l'ordre de 2 %, si l'on retient le taux moyen. Les fonds levés ne sont pas versés immédiatement. Le gérant ne les appelle que lorsqu'il en a besoin, soit pour investir dans des PME, soit pour payer ses frais de gestion. La première année, il peut ne mobiliser que 10 % des fonds, soit 10 millions d'euros, dont 2 millions d'euros (2 % de 100 millions) seront utilisés pour ses frais de gestion. Au début, n'apparaissent donc, mécaniquement que des sommes en négatif. Cependant, à un moment donné, les participations qui auront été prises sont revalorisées – plus ou moins rapidement selon que l'on est en capital-risque ou en capital-développement – et les comptes deviennent positifs. En réalité, cette première phase négative, qui peut durer cinq à sept ans, ne veut rien dire. Pour donner un exemple, un de nos fonds de fonds en capital-risque, créé en 2001, est resté négatif jusqu'en 2013, puis est devenu très positif en juillet 2013 grâce à deux sociétés, dont Critéo, et il restera positif.
Nous avons un suivi des risques très précis : deux fois par an nous notons chaque fonds. Notre avis se fonde sur plusieurs critères, qualitatifs et quantitatifs. Nous disposons d'un algorithme qui compare les profils de nos fonds, nos appréciations qualitatives et quantitatives, avec une base de données sur des fonds historiques et mondiaux similaires et, par des méthodes stochastiques, permet d'estimer le retour à terme. Il existe peu d'outils aussi performants, même dans le privé. Je l'ai lancé il y a quatre ans pour prendre en compte diverses préoccupations : la mise en oeuvre de la réglementation applicable à la Caisse des dépôts et celle de la directive AIFM pour le private equity, mais aussi pour mesurer opérationnellement les risques que nous prenons en tant que fonds de fonds.
Qu'en est-il des risques d'escalade ? Nos fonds de fonds n'investissent que dans des fonds auxquels il est interdit d'investir dans d'autres fonds, mais seulement dans des PME. Nous n'excluons pas cependant d'investir, de façon très limitée, dans d'autres fonds de fonds dès lors qu'ils agissent dans le même champ d'action que le nôtre et contribuent ainsi à apporter de l'argent privé sur les segments de marché qui en manquent. C'est particulièrement le cas du capital-risque, du capital d'amorçage et plus généralement des petits fonds en capital-développement. Les investisseurs privés veulent en général déployer des montants importants dans de grands fonds. Or, plus nous avons de capitaux privés à nos côtés, mieux nous pouvons agir sur ces secteurs. Mais ces dérogations ne concernent que quelques fonds de fonds. La chaîne s'arrête après deux niveaux, ce qui nous permet de contrôler les effets de cascade. Et nous nous attachons à maîtriser les frais de gestion.
Il faut comprendre enfin que nous nous inscrivons dans un temps long. Quant à comparer avec d'autres pays, si nous considérons l'Allemagne, nous nous rendons compte qu'il n'y a pas eu, au cours des années, de politique stable de soutien à l'industrie du capital-investissement au bénéfice des PME. Avant la crise de 2001, notre homologue, KFW, avait une activité de fonds de fonds ; après la crise presque tous les fonds de capital-risque ont disparu en Allemagne et KFW a abandonné cette activité. Aujourd'hui ils souhaitent relancer leur activité de fonds de fonds. La situation française est incomparablement meilleure que celle de l'Allemagne en matière de capital-investissement et notamment de capital-risque. La constance de la politique française à soutenir ces domaines depuis vingt ans a été très positive. Grâce à elle, nous disposons d'une industrie du capital-investissement au tissu très dense, même si on doit l'améliorer, en faisant croître certaines équipes.
S'agissant des fonds régionaux, l'Allemagne a bien une logique différente de celle pratiquée dans notre pays. Nous avons eu l'occasion de découvrir le fonds régional de Bavière : de taille conséquente avec 200 millions d'euros de fonds propres et 100 millions d'euros de dettes, il est financé par l'État fédéral, l'État de Bavière et la Bayerisch landesbank. Les actionnaires n'y perçoivent jamais de dividendes, grâce à quoi ils ne font jamais d'augmentation de capital. Ce modèle est intéressant et mériterait réflexion.