Intervention de Général Denis Favier

Réunion du 12 février 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Les escadrons de gendarmerie mobile ont consenti le gros des efforts qu'impliquait la révision générale des politiques publiques (RGPP) : nous avons procédé à la dissolution de 15 escadrons sur quelque 120. Parallèlement, nous avons perdu des missions comme celle des centres de rétention administrative. Nous n'en avons pas moins un taux d'engagement important. Aussi les escadrons sont-ils soumis à une forte pression opérationnelle qui n'affecte pas la conduite des opérations mais le temps de récupération et de formation. Au total, nous n'avons pas perdu en efficacité – la gendarmerie mobile a continué de développer des capacités fortes et des savoir-faire reconnus – mais le taux d'engagement, je le répète, est important. Je rappelle au passage notre engagement outre-mer où seuls des escadrons de gendarmerie mobile assurent l'ordre public. Sur les 108 escadrons, 20 sont engagés en permanence outre-mer – c'est considérable, si bien que si nous retirions ces 20 escadrons, la sécurité publique générale n'y serait plus assurée.

Pour ce qui concerne les munitions et les armes à feu, nous devons établir leur hiérarchisation avec plus de clarté. Nous pouvons distinguer quatre niveaux : l'emploi de la force, sans munitions particulières, se caractérise uniquement par des procédés tactiques, un mouvement offensif pour dégager un axe ; ensuite, nous avons les moyens de force intermédiaire – parmi lesquels figureront, par exemple les grenades lacrymogènes –, stade, là aussi, à clarifier ; puis nous avons les munitions assourdissantes – dont il convient de faire une catégorie particulière – ; enfin, nous avons l'emploi des armes, auquel on n'a jamais recours en France. Cette dernière catégorie n'est pas à écarter dans des situations extrêmes de maintien de l'ordre ; le code de sécurité intérieure doit par conséquent la définir clairement. Ces quatre niveaux sont rationnels et personne ne les conteste.

J'en viens aux vecteurs. Une munition, selon qu'elle est lancée à la main ou avec un lanceur, change de catégorie. Le débat doit donc davantage porter sur l'effet de la munition que sur son vecteur. La commission pourrait contribuer assez facilement à clarifier ce point.

Pour ce qui est des ZAD, nous faisons face à une opposition nouvelle avec des gens implantés sur un territoire qu'ils défendent selon des modes d'action que nous ne connaissions pas – vous en avez évoqué un, Monsieur le rapporteur – et sur lesquels nous vous communiquerons des éléments techniques d'appréciation, notamment sur ce qui s'est passé à Notre-Dame-des-Landes et sur d'autres sites. Nous avons été confrontés à des situations de blocage très tendues. L'engagement avec les forces de l'ordre est préparé par les manifestants qui utilisent non seulement des moyens passifs pour empêcher ces dernières d'agir, mais aussi des moyens offensifs – si ce n'est des jets d'acide, en tout cas des cocktails Molotov ou des bouteilles incendiaires de nature plus explosive. Nous vous fournirons des éléments statistiques concernant les blessés : on en compte davantage en 2014 qu'en 2013 ou qu'en 2000.

Le principe du maintien de l'ordre est d'assurer la primauté du préfet ou de son représentant – sous-préfet, directeur départemental de la sécurité publique ou commandant de groupement – qui, très proche de lui, transmet ses intentions. Il faut que l'autorité civile soit imprégnée des conditions d'exercice de la manoeuvre, qu'elle connaisse très clairement les conditions d'engagement, les effets des munitions, ceux d'un procédé tactique. Un travail de formation très important est donc nécessaire. Je suis à cet égard tout à fait prêt à accueillir les préfets au centre de Saint-Astier, avant qu'ils ne prennent leurs premières fonctions départementales.

En effet, monsieur le rapporteur, je ne souhaite pas en revenir au système des réquisitions. Le système en vigueur, fluide, fonctionne très bien. Il nous faut toutefois préciser la question des ordres donnés sur l'engagement des munitions à fort effet. Nous devrions sur ce point établir un protocole assez proche de ce qui existait par le passé. Il s'agit de responsabiliser le préfet qui rédige le papier et le commandant de la force qui le reçoit et comprend bien qu'on change de registre.

Pour ce qui est de l'interdiction individuelle de manifestation, il est vrai que les opérations de maintien de l'ordre public se déroulent dans des espaces ouverts et le dispositif de contrôle n'est de ce fait pas facile à assurer. Nous sommes cependant capables de suivre les meneurs et, par le biais d'un dispositif de préfiltrage, de commencer un tri. L'interdiction que je propose permet à coup sûr de contrôler les individus dangereux en amont du déroulement de la manifestation. Un tel dispositif est sans doute difficile à mettre en place mais pas impossible au vu des moyens techniques dont nous disposons.

Enfin, monsieur le président, je continue d'insister sur le rôle du préfet dans la conception, mais également en matière de visites sur le terrain, de conduite opérationnelle.

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