Intervention de Général Denis Favier

Réunion du 12 février 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Les escadrons relèvent de la gendarmerie, il s'agit donc d'une force de statut militaire. À ce titre, la notion de temps de travail est prise en compte mais n'a pas de fondement réglementaire. Cette situation pourrait néanmoins changer avec la transposition d'une directive européenne. Reste que nous respectons des temps d'engagement opérationnel : celui d'un escadron est de huit heures ; passée cette durée, la fatigue physique est incontestable, pèse sur les organismes et peut par conséquent avoir une incidence sur l'efficacité opérationnelle. Il existe néanmoins des situations qui, parce qu'elles ne sont pas programmées, s'inscrivent dans la durée et nous empêchent de relever les escadrons engagés. Ainsi, le 31 décembre, si, après le travail réalisé sur les Champs Élysées, des voitures sont brûlées dans les banlieues, il va bien falloir que les escadrons se rendent sur place. Aussi certaines séquences opérationnelles peuvent-elles se révéler plus longues.

Ce statut militaire ne doit pas faire peur car les unités concernées maîtrisent les savoir-faire qui leur permettent de garantir l'ordre public. Et c'est leur formation militaire et leur capacité à agir dans la durée – et la rusticité parfois – qui explique notamment leur présence outre-mer. Je pense au travail considérable des EGM, en Guyane, dans la lutte contre l'orpaillage clandestin – il faut en effet accepter de vivre trois mois à la frontière entre la Guyane et le Brésil dans des conditions difficiles.

J'en viens logiquement à la question de M. Bui. Aucun texte ne prévoit de répartition entre police et gendarmerie outre-mer. Il s'agit d'une demande politique, d'une demande locale : ces unités sont en effet capables de partir longtemps, trois ou quatre mois sans relève.

Autre point, la règle est que les gendarmes départementaux ne participent pas au maintien de l'ordre. Reste que certaines circonstances commandent l'envoi des forces immédiatement disponibles, à savoir, généralement, les pelotons d'intervention des compagnies départementales qui ne sont pas formées au maintien de l'ordre. Elles sont toutefois généralement composées de militaires qui ont servi dans les escadrons de gendarmerie mobile, militaires dont le fond opérationnel est dès lors solide et leur permet d'intervenir efficacement. Mais, j'y insiste, la règle veut qu'il n'y ait pas d'engagement des unités de gendarmerie départementales, hors situation d'urgence, au maintien de l'ordre. Il n'y a pas à transiger : à chacun son métier. En Bretagne, en 2013, des unités territoriales ont dû être engagées en attendant l'arrivée des escadrons, mais cela doit rester exceptionnel et je ne pense pas qu'il faille former la gendarmerie départementale au maintien de l'ordre ni qu'il faille, par conséquent, la doter spécialement même si, dans certains quartiers chauds, pour réagir ponctuellement à une situation inopinée, certaines unités sont équipées de casques et de boucliers.

La question de la répartition des rôles entre préfet et commandant opérationnel est centrale. Les opérations se déroulent mal quand ces rôles ne sont pas précisément définis, quand le préfet se mêle de la conduite opérationnelle et quand le commandant, faute de directives claires de la part de l'autorité préfectorale pense qu'il peut aller plus loin qu'il ne devrait. Le système français fonctionne bien, d'où la nécessité que chacun reste dans son rôle : le préfet définit les objectifs, les effets à produire sur le terrain et, ensuite, il s'appuie sur un patron de forces qui, lui, est libre d'en choisir les moyens. Par exemple, à l'occasion d'une prise d'otage, le responsable de l'opération sera libre des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif dont la définition revient au politique. Nous devons donc engager une réflexion visant à affirmer le rôle de chacun.

En ce qui concerne les gardes statiques, les unités de maintien de l'ordre ne sont pas uniquement dédiées au maintien de l'ordre. Fort heureusement, il existe des périodes calmes et, dans une logique de coût-efficacité, les unités en question doivent participer à des missions de sécurisation, de sécurité publique générale afin de surveiller le territoire, d'occuper l'espace, de rassurer nos concitoyens. Les EGM comme les CRS ont deux missions principales : l'ordre public et la sécurisation. Aussi, les missions de garde statique me paraissent-elles constituer un gâchis de potentiel alors qu'elles pourraient être remplies à moindre coût par des forces locales voire par des sociétés privées. Nous devons également envisager les moyens passifs de protection. Pourquoi sont-ce des gendarmes mobiles qui gardent l'entrée de la Sainte-Chapelle ? Après plusieurs années, je n'ai toujours pas de réponse.

J'en viens à l'interdiction de manifestation. Elle est bien plus complexe à appliquer que l'interdiction de stade. Nous pouvons toutefois nous intéresser à des individus déjà signalés, condamnés et dès lors faire montre de précision dans notre travail d'anticipation et faire en sorte qu'ils ne rejoignent pas un lieu de manifestation.

Il ne s'agit pas, par ailleurs, de mettre en difficulté un organisateur qui met tout en oeuvre pour qu'une manifestation se déroule au mieux. Sa responsabilité ne pourra pas être engagée. Ce sont les manifestations inopinées qui nous posent problème et qui sont bel et bien organisées. Il en est ainsi des pique-niques spontanés sur l'esplanade des Invalides, qui certes ne dégénèrent pas ,et où la responsabilité des organisateurs n'est pas engagée . De même , il convient de travailler sur la responsabilité de ceux qui appellent à des rassemblements, des attroupements, et qu'on peut repérer grâce aux réseaux sociaux.

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