Intervention de Général Denis Favier

Réunion du 12 février 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Cette question doit en tout cas faire l'objet de débats vraiment soutenus.

J'en viens à la garde statique. Il est clair pour moi que tout bâtiment qui relève du domaine régalien doit rester encadré par les forces de l'ordre. Pour le reste, on peut faire appel à des sociétés privées qui n'ont certes pas les mêmes prérogatives mais qui, dans certains secteurs, peuvent exécuter la mission de sécurité dans les mêmes conditions.

M. Bacquet a évoqué les récents arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme qui contestaient l'absence de représentation syndicale dans la gendarmerie. Cette absence est palliée par la création d'associations militaires professionnelles.

Le directeur général de la police nationale, qui doit s'exprimer après moi, pourra vous renseigner sur la formation des CRS. Je suis convaincu que leur niveau de formation est identique à celui des EGM. Je suis en tout cas, pour ma part, tout à fait prêt à les accueillir au centre de Saint-Astier qui offre d'importantes capacités d'entraînement.

Pour ce qui est des manifestations urbaines, nous mettons souvent des forces à la disposition du préfet concerné et, à Paris, du préfet de police dont je crois savoir qu'il en est plutôt satisfait. Évoquer cette question revient à évoquer celle des capacités opérationnelles. Ici aussi, il faut se méfier du mélange des genres. Quelle est la vocation première des unités de maintien de l'ordre ? S'agit-il de tenir un compartiment de terrain ou de procéder à des interpellations ? Si l'on s'en tenait au second terme de l'alternative, on produirait de la confusion dans les esprits. Toutefois, si la mission première reste de tenir le terrain, il convient aussi d'être en mesure de procéder à des interpellations.

Les dix pistes que j'ai présentées s'inscrivent dans une réflexion de fond. Vous seriez surpris – et vous vous en rendrez compte quand vous viendrez à Saint-Astier – de constater à quel point nous conceptualisons le maintien de l'ordre. Notre réflexion est permanente. Aussi nos procédés ont-ils évolué : notre pratique actuelle n'a plus rien à voir avec celle de Mai-1968. Nous recherchons le meilleur équilibre possible entre liberté d'expression et efficacité des forces. Nous pensons et agissons suivant une logique d'adaptation permanente.

Ce point me conduit à revenir sur la protection des hommes, évoquée par M. Folliot. Là aussi nous sommes confrontés à des paradoxes. Si nous renforçons la protection de nos forces, elles seront moins mobiles et du coup incapables de procéder à des interpellations. Si elles sont trop équipées, elles donneront une impression guerrière contradictoire avec l'objectif poursuivi quand on autorise une manifestation. Le maintien de l'ordre est donc un exercice délicat, tout de subtilité. La recherche du meilleur équilibre concerne donc aussi l'équipement des forces.

Vous avez ensuite évoqué la question de la dualité entre la police et la gendarmerie. Elle ne fait plus débat en France. Chacune des deux forces est capable, dans son domaine, d'exercer l'ensemble des missions qui lui sont confiées. C'est pourquoi je suis réticent à l'idée de spécialisation même si les escadrons, là où ils sont casernés, peuvent contribuer à la sécurité publique générale. Ainsi, chaque fois que les escadrons ne sont pas employés au maintien de l'ordre, ils participent à des patrouilles avec la gendarmerie départementale à une mission large de sécurisation, ce qui leur permet de s'ancrer localement.

À la question de la responsabilisation posée par M. Marleix, je répondrai par un souhait. Il faudra bien sûr, si le législateur décidait d'aller dans le sens que j'ai indiqué, prévoir des sanctions adaptées. Dans le même temps, le dispositif ne devra pas être un carcan mais rester souple.

Ensuite, le préfet ne peut pas être présent tout le temps sur le terrain – et c'est même souhaitable – mais il a des délégataires. Et ici, sauf à m'opposer à M. Baquet, je considère que le commandant de groupement peut être ce contact et peut lui-même s'appuyer sur un responsable opérationnel. Il faudra veiller à ne pas élaborer des dispositifs trop contraignants car les situations d'ordre public évoluent très rapidement et il faut pouvoir prendre des décisions tout aussi rapides. Il faudra prendre en compte la logique de séparation des pouvoirs et la combiner avec le souci de l'efficacité opérationnelle.

Un travail législatif important reste à mener concernant l'interdiction administrative de manifester. Il faudra bien sûr que les forces de l'ordre soient à même d'appliquer un tel dispositif.

Trois EGM travaillent en permanence dans les ZSP, une présence qui nous a permis d'obtenir des résultats, c'est-à-dire d'inverser la tendance.

J'en viens à l'évocation par M. Larrivé de la RGPP. Le transfert à la police de l'encadrement des centres de rétention administrative a en partie permis d'en atténuer les effets mais nous avons tout de même perdu quelques escadrons qui font aujourd'hui clairement défaut ; et la France doit disposer d'un volume important d'EGM mais aussi de CRS car nous ne sommes pas à l'abri de graves troubles à l'ordre public. Or nous sommes aujourd'hui en deçà du seuil critique.

Enfin, il n'y a pas de différence entre le régime d'emploi des armes par la gendarmerie et le régime d'emploi des armes par les fonctionnaires de la police nationale. Les quelques différences que l'on peut relever dans les textes ne concernent pas l'ordre public.

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