Intervention de Christian Bataille

Réunion du 17 décembre 2014 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, député, rapporteur :

- Le débat public sur le projet Cigéo a été organisé de mai à décembre 2013 par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) conformément à ce que prévoyait la loi de 2006. Dans le rapport d'évaluation du précédent plan, je m'étais par avance inquiété avec Claude Birraux, à la lumière des incidents survenus en 2009 sur les nanotechnologies, du risque d'empêchement de la tenue des réunions par un petit nombre d'opposants déterminés. Deux ans et demi plus tard, mes craintes ont malheureusement été pleinement confirmées. Les deux premières réunions qui se sont tenues à Bure et à Bar-le-Duc, en mai et juin 2013, ont été interrompues par quelques dizaines d'adversaires du débat. C'est à juste titre que la CNDP a appelé les pouvoirs publics à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la sérénité du débat ». Il revient, en effet, au pouvoir exécutif de faire appliquer la loi.

Face à l'impossibilité de tenir les réunions publiques prévues, la CNDP n'est pas restée sans réagir et nous tenons à saluer ici son action et celle de la commission particulière Cigéo. L'organisation de neuf débats contradictoires sur Internet a permis un dialogue interactif entre l'Andra, des experts indépendants et le public. Plus de 9 000 connexions ont été enregistrées, pendant ou après les débats, et quelque 400 questions ont été posées. Ces résultats dépassent largement ceux enregistrés pour des réunions publiques. En matière de nouvelles technologies de communication, la CNDP ne s'est pas limitée à l'organisation de ces neuf débats interactifs. Comme je l'avais préconisé en 2011, elle a également fait appel aux réseaux sociaux. Au vu du compte rendu du débat public sur Cigéo, nous considérons que, malgré les obstacles rencontrés, ce dernier a non seulement bien eu lieu, mais a même atteint ses objectifs, aussi bien sur le plan de l'information des citoyens que du recueil des différentes opinions exprimées sur ce projet.

Le débat public a pris fin le 15 décembre 2013. Les conclusions au débat ont été publiées en février 2014. En mai 2014, le conseil d'administration de l'Andra – au sein duquel je représente l'Office - a décidé d'apporter des modifications à son projet pour prendre en compte les résultats du débat. Par exemple, il a prévu une phase industrielle pilote au moment du démarrage du stockage géologique ou encore le raccordement du site au réseau ferré, pour acheminer les colis de déchets par le rail plutôt que par la route. Sur d'autres points, l'Andra rappelle justement la pertinence des dispositions législatives et réglementaires existantes. Ainsi, en matière de maîtrise des risques, conformément à la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, la délivrance de l'autorisation de création du centre de stockage est soumise, comme pour toute autre installation nucléaire, à une évaluation préalable approfondie par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante dont la compétence et la rigueur sont internationalement reconnues. L'ASN assurera également un contrôle des conditions de réalisation du stockage et, après son ouverture, de ses conditions d'exploitation.

Toutefois, plusieurs propositions et conclusions du débat public ne relèvent pas directement de l'Andra, mais d'une intervention du Gouvernement ou du Parlement. Nous suggérons donc au Gouvernement de tirer lui aussi les conclusions du débat public car c'est l'une des conditions de la crédibilité de cette procédure. En effet, il est très important pour la crédibilité du débat public que ses résultats soient pris en compte dans un délai raisonnable.

Je continue à penser que le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte était un bon vecteur pour prendre acte des résultats du débat de 2013. C'est pourquoi j'avais déposé avec notre président Jean-Yves Le Déaut et plusieurs autres parlementaires un amendement visant à prendre en compte la demande exprimée d'une étape initiale dans Cigéo, destinée à évaluer en grandeur réelle les technologies issues des recherches en laboratoire, et, secondairement, le décalage de trois ans dans le calendrier du projet. Mais il semblerait que certains, au Gouvernement et au Parlement, soient effrayés par l'idée même d'aborder la question des déchets nucléaires dans une loi sur l'énergie. Sur le fond c'est pour le moins paradoxal, même s'il est vrai que ce n'est sans doute pas un sujet « porteur » en termes de communication.

D'autres profitent de ce manque de courage politique pour prétendre qu'il s'agirait de voter subrepticement la construction du stockage géologique. Il n'en est évidemment rien. À cet égard, je voudrais rappeler que la décision de construire le stockage géologique a d'ores et déjà été prise, de façon démocratique, à l'unanimité de la représentation nationale, majorité et opposition réunies, lors du vote de la loi du 28 juin 2006. Cette décision a été prise en toute connaissance de cause. Elle était l'aboutissement de quinze années de recherche sur les trois axes de gestion des déchets que j'avais définis dans la loi de 1991.

Bien que les études sur le projet de stockage géologique aient commencé voici un quart de siècle, certains évoquent la précipitation. Il ne s'agit évidemment pas d'accélérer le mouvement mais, au contraire, de prendre en compte les préoccupations de la population et, secondairement, le retard pris par rapport au calendrier fixé par la loi. Ceux qui refusent de le faire, soit manquent de courage politique, soit essaient de créer une situation de blocage, pour contourner le processus démocratique.

Je vais passer à présent la parole à Christian Namy qui va conclure.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion