Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 21 janvier 2015 à 16h30
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Eh bien, dites-le ! Par ailleurs, les dispositifs prévus dans la loi d'avenir pour l'agriculture sont en train de s'appliquer. Nous avons ainsi publié un guide sur l'approvisionnement local, car les débouchés locaux sont très importants. Les projets alimentaires territoriaux doivent permettre de structurer l'approvisionnement et de favoriser la consommation locale, notamment dans les territoires plus fragiles – je pense aux territoires de montagne, monsieur Roig. Les expériences menées dans la Drôme, par exemple, prouvent que le coût d'un repas à la cantine n'est pas plus élevé lorsqu'il est confectionné à partir de produits locaux. Bien entendu, le FEADER et les régions accompagnent ces choix dans le cadre du deuxième pilier. Il faut également mobiliser le fonds leader et le Groupe d'action locale (GAL), car il y a là de quoi faire du développement local et territorial. Les mesures que nous avons votées doivent être mises en oeuvre – c'est la première des règles que nous devons appliquer.

J'en viens au frelon asiatique. C'est moi, lorsque j'ai pris mes fonctions au ministère de l'agriculture, qui ai proposé, avec Delphine Batho, de le classer dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie. Jusqu'alors, pour des raisons liées à la biodiversité, il n'était pas considéré comme nuisible. Résultat : il s'est installé et, maintenant, il prolifère. Aujourd'hui, je suis favorable à ce qu'il soit classé dans la liste de première catégorie ; nous avons commandé une étude à l'ANSES sur ce sujet. Toutefois, la lutte contre les dangers de la liste de première catégorie est financée sur des fonds publics. Il faut donc que nous trouvions une solution afin de mobiliser le moins possible de moyens budgétaires. Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas rester les bras croisés.

S'agissant des abattoirs, on sait que la crise des abattoirs porcins a coûté 850 emplois à Lampaul-Guimiliau. Que s'est-il passé ? La baisse de la production porcine à partir de 2010 a entraîné une diminution de l'activité des abattoirs, qui fonctionnaient déjà à moins de 80 % de leur potentiel de production, qui plus est avec une rentabilité faible. Des restructurations sont donc intervenues. Dès 2013, nous avons élaboré un plan pour la filière porcine, en nous fixant pour objectif que la production retrouve son niveau de 2010, sachant que l'on a perdu entre 2 millions et 3 millions de porcs charcutiers par an. Mais il ne s'agit pas de produire pour produire ; nous devons nous assurer également que des débouchés existent, sinon les prix chuteront et tout le monde y perdra. Néanmoins, il est certain que les outils de transformation dépendent directement du niveau de la production. La filière porcine est actuellement dans une situation de grande fragilité. Certes, grâce à la simplification des ICPE et à la méthanisation, les investissements repartent, mais les débouchés doivent être plus structurants.

Quelle décision faut-il prendre à propos des OGM ? Je le dis franchement, les OGM de première génération appartiennent au passé : compte tenu de ce que j'ai vu aux États-Unis, nous devons classer ce dossier. En revanche, je souhaite que, sur le reste, un débat intelligent s'ouvre, avec l'INRA et le Haut conseil des biotechnologies, qui reprendra ses travaux prochainement, et que l'on réfléchisse à ce qui peut être utile. Par exemple, la dissémination de la vitamine A contenue dans le « riz doré » ne risque pas de causer des dommages à l'environnement ; de même, augmenter la résistance à la sécheresse en utilisant les gènes de plantes existantes ne modifie pas l'équilibre biologique. Il ne s'agit pas de trancher la question aujourd'hui, mais il me semble que nous devons tourner la page des OGM de première génération et organiser un grand débat sur les enjeux des recherches pour l'avenir.

S'agissant des OCM, madame Fabre, je sais que, dans l'Aude, par exemple, vous auriez été plus favorables à des aides à l'hectare, mais verser de telles aides à Gevrey-Chambertin ou à Pétrus nous aurait posé problème… Quoi qu'il en soit, nous avons conservé l'OCM pour favoriser le développement et l'investissement. Quant aux Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) en cours de préparation sur la réduction de l'usage des produits phytosanitaires, elles permettent de mettre l'environnement au service du développement économique. C'est un point très important ! Par ailleurs, je vous communiquerai les éléments relatifs à l'assurance récolte quand la question sera réglée.

M. Taugourdeau m'a interrogé sur Sivens. Je précise que l'agriculture biologique est déjà présente dans la vallée. Je n'ai pas participé aux négociations, mais je crois que les arbitrages sont en cours : il s'agit de choisir entre une réduction du bassin et la création de trois lacs collinaires, sachant que, dans la seconde hypothèse, une nouvelle enquête publique serait nécessaire. Pour ma part, je m'inscrivais plutôt dans la ligne du rapport Martin, qui préconisait de rouvrir le débat et de prendre une décision au niveau territorial avec l'accord des agences de l'eau une fois les enquêtes menées. En tout état de cause, il faut trouver une solution en ce qui concerne la réserve en eau dans cette vallée.

Madame Massat, je sais que vous avez été chargée d'une mission sur les contrôles, et j'attends votre rapport avec impatience. Je ferai des propositions dans ce domaine, afin d'éviter que les agriculteurs ne se sentent montrés du doigt. Votre question, très subtile, portait sur un allégement éventuel des contrôles si les agriculteurs satisfont aux critères qui leur sont imposés en matière d'agro-écologie. Tout dépend des contrôles dont nous parlons. S'il s'agit des contrôles effectués dans le cadre de la PAC, cela me paraît difficile. En revanche, en matière environnementale, à terme, une certification agro-écologique pourrait avoir un impact sur les contrôles, mais aussi sur l'application de certaines directives. Je pense en particulier à la directive « nitrates », qui limite l'apport en azote par hectare. En effet, un agriculteur qui s'inscrit dans un processus agro-écologique peut avoir besoin d'azote pour son sol ; il pourrait donc déroger à la règle en vigueur, qui s'applique uniquement aux plantes. Le processus de certification pourrait ainsi nous conduire à modifier l'application des normes environnementales, donc les contrôles.

En ce qui concerne ceux qui sont effectués dans le cadre de la PAC 2015, nous sommes en train d'y travailler. S'agissant de ce que l'on appelle les apurements, je rappelle que la France était passible d'une amende de 3,54 milliards, que nous sommes parvenus à ramener à 1 milliard, grâce à l'excellent travail réalisé par la Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT), qui nous a permis de contester la demande de la Commission. Je ne veux pas laisser à mes successeurs, à propos de la PAC 2015, un problème identique à celui dont j'ai hérité. Nous sommes donc très rigoureux, mais on sait que la Commission est parfois excessivement soupçonneuse ou inquisitoriale lorsqu'il s'agit des fonds agricoles. J'attends donc avec impatience les propositions de simplification de M. Juncker, car nous pourrons alors demander à la Commission d'arrêter de pinailler dès lors que l'on respecte le cadre. Lorsque j'étais vice-président du groupe socialiste et démocrate du Parlement européen, j'étais chargé de l'agriculture, du budget, des fonds de cohésion – ce qui représente beaucoup d'argent – et du contrôle budgétaire, la « COCOBU ». Dans cette COCOBU, on retrouvait des contrôleurs et des inquisiteurs par vocation, lesquels avaient manifestement des a priori contre les fonds de cohésion et la PAC. C'est un véritable sujet politique, et je le dis devant l'Assemblée nationale. Encore une fois, si le Président Juncker veut simplifier, prenons-le au mot ! Certes, l'application doit se faire avec rigueur et honnêteté, mais il faut en finir avec la suspicion. Cette amende de 3,54 milliards, par exemple, avait été calculée sur la base d'une vérification portant sur une petite partie du territoire dont les résultats avaient été extrapolés pour la France entière. On nous reprochait ainsi un dépassement des surfaces de 0,2 % qui s'est avéré, après vérification, plus de deux fois moindre. Mais la discussion a été difficile.

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