Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 17 février 2015 à 16h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Je salue ce qu'a fait M. Mario Draghi, président de la BCE, en annonçant en 2012 des mesures non conventionnelles qui n'ont pas été mises en oeuvre mais dont l'annonce a fait cesser la spéculation, puis en lançant ce programme étendu d'achats de titres, qui est l'une des composantes indispensables de la politique économique visant à essayer d'éviter la déflation. Je ne juge pas aussi aimablement l'action de la BCE dans la troïka. Je l'ai dit il y a dix jours à Bruxelles à l'occasion de la semaine parlementaire européenne : je juge ce que la troïka a fait en Grèce aux antipodes de la solidarité qui a marqué la construction européenne, inscrite dans les traités pour éviter la répétition des erreurs commises dans le traité de Versailles – penser que faire payer le pays qui avait fauté n'entraînerait pas de conséquences négatives pour tous – et lors de la déflation des années 1930. On peut certes se réjouir de constater que la croissance reprend un peu en Grèce, mais le PIB du pays a baissé de 25 % et le taux de chômage des jeunes est de 50 %, chose jamais vue en temps de paix. Cela mérite que la troïka s'interroge. Ce point de vue a été exprimé par de nombreux parlementaires de différents parlements pendant la conférence interparlementaire à laquelle j'ai participé.

Pour ce qui est du risque déflationniste – risque majeur –, la BCE n'a pas à intervenir dans les politiques économiques, mais l'on a entendu M. Draghi dire : « Je fais le maximum pour éviter la déflation, mais les gouvernements doivent m'aider par leur politique budgétaire et par d'autres politiques. » Mais quand tous les États mènent des politiques d'austérité, il ne faut pas s'étonner que cela ait un effet dépressif qui nuit au rétablissement des comptes publics dans chaque pays. Outre cela, si un pays est seul à couper dans les coûts du travail et parfois, comme en Grèce, dans les salaires, sa situation se rétablira, en effet, vis-à-vis de l'extérieur ; mais si tous les États font la même chose, cet effet positif s'annule en termes intra-européens, et ne reste que la baisse des prix. Il n'est donc pas surprenant qu'on soit aujourd'hui dans une situation déflationniste : on a mené partout, sans les coordonner, des politiques de réduction des coûts du travail – voire de réduction des salaires, ce que l'Europe n'avait jamais fait. La politique monétaire a un rôle à jouer mais elle ne suffit pas à éviter une déflation. La lutte contre la déflation suppose que l'on réajuste certaines politiques conduites sans que l'on ait vraiment réfléchi à leurs conséquences quand elles sont menées par tous.

Par les mesures que vous avez détaillées, la BCE entend, avez-vous dit, faire baisser les taux d'intérêt à long terme ; pensez-vous que l'effet sera suffisamment significatif pour permettre le redémarrage de l'économie européenne ? En 2013, l'excédent extérieur de l'Europe s'est élevé à 230 milliards d'euros – non que l'on ait exporté davantage mais parce que l'effondrement de la demande intérieure a ralenti les importations. La zone euro disposait donc, potentiellement, de 230 milliards d'euros d'épargne, mal utilisée, puisqu'elle aurait pu servir à des programmes d'investissement. Au regard d'une épargne de 230 milliards d'euros provoquée par la récession, on est fondé à penser que les 315 milliards d'euros sur trois ans annoncés dans le plan Juncker ne sont pas complètement à la hauteur de l'enjeu ; mais je conviens que ce sujet dépasse le cadre de la BCE.

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