Intervention de Christophe Premat

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 9h35
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi engageant l’avenir de l’université des Antilles. Son enjeu n’est rien moins, en effet, que la préservation d’une université commune, dans l’autonomie renforcée de ses pôles, et dynamique, dans la cohérence de sa gouvernance, avec pour unique ambition de garantir à nos jeunes concitoyens des Antilles un enseignement supérieur à la hauteur des exigences du monde contemporain.

Vous avez rappelé avec brio, madame la secrétaire d’État, l’histoire de cette université. Je ne reviendrai pas sur le contexte qui a conduit à la scission du pôle guyanais. Je remarque que pour apaiser la situation et mettre fin aux dangereuses surenchères autonomistes, le Gouvernement a tiré parti de l’habilitation à légiférer par ordonnance que nous lui avions accordée dans l’intention initiale d’adapter à cette université la nouvelle gouvernance fixée par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2014, pour procéder, dans l’ordonnance du 17 juillet 2014, à un profond renforcement de l’autonomie des deux pôles demeurant dans l’ancienne université des Antilles et de la Guyane.

Il n’a pas pu toutefois aller jusqu’à tirer les conséquences du retrait du pôle guyanais. Le champ de l’habilitation se bornait à la réforme de la gouvernance de l’université, sans permettre d’en modifier ni le nom ni le périmètre. Dès lors, dans l’état du droit existant, le code de l’éducation continue de prévoir l’existence d’une université commune. Cela impose notamment que ses organes délibérants se réunissent en rassemblant les représentants de ses trois pôles constitutifs, alors même que l’un d’entre eux ne participe plus à la vie de l’université. Cette situation juridique ambiguë pose de réelles difficultés, s’agissant en particulier du respect des règles de quorum ou de l’adoption des budgets des deux universités. C’est pourquoi notre intervention est urgente et nécessaire.

Dans ce contexte contraint, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a examiné le texte soumis aujourd’hui à notre discussion en étant uniquement inspirée par la profonde conviction que l’existence d’une université commune est une nécessité vitale pour le développement et le rayonnement de la Guadeloupe et de la Martinique et pour l’avenir de nos jeunes concitoyens antillais.

L’enseignement supérieur y fait en effet face à des défis d’une ampleur exceptionnelle. Le nombre de non-diplômés parmi les 25-34 ans atteint 26 % en Martinique, 33 % en Guadeloupe et 58 % en Guyane, contre 19 % en métropole. Les diplômés du supérieur se limitent à 27 % en Martinique, 22 % en Guadeloupe et 17 % en Guyane, contre 42 % en métropole.

Or ces mauvaises performances prennent une dimension dramatique lorsque l’on observe les niveaux atteints par les taux de chômage des jeunes actifs : près de 70 % en Martinique, 60 % en Guadeloupe et 45 % en Guyane. Car aux Antilles comme partout dans le monde, le diplôme du supérieur demeure le meilleur rempart contre le chômage, comme l’atteste son effondrement à 10 % pour les bénéficiaires d’une formation supérieure. Il faut bien dire que la tâche est singulièrement difficile pour l’université des Antilles, qui n’attire que le quart des bacheliers locaux, lorsque le tiers le plus performant des lycéens, souvent issus des milieux les plus favorisés, part étudier en métropole. Elle concentre plus qu’ailleurs des étudiants fragilisés face à l’enseignement supérieur. Les boursiers représentent ainsi la moitié de ses effectifs, tandis que la proportion de bacheliers technologiques et professionnels atteint le double de celle observée dans les universités métropolitaines.

C’est dire combien les défis sont lourds, et leur résolution indispensable. Se joue ici l’attractivité de l’université des Antilles, tant à l’égard de ses étudiants et des étudiants étrangers de la zone caraïbe qu’à celui de ses enseignants-chercheurs. Chacun sait sur ces bancs combien, pour réussir aujourd’hui dans l’enseignement supérieur, les universités doivent savoir élargir le cercle de leurs alliances, dont les opportunités sont ici particulièrement manifestes dans la zone caraïbe et dans toutes les Amériques, et offrir à leurs étudiants les formations, les partenariats et les passerelles qui sont aujourd’hui les conditions de parcours réussis dans le supérieur.

Deux universités indépendantes dans les deux régions d’outre-mer des Antilles, que ce soit dans les faits ou dans le droit, dont les effectifs tourneraient autour de 5 000 étudiants et qui offriraient nécessairement des formations parcellaires et limitées, seraient parfaitement incapables de se déployer en dehors du cadre étroit de leur territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion