Intervention de Christophe Premat

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 9h35
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Ces ambitions ne peuvent être poursuivies que par une université forte et unie, dépassant le seuil critique de 10 000 étudiants. Cette constatation, qui a, je crois, la force de l’évidence, peut tous nous rassembler aujourd’hui.

Dès lors, la question est simple : comment redonner de la force, de la stabilité, et je dirai même de l’avenir à l’université des Antilles ? Car la lucidité commande de constater que l’université des Antilles et de la Guyane, qui l’a précédée jusqu’à la scission, a échoué à trouver les voies d’une cohabitation sereine et non conflictuelle des fortes identités culturelles de ses trois territoires d’implantation.

Cette dynamique d’affirmation culturelle et ce légitime besoin de proximité des enseignements, renforcée par la très faible mobilité des étudiants entre les trois pôles, a en effet conduit à une véritable dissémination des filières sur les territoires, sans que le rééquilibrage des moyens et la répartition stratégique des offres n’aient jamais été réellement abordés et mis en oeuvre. À cet égard, le cantonnement du pôle guyanais, plus récent et aux effectifs plus modestes, en marge des processus décisionnels de l’université, a sans doute été l’un des éléments déclencheurs les plus déterminants des troubles qui ont conduit à son retrait précipité.

Ces forces centrifuges ont érodé la cohérence de l’université parce que nous n’avons jusqu’ici jamais réussi à la doter d’une gouvernance apte à relever les défis posés par la rivalité de ses pôles géographiques.

Jusqu’en 2008, en effet, le modèle de gouvernance, conforme au droit commun et que je qualifierai de manière imagée de « centralisé » puisqu’il ne reconnaissait aucune autonomie à ses territoires, a naturellement encouragé une compétition permanente entre les deux îles des Antilles, qui rassemblaient les effectifs les plus importants d’étudiants.

En 2008, dans le droit fil de la loi sur l’autonomie des universités, une ordonnance a esquissé une gouvernance que je nommerai cette fois « fédérale », avec des pôles reconnus, car dotés d’un conseil et d’un vice-président, mais une présidence très substantiellement renforcée, comme pour toutes les universités. Cette confrontation, brutale parce que privée de tout mécanisme de conciliation, a très fortement attisé les tensions.

Comment, dans ce cadre, constituer une présidence autonome sans susciter une rivalité des pôles ? Le premier enseignement que je tire est celui d’une gouvernance confédérale.

L’expérience de l’université des Antilles et de la Guyane me semble à cet égard déterminante. Il est désormais temps de faire pleinement confiance aux territoires, en accordant une autonomie aux pôles dans la gestion quotidienne des formations implantées dans leur région. C’est ce que vous avez su faire, madame la secrétaire d’État, en confiant, dans l’ordonnance du 17 juillet 2014, aux pôles guadeloupéens et martiniquais une très large capacité d’organisation administrative et pédagogique, appuyée sur des compétences propres étendues. Celles-ci vont jusqu’à l’adoption de budgets propres intégrés, la définition d’une stratégie de pôle, la mise en oeuvre d’une mission d’insertion et la faculté de contractualiser avec des partenaires de l’université. En parallèle, leurs vice-présidents ont reçu la qualité d’ordonnateurs des recettes et d’autorité de gestion sur les personnels du pôle.

La commission des affaires culturelles a salué la qualité de ces solutions en ratifiant cette ordonnance.

C’est d’ailleurs cette confiance dans les acteurs qui nous a amenés à repousser les amendements qui s’écartaient du droit commun en figeant dans le marbre de la loi tous les critères susceptibles d’inspirer la répartition des ressources entre les pôles. L’ordonnance que nous ratifions se contente de confier cette responsabilité au conseil d’administration, strictement paritaire entre les deux pôles, en précisant que cette répartition tenait « notamment » compte des traditionnelles données objectives que sont les effectifs et les recherches. Cette formulation souple permet de laisser les options ouvertes, sans imposer une lourde énumération, qui se révélerait immanquablement incomplète et donc disputée et qui constituerait une forme de tutelle législative bien éloignée de notre intention de donner une réelle autonomie aux territoires.

Par ailleurs, l’autonomie ne doit pas signifier l’éclatement et la régionalisation de l’université des Antilles. Sans force d’impulsion et sans cohérence à sa tête, cet établissement pourrait en effet devenir une coquille vide.

Pour pallier cette gouvernance par essence conflictuelle, le Sénat, reprenant l’une des propositions d’un groupe de travail constitué dès l’hiver 2014 par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la délégation à l’outre-mer, a prévu que l’élection du président et des vice-présidents de pôle fasse l’objet d’un même vote au sein du conseil d’administration. Chaque candidat présenterait ainsi un ticket de trois personnalités, qui devraient démontrer au préalable la cohérence du projet global porté par le candidat à la présidence et les stratégies de développement des pôles défendues par les vice-présidents.

Cette solution, pertinente à nos yeux, répond à un besoin absolument incontournable. Elle a en outre le grand avantage de laisser aux statuts de l’université, dans la logique de confiance dans les acteurs de terrain et de rapprochement du droit commun que j’évoquais tout à l’heure, le soin de déterminer les modalités appropriées d’implication des pôles. C’est pourquoi la commission a approuvé cette innovation et repoussé hier des amendements qui proposaient de la supprimer, en rétablissant les conditions d’une rivalité sclérosante à la tête de l’université.

Tel est l’équilibre que nous avons estimé indispensable de préserver, en laissant bien entendu toute latitude au conseil d’administration, lorsqu’il modifiera les statuts de l’université, pour concrétiser dans le respect de ces grands principes les engagements pris par chacun au cours des récentes années.

C’est à un vote de confiance dans l’université des Antilles, dans la capacité de ses membres à dépasser les rivalités d’un jour pour unir leurs forces au service d’un enseignement supérieur de qualité et d’ambition, que nous vous appelons aujourd’hui. En adoptant, sans modification, le texte issu des délibérations du Sénat, nous mettrons fin dès aujourd’hui aux incertitudes juridiques qui empoisonnent le quotidien de l’université et nous lui donnerons les moyens de réussir, pour longtemps. Aujourd’hui, nous sommes l’université des Antilles.

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