Intervention de Sandrine Doucet

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 9h35
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles conditionne l’avenir de celles-ci et celui qui se dessine pour la réussite des étudiants.

Pour commencer, je rappellerai le lien avec la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, car ce sont les dispositions prévues par cette loi qui sont en application. L’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives applicables à l’université des Antilles et de la Guyane concernant, notamment, la nouvelle organisation de ces établissements. Le deuxième alinéa de ce même article 128 prévoit qu’un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de ladite ordonnance ; nous y voilà.

Je souhaiterais néanmoins revenir sur les circonstances de ce dossier. Dans les interventions précédentes, il a été abondamment question des tensions ayant conduit à la séparation de l’université guyanaise qui, à son tour, n’a pas manqué d’attiser les tensions centrifuges entre les deux pôles guadeloupéen et martiniquais, exacerbant ainsi une rivalité ancrée dans l’histoire.

Pour apaiser cette situation, le Gouvernement a tiré parti de son habilitation à modifier les dispositions législatives pour procéder dans l’ordonnance du 17 juillet 2014 à un profond renforcement de l’autonomie de ces deux pôles, en les dotant de compétences propres très étendues.

Au cours de sa réunion du 14 janvier 2015, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a enrichi le projet de loi initial en reprenant les propositions avancées par le groupe de travail. Elle a ainsi introduit des dispositions visant à clarifier la nouvelle gouvernance de l’université des Antilles et à mieux garantir sa cohérence stratégique. Elle a en particulier veillé à ce que le président de l’université et les présidents des deux pôles régionaux travaillent à l’avenir en bonne intelligence, grâce à l’instauration d’un « ticket » de trois candidats pour ces postes décisifs.

Une ordonnance en 2008, prise sur le fondement de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007, prévoyait une organisation reposant sur trois vice-présidents représentant la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique, qui seraient élus par le conseil d’administration sur proposition du président de l’université et après avis du conseil consultatif de pôle.

Toutefois, dans ce processus, leur autorité et leur rôle reposaient essentiellement sur la faculté pour le président, ouverte par l’ordonnance et intégrée aux statuts, de leur déléguer sa signature « notamment pour ordonnancer les recettes et les dépenses ». Ces dispositions ont échoué à garantir une articulation efficace.

Le « ticket » prévu dans le texte adopté par le Sénat et adopté à l’unanimité par la commission de l’éducation à l’Assemblée vise à ce que le président assure la cohérence du pôle et que les vice-présidents, avec des pouvoirs dévolus, prennent les décisions au plus près du territoire, comme l’a expliqué M. le rapporteur. Il s’agit ainsi de répondre au mieux à la volonté de constitution d’un pôle universitaire renforcé, selon la loi ESR. On pourrait regretter que cette constitution n’ait pu, dans sa logique la plus aboutie, englober le pôle guyanais, mais les événements de novembre 2013 ont davantage illustré le cumul des problèmes non résolus au cours des années précédentes – et qu’il a certes fallu gérer par cette séparation – que les limites de la loi ESR, qui permet d’éviter la division complète des sites universitaires. En disant cela, toutefois, on ne s’exonère pas de la suite à donner à ces nouvelles universités.

Rappelons que les buts sont les mêmes que ceux de la loi ESR de 2013 : la démocratisation de l’enseignement supérieur et la lutte contre l’échec en premier cycle. Comme le précisent les objectifs de la loi, il s’agit d’atteindre un taux de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, et les territoires ultramarins doivent naturellement participer à ce projet.

Les difficultés ont déjà été rappelées, mais je me permets d’y revenir : les diplômés de l’enseignement supérieur qui, en métropole, représentent 42 % des adultes de 25 à 34 ans, n’en représentent que 27 % en Martinique, 22 % en Guadeloupe et 17 % en Guyane. Ces performances décevantes sont notamment liés à des taux d’échec très élevés en licence – de l’ordre de 68 % en première année en 2010, contre 47 % en métropole, tandis que moins de 25 % des étudiants parvenaient à obtenir leur licence en trois ans, contre 30 % sur l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui, comme l’a indiqué M. le rapporteur, une grande partie des bacheliers quitte les territoires antillais pour venir s’inscrire à l’université dans l’Hexagone. Ces effectifs d’étudiants pourraient encore diminuer dans les prochaines années, ce qui posera la question de l’attractivité de l’établissement. En effet, aux difficultés sociales des étudiants s’ajoutent celles de l’insularité, de l’éloignement et donc de la mobilité. Créer un pôle unique et le doter de moyens mutualisés et d’une gouvernance concertée permet de répondre à ces enjeux en termes de formation et de satisfaire la volonté d’une gestion raisonnée.

Mais pour suivre jusqu’au bout l’application de la loi ESR, il faut penser à son autre volet, celui du rayonnement universitaire. En effet, et je me permets de reprendre ici un argument que j’avais déjà défendu lors de l’examen du projet de loi ESR, la loi doit donner de la lisibilité aux étudiants sur notre système universitaire, mais aussi de la visibilité à nos universités dans un espace mondialisé.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, les atouts sont très nombreux. Or, pour attirer, il faut d’abord rayonner scientifiquement.

L’université des Antilles bénéficie d’atouts exceptionnels grâce à l’implantation aux Antilles de laboratoires prestigieux tels l’Institut Pasteur et l’INSERM en Guadeloupe, le CIRAD, ou encore l’IFREMER. Autant de laboratoires dont le rôle mériterait d’être confirmé et qui, pour rayonner dans un espace mondialisé, doivent être adossés à un pôle universitaire uni et cohérent.

Lors de l’examen des amendements en commission, nous avons cru comprendre que certains de nos collègues, se faisant l’écho de volontés locales, entendaient régler cette question en mettant en avant le rôle des régions. Mais le rôle des régions est clairement défini dans l’article 19 de la loi ESR, qui dispose que « la région coordonne, sous réserve des missions de l’État et dans le cadre de la stratégie nationale de recherche, les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics, et participe à leur financement. […] La région définit un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui détermine les principes et les priorités de ses interventions ».

De même, le projet de loi actuellement en débat sur la nouvelle organisation territoriale de la République va certainement renforcer le rôle des régions en matière de schéma territorial.

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