Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comment comprendre l’importance fondamentale de ce projet de loi sans prendre, au préalable, la pleine mesure des défis auxquels est confronté l’enseignement supérieur aux Antilles et en Guyane ?
L’Assemblée nationale est en effet aujourd’hui amenée à se prononcer sur ce projet de loi afin de circonscrire une crise qui met en péril la survie même de l’université aux Antilles. Notre inaction serait coupable, tant les enjeux sont importants.
Enjeux importants d’abord pour les Antilles où le chômage des jeunes actifs atteint des seuils dramatiques : 68,2 % en Martinique, 59,8 % en Guadeloupe, 44,8 % en Guyane. Or le diplôme, plus exactement la qualification, demeure un atout incontestable pour parvenir à gagner la bataille de l’emploi. J’en veux pour preuve que dans ces trois territoires le taux de chômage descend à 10 % pour les jeunes qui ont bénéficié d’une formation de l’enseignement supérieur.
Enjeux importants aussi pour notre République qui se doit de garantir un accès équitable à l’éducation, sans distinctions de condition sociale, de conviction, de confession religieuse, de territoire.
La parution du rapport annuel 2012 de la Cour des comptes qui mettait en cause la gestion opaque du CEREGMIA, le Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée, entre 2005 et 2010, ainsi que la plainte déposée par la présidente de l’université, Corinne Mence-Caster, ont fait éclaté la crise dans laquelle s’est enlisée l’université des Antilles et de la Guyane jusqu’à risquer aujourd’hui l’éclatement.
Les irrégularités pointées du doigt par les magistrats de la Cour des comptes ont suscité un profond sentiment de révolte parmi les universitaires comme parmi les étudiantes et les étudiants, causant des tensions qui se sont envenimées à l’automne 2013, et se sont notamment traduites par des grèves en Guadeloupe.
Cette crise a donc conduit le Gouvernement, dans le protocole d’accord de fin de conflit signé le 11 novembre 2013, à acter le retrait de la Guyane de l’université commune, qu’elle partageait avec la Guadeloupe et la Martinique depuis 1982.
Cependant, cette décision, qui a conduit à la création d’une université guyanaise de plein exercice, a en réalité exacerbé les tensions entre Guadeloupéens et Martiniquais et favorisé les revendications autonomistes. Mon collègue Patrick Hetzel parlait tout à l’heure de revendications « localistes », et le mot n’est pas mince, dans la bouche d’un Alsacien !