Intervention de Jean-Philippe Nilor

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 9h35
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Je tiens tout d’abord à féliciter M. le rapporteur pour son honnêteté et son objectivité. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’associe à mon intervention mes collègues martiniquais Alfred Marie-Jeanne et Bruno Nestor Azerot.

Si nous nous réunissons aujourd’hui, c’est bien pour mutualiser nos capacités de réflexion et d’anticipation, afin de reconstruire, à partir des vestiges de l’université des Antilles et de la Guyane, une nouvelle université des Antilles. Du moins, j’ose l’espérer. Il nous appartient d’ériger des piliers solides, afin de prévenir les rivalités stériles qui ont émaillé l’histoire de l’université des Antilles et de la Guyane, et qui ont eu pour conséquences la détérioration de notre image collective et l’effondrement brutal, en moins de trente jours, avec la bénédiction du Gouvernement, de ce qui avait été patiemment bâti en plus de trente ans.

Notre objectif doit être aujourd’hui de permettre à l’université des Antilles d’être attractive, crédible et solide, pour rétablir les conditions favorables à l’apprentissage et à l’épanouissement de nos étudiants. Les populations de nos régions vieillissent rapidement, et nous sommes frappés par une baisse démographique, due notamment au fait qu’un jeune sur deux qui suit une formation hors de nos territoires ne revient pas y vivre. Tous ces facteurs aggravent le sinistre économique et social de nos territoires : nous n’avons alors d’autre alternative que de miser sur le renforcement de nos capacités à former notre jeunesse.

La loi Fioraso du 22 juillet 2013, qui vise à fusionner des universités déjà importantes en taille pour en faire des ensembles dotés de moyens mutualisés et bénéficiant d’une forte visibilité à l’international, nous soumet à la concurrence de ces méga-universités et nous avons l’obligation de redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour retenir nos étudiants dans notre institution.

Enfin, nul ne saurait imaginer la pérennité d’un établissement bicéphale sans dispositif renforçant sa cohésion et sa stabilité, pour éviter les risques d’implosion qu’a connus l’UAG. Pour y parvenir, le Sénat a introduit dans ce texte des dispositions relatives à l’élection de l’équipe dirigeante de la future université, au terme de la mandature de celle-ci. Ces dispositions instituent un système connu sous le nom de « ticket à trois », qui me paraît judicieux. Le futur président de l’université des Antilles serait ainsi élu en même temps que les deux vice-présidents de pôle, afin de renforcer la stabilité et la cohésion de l’université. Afin de respecter en tout point l’autonomie des pôles, les statuts de l’université pourraient simplement prévoir de compléter ce dispositif par d’autres dispositions.

Pour concilier l’unité de l’établissement et l’autonomie des pôles, le système suivant est envisageable : en amont de l’élection de l’équipe dirigeante, chacun des deux pôles déterminerait une liste de trois noms pour la vice-présidence du pôle ; les candidats à la présidence de l’université seraient ensuite tenus de choisir leurs colistiers au sein de ces deux listes. C’est à cette proposition que, pour ma part, j’adhère.

Ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, me paraît réunir les conditions minimales pour que l’université des Antilles survive après une amputation ô combien traumatisante. Toutefois, j’appelle votre attention sur le fait que certains amendements soutenus par le Gouvernement – ou qu’il a repris à son compte – pourraient se révéler clairement préjudiciables, car portant en leur sein les germes de divisions et peut-être de scissions à venir. Le député Victorin Lurel propose la formulation « patrimoine mobilier et immobilier », tandis que le Gouvernement retient le terme de « surface ». S’agit-il d’une manière sournoise de revenir à la formulation initiale, c’est-à-dire « patrimoine mobilier et immobilier » ?

En tout état de cause, les surfaces à prendre en compte pour la subvention de l’État ne peuvent être que les surfaces financées à l’origine par l’État. Retenir la formule proposée en la figeant dans la loi ouvrirait la voie à des dérives importantes si les collectivités territoriales, suite à l’adoption de cet amendement, se mettaient à construire des campus. La détermination des critères doit rester une prérogative du conseil d’administration de l’université des Antilles.

Prendre en compte la surface de chaque pôle en tant que critère pour répartir la subvention pour charges de service public de l’État à l’université, cela reviendrait à pré-affecter les dotations et ôterait au conseil d’administration la possibilité d’apprécier souverainement la répartition des moyens entre les pôles en fonction des besoins réels. Sachant que des infrastructures régionales telles que le campus de Saint-Claude en Guadeloupe ne sont actuellement pas prises en compte dans la dotation de l’État, ni dans la subvention de l’État pour la maintenance, il apparaît évident que si l’on tenait compte du critère du patrimoine immobilier, une part supplémentaire conséquente serait attribuée au pôle Guadeloupe, qui regroupe trois campus universitaires, au détriment du pôle Martinique, qui ne dispose que de deux campus. Je condamne donc le flou qui règne quant à la définition du critère des surfaces.

Un autre critère intervient : l’effectif des étudiants. En réalité, l’actuelle présidente et les deux vice-présidents de pôle sont en train de travailler sur des critères qui appliquent d’ores et déjà un coefficient, variant en fonction des catégories, visant à évaluer le coût d’un étudiant. Pourquoi vouloir empiéter sur les compétences du conseil d’administration et figer dans la loi ce qui relève plutôt d’une négociation régulière au sein de cette instance ? Notons qu’un coefficient de 2,4 est déjà appliqué aux étudiants en sciences, un coefficient de 2,8 aux étudiants en école d’ingénieur, tandis qu’un coefficient de 1 est appliqué aux étudiants en lettres, droit ou économie.

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