Intervention de Marc Del Grande

Réunion du 20 novembre 2012 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Marc Del Grande, sous-directeur, chef du service des politiques publiques à la Délégation générale à l'outre-mer, DEGEOM :

Notre exposé comptera trois parties. Dans une première partie, je vous présenterai un bref historique du régime de l'octroi de mer et je vous décrirai le dispositif actuel. M. Jonathan fera ensuite un point sur l'évaluation du dispositif. Enfin, je détaillerai dans une troisième partie le calendrier de nos négociations avec l'Union européenne.

L'octroi de mer constitue l'une des plus anciennes taxes du système fiscal français. Dès 1670, il est fait référence à une taxe dénommée « droit des poids » frappant les produits importés en outre-mer. Cette taxe disparaît en 1789, au lendemain de la Révolution française, puis est réintroduite outre-mer par l'ordonnance du 1er mars 1819 : ce nouvel « octroi aux portes de mer » constitue à compter de cette date une recette ordinaire alimentant les budgets des communes de Martinique. Son application est étendue en 1825 à la Guadeloupe, en 1850 à La Réunion et en 1878 à la Guyane.

Le sénatus-consulte du 4 juillet 1866 rend officiel cet impôt de consommation sur les produits arrivant de la mer en le qualifiant pour la première fois d'« octroi de mer ». Ce texte, qui accordait l'indépendance commerciale aux Antilles et à la Réunion sous forme d'autonomie douanière, conférait également aux conseils généraux de chacun de ces territoires le pouvoir de voter les tarifs d'octroi de mer sur les produits de toutes provenances, ainsi que les tarifs de douane sur les produits étrangers importés dans ces territoires.

L'Acte unique européen de 1986 a rendu nécessaire une réforme de cette imposition, prohibée dans le contexte d'un marché unique européen. La seule solution était donc de transformer cette charge pécuniaire en une imposition intérieure licite, soumise aux dispositions de l'article 95 du Traité CEE – devenu l'article 110 et suivants du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le TFUE. Cette réforme, opérationnelle à compter de 1993, impliquait en théorie l'extension de l'octroi de mer aux productions locales. Cependant, pour tenir compte de la fragilité du tissu économique des territoires ultramarins, l'Union européenne a accepté le principe d'une période transitoire de dix ans durant laquelle des exonérations d'octroi de mer seraient autorisées au bénéfice des productions locales qui en auraient besoin.

Nous arrivons à la décision du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer, décision essentielle puisque c'est elle qu'il s'agit de renouveler en 2014. A cette date, le Conseil de l'Union européenne a décidé de maintenir un régime d'octroi de mer jusqu'au 1er juillet 2014, en prévoyant notamment des exonérations ou des réductions de taxe en faveur des productions locales. Cette disposition a pour objet de protéger certaines productions locales de la concurrence des produits importés.

En outre, cette décision renouvelle le régime de l'octroi de mer par la création de listes de produits, désignées par les lettres A, B, C, adaptées à chaque région, chacune correspondant à un différentiel de taux maximum pouvant être fixé entre la production locale et l'importation d'un produit similaire.

Le principe de ces listes répond à un double objectif : il permet d'éviter aux conseils régionaux d'avoir à transmettre leurs délibérations à la Commission européenne à chaque fois qu'une exonération est décidée ; il donne à la Commission européenne une meilleure lisibilité du système d'aide aux entreprises locales.

Ce différentiel fait l'objet d'une décision de la Commission européenne du 23 octobre 2007 relative aux possibilités d'exonération ou de réduction de la taxe. Ce régime dit d'aide d'État doit être notifié à chaque période de contractualisation. C'est l'exercice à laquelle la DEGEOM devra se livrer dans le courant de l'année 2013.

La modification assez radicale du dispositif a conduit les autorités françaises à redéfinir le cadre juridique national et à prévoir de nouvelles modalités d'organisation pour sa mise en oeuvre effective dans les départements d'outre-mer – quatre à l'époque, cinq à partir du 1er janvier 2014.

La décision du Conseil a été transposée en droit français par la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer et son décret d'application du 30 décembre 2004. Elle préserve l'essentiel du système issu de la loi de 1992 s'agissant de l'exercice de la compétence fiscale des conseils régionaux relative à la fixation des taux de l'octroi de mer. Cette loi est entrée en vigueur le 1er août 2004.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous devrons retourner devant la Commission avant le 1er juillet 2014 pour renouveler le dispositif de l'octroi de mer. Nous vous présenterons tout à l'heure le « rétro-planning » que nous avons élaboré avec la Direction générale des douanes et droits indirects.

L'octroi de mer est une source de financement importante pour les collectivités en même temps qu'un puissant instrument de soutien à l'économie. C'est une taxe sur les importations de biens dans les quatre départements d'outre-mer dont l'objectif est double. Premièrement, elle vise à assurer le financement des collectivités territoriales : de 2008 à 2011, la taxe a rapporté en moyenne 976 millions d'euros par an. Deuxièmement, elle sert à stimuler le développement économique grâce à la possibilité d'exonérer totalement ou partiellement les productions locales, ce qui leur permet de supporter la concurrence des produits importés similaires.

Par ailleurs, l'octroi de mer est composite, puisqu'il se compose en réalité de deux taxes : l'octroi de mer en tant que tel, issu de la décision de 2004, dont le produit est affecté aux communes, ainsi qu'au département dans le cas de la Guyane ; et l'octroi de mer régional, l'OMR, ancien droit additionnel à l'octroi de mer, dont les recettes sont affectées aux conseils régionaux.

La fixation des taux d'octroi de mer relève de la compétence des conseils régionaux, qui peuvent octroyer dans certaines conditions des exonérations totales ou partielles. Les conseils régionaux sont en effet autorisés à pratiquer des différences de taxation en faveur de productions locales sensibles, définies par référence à la nomenclature douanière et reprises aux listes A, B et C annexées à la décision. Ces écarts de taxation entre les importations et les productions locales ne peuvent pas excéder 10 % pour les produits de la liste A, 20 % pour les produits de la liste B ou 30 % pour les produits de la liste C. Les produits qui ne figurent pas dans l'annexe ne peuvent faire l'objet d'aucune différence de taxation.

Les livraisons de biens réalisées par des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel de production est inférieur à 550 000 euros sont exonérées d'octroi de mer et d'octroi de mer régional.

L'octroi de mer régional porte sur la même assiette que l'octroi de mer et ne peut excéder 2,5 %, dans la limite du différentiel autorisé lorsqu'il existe. Son produit est affecté aux budgets des régions.

Vous me permettrez d'illustrer d'un exemple la complémentarité de ces deux taxes. Si le conseil régional décide de taxer au taux de 7 % un produit local de la liste A, il ne pourra pas taxer à un taux de plus de 17 % le même produit importé. Le taux de 7 % pourrait se répartir en 5 % au titre de l'octroi de mer et 2 % au titre de l'OMR ; pour le taux de 17 %, la répartition pourrait être de 15 % au titre de l'octroi de mer et 2 % au titre de l'OMR.

Le Conseil avait assorti sa décision de 2004 de l'obligation pour la France de lui présenter un rapport d'étape en 2008. Ce rapport a fait l'objet, en 2010, de deux reproches essentiels de la part de la Commission. Celle-ci a en effet jugé que les informations fournies par la France n'étaient pas assez complètes pour lui permettre d'apprécier l'impact de la taxation différenciée sur la croissance et sur l'emploi dans chaque secteur considéré. Ensuite, le fait que les produits locaux bénéficiant d'une taxation différenciée occupent la quasi-totalité, voire la totalité du marché et que la part des produits importés soit dès lors très faible, voire nulle, a conduit la Commission à s'interroger sur l'opportunité de maintenir une taxation différenciée.

C'est donc sur ces deux points que la DEGEOM, issue des réformes de 2008, a décidé de lancer l'évaluation dont Hervé Jonathan va vous parler.

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