Intervention de Clotilde Valter

Séance en hémicycle du 29 novembre 2012 à 9h30
Création de la banque publique d'investissement nomination des dirigeants de bpi-groupe — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClotilde Valter, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement :

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, chers collègues, premier des soixante engagements pris par le Président de la République, la création de la Banque publique d'investissement est l'un des projets les plus importants de cette législature, parce qu'elle est au coeur du redressement productif, au coeur de la bataille pour l'emploi et au coeur du rééquilibrage de notre balance commerciale.

Mon propos s'articulera autour de trois questions : pourquoi créer une banque publique ? Quel rôle le Parlement doit-il jouer dans son élaboration ? Quels points, enfin, mériteraient, à nos yeux, d'être éclaircis à l'occasion de ce débat ?

Premièrement, pourquoi une banque publique d'investissement ?

Tout d'abord, parce que nous constatons des difficultés persistantes dans le financement des entreprises. La crise de 2008 a marqué une première étape dans le rétrécissement du crédit ; la frilosité des banques en a marqué une seconde, avec les nouvelles règles prudentielles. S'ajoutent à cela certains facteurs structurels propres à notre économie, notamment le faible recours au marché, qui est marginal pour les TPE, les PME et les ETI, et un tissu industriel trop faible. Même si la création de la Médiation du crédit, d'OSÉO et du Fonds de consolidation et de développement des entreprises a constitué une avancée, les réformes engagées au cours des dernières années n'ont malheureusement pas suffi pour régler le problème.

La banque publique d'investissement doit aussi – c'est le second point – permettre de combler les trous qui existent dans le dispositif, particulièrement au moment de la création et de l'amorçage des entreprises. Celles-ci ont particulièrement besoin d'être accompagnées dans la phase dite de la « vallée de la mort », ce moment crucial pour leur financement, qui va de l'élaboration du projet de recherche jusqu'à sa concrétisation commerciale. La banque publique devra aussi jouer un rôle dans les financements de court terme, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, et pourvoir aux besoins de financement des entreprises sur la longue durée, entre cinq et sept ans, ce que ne font pas les autres banques.

L'ambition de la BPI est donc de s'appuyer sur ce qui existe déjà et a donné de bons résultats – OSÉO, le FSI et le crédit d'impôt recherche – en mutualisant les moyens existants, afin d'intensifier les efforts consentis et de produire un effet de levier. Il s'agit aussi, et c'est le plus important au stade où nous en sommes, de pallier les défaillances du marché, d'offrir un bouquet de services aux entreprises et de mieux coordonner l'action de l'État avec celle qui est conduite en région.

Deuxièmement, quel doit être le rôle du Parlement ? Il doit traduire dans la loi l'ambition politique de ce projet.

Le risque, c'est que la BPI s'en tienne aux vieilles formules, qu'elle se contente de faire ce qui existe déjà, et qui ne répond pas à la situation. Le rôle du Parlement est donc crucial, car il s'agit de faire en sorte que cet outil nouveau soit à la hauteur de l'ambition qui est la nôtre. Il est de notre responsabilité d'y veiller et il nous appartient donc, dans le texte de loi, de nous doter des moyens d'y parvenir. Cela a été le fil rouge des propositions d'amendements et des réflexions menées au sein de la commission des affaires économiques.

Il s'agit d'abord de définir plus précisément notre ambition pour la BPI. L'article 1er, tel qu'il figurait dans le projet initial, nous a semblé trop vague, et c'est pourquoi nous avons souhaité y apporter un certain nombre de précisions. Pour commencer, nous avons souhaité ajouter l'emploi au nombre de ses objectifs : celui-ci ne figurait ni dans le texte ni dans l'exposé des motifs, ce qui était regrettable. Nous avons voulu ensuite préciser le champ des entreprises concernées – les TPE, les PME et les ETI –, l'objectif étant effectivement de renforcer ces ETI, qui ont vocation à constituer, plus encore qu'aujourd'hui, le tissu économique de notre pays et à porter la dynamique de nos activités. Nous avons souhaité enfin préciser à quel stade de la vie des entreprises la BPI devait intervenir : la version initiale du Gouvernement se limitait aux moments du développement, de l'innovation et de l'internationalisation ; nous avons tenu à y ajouter la création et la transmission des entreprises.

Il s'agit ensuite de traduire cette ambition dans la gouvernance de la BPI. Le ministre l'a dit : la BPI est une banque, sa gouvernance doit donc être celle d'une banque. Cela est très clair. S'agissant toutefois de la composition du conseil d'administration, on peut regretter que l'on n'ait pas trouvé le moyen d'y associer les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations de salariés. S'agissant de la représentation de l'État, à qui il revient – nous sommes tous d'accord là-dessus – de porter l'ambition de la BPI, il est clair que l'on ne peut se limiter aux expressions administratives classiques. La voix de l'État doit se faire entendre au conseil d'administration et marquer une vraie volonté politique. En commission, nous avons entendu le ministre des finances nous dire que Louis Gallois serait l'un des représentants de l'État. Cela change la donne ; cela signifie que le message est passé, et j'en remercie M. le ministre.

Prévoir, comme le propose notre collègue Marc Goua, que le directeur général de BPI-Groupe soit un représentant de l'État peut être une réponse ; mais il serait encore préférable, à nos yeux, que le Gouvernement choisisse des personnalités qualifiées qui pourront tout aussi bien porter cette ambition.

Le choix d'un comité d'orientation plutôt que d'un comité stratégique issu du conseil d'administration nous paru est un peu regrettable, dans la mesure où le rôle de simple avis qui lui est accordé lui donnera trop peu d'influence dans la prise de décision. Au cours des auditions, le futur président de la BPI n'a pas écarté l'hypothèse de mettre en place un comité stratégique : ce pourrait être une bonne chose.

Il s'agit enfin de faire du Parlement le garant de la réalisation de ce projet. Le projet de loi n'entre pas dans le détail du fonctionnement de la nouvelle banque et c'est normal. Il ne mentionne pas non plus les documents fondateurs qui définiront le cadre de l'action de la BPI : le pacte d'actionnaires et la doctrine d'intervention. C'est pourquoi nous avons adopté un amendement qui nous permettra de vérifier que notre ambition pour la BPI se traduit bien dans ces documents-clés. Ainsi, les grandes orientations du pacte d'actionnaires entre l'État et la caisse des dépôts seraient présentées aux commissions compétentes par les parlementaires membres du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, car il importe que le Parlement soit pleinement informé du modèle prudentiel vers lequel on s'engage, et qu'il puisse en débattre. La doctrine d'intervention quant à elle doit préciser en quoi cette nouvelle banque est différente de ce qui existe déjà. Le ministre l'a dit à plusieurs reprises : la BPI n'est pas une banque comme les autres, et il faut que cela soit clairement marqué, aussi bien dans le texte, que dans son fonctionnement effectif. Par conséquent, cette doctrine d'intervention doit spécifier ce qui fait la singularité de la BPI, s'agissant aussi bien de son champ que de ses modalités d'intervention. Les commissions compétentes doivent être associées à son élaboration.

Troisièmement, quels points méritent d'être éclaircis à l'occasion de ce débat ?

Un certain nombre de modalités qui touchent au fonctionnement opérationnel de la banque, qui ne sont pas abordées dans le projet. C'est bien normal, car elles ne relèvent pas de la loi ; elles nous semblent néanmoins devoir être précisées aujourd'hui.

À l'échelon national, d'abord, deux points doivent être clarifiés : en effet, pour créer la BPI, on s'appuie sur des structures existantes qui ont fait leurs preuves, mais on ne voit pas exactement comment cela va fonctionner concrètement. Il serait peut-être utile, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer à ce sujet.

Premièrement, pourquoi l'intégration des structures se fait-elle en deux phases, à travers deux textes de loi ? Nous avons déjà eu l'occasion de poser cette question, et je pense qu'il serait utile d'y revenir. Deuxièmement, quel sera le fonctionnement opérationnel de la BPI ? CDC entreprises, le FSI et OSÉO seront filialisés dans la holding, avec une filiale consacrée à l'investissement et une autre au financement. Mais une question subsiste : quel équilibre trouver entre une aimable coordination et une véritable intégration ?

Par ailleurs, je tiens à signaler un point important, qui est apparu très clairement au cours des auditions : le rôle de futur directeur général de la BPI sera très lourd, car il concentrera sur sa personne nombre d'enjeux de la structure, et peut-être trop. Est-ce vraiment raisonnable au regard du nécessaire partage des risques et des responsabilités ? Il faudra sans doute mettre en place une organisation adéquate et c'est, je crois, l'objet de la mission de configuration. Sur ce sujet aussi, nous aimerions en savoir un peu plus.

Dans les régions aussi, des ambiguïtés subsistent. Le Premier ministre et le président de l'Association des régions de France ont signé le 12 septembre dernier une déclaration engageant l'État et les régions. Si celle-ci a été strictement respectée dans le projet de loi, les auditions ont néanmoins fait apparaître des ambiguïtés dont il convient de sortir rapidement. La BPI dispose d'un réseau déconcentré de directions régionales, qui prennent l'essentiel des décisions : c'est une bonne chose, car cela nous évite de recourir à des filiales régionales qui auraient éclaté et dispersé l'action de la BPI. Mais comment s'organisera-t-on concrètement ? Qui gérera les guichets uniques ? Guillaume Bachelay a esquissé des solutions. Les régions estiment qu'elles pourront être à l'origine de ces guichets uniques ; les chambres de commerce et d'industrie nous ont dit qu'elles souhaitaient s'en charger, tout comme OSÉO. Il y a là quelque chose à construire, et peut-être aussi certains éléments à préciser.

S'agissant ensuite du comité régional d'orientation, le représentant de l'ARF a expliqué qu'il ne souhaitait pas la présence de l'État dans ses comités dans la mesure où la prochaine étape de la décentralisation transférerait les services de l'État chargés du développement économique et de l'emploi aux régions. Cela ne me semble pas être la position du Gouvernement ; là aussi, monsieur le ministre, il serait utile que vous clarifiiez les choses à l'occasion de notre débat. Enfin, rien ne se fera sans les personnels de la future banque, qui souhaitent ardemment être associés au processus d'élaboration et de création de la BPI.

Au terme des auditions, il nous faut dire que l'accueil qui est fait à la BPI est globalement très positif : certains l'attendaient depuis longtemps, d'autres la voient comme un véritable instrument de compétitivité au service de notre économie. On en attend parfois un peu trop, car ce n'est pas la panacée. Il s'agit maintenant de mener ce projet à son terme et de le réaliser ; c'est à nous, chers collègues, d'y travailler à l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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