Intervention de Arnaud Leroy

Séance en hémicycle du 29 novembre 2012 à 9h30
Création de la banque publique d'investissement nomination des dirigeants de bpi-groupe — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement :

Concentrons-nous sur le bel outil que sera la Banque publique d'investissement, une banque qui sera au service de la transition écologique. Depuis les engagements de campagne jusqu'à la conférence environnementale, le chemin, il est vrai, avait été balisé, d'où ma surprise, je vous l'avoue monsieur le ministre, à la découverte du projet de loi, il y a quelques semaines.

Je suis heureux et fier que la représentation nationale ait réussi, par voie d'amendements, à replacer au coeur des missions de cet établissement l'objectif essentiel, pour ne pas dire vital, qu'est la transition écologique et énergétique Je profite également de l'opportunité qui m'est offerte pour saluer à mon tour la bonne coopération entre les différents rapporteurs et le Gouvernement, qui a permis d'aboutir à ce résultat. Je remercie particulièrement la commission des finances pour son soutien.

En tant que petit-fils et fils d'ouvrier, c'est pour moi, un honneur et une fierté de participer par ce projet, au côté du Gouvernement, à la reconquête de l'industrie, de favoriser l'émergence de filières porteuses et de créer les emplois de demain. Il est urgent de mettre en place la courte échelle faite du bois le plus dur, celui de la volonté, pour épauler nos PME et nos ETI dans leurs activités et leurs projets.

C'est un chantier gigantesque qui se profile devant nous, puisqu'il s'agit de rendre notre économie plus sobre en énergie et peu émettrice de gaz à effet de serre. Ne mésestimons pas l'ampleur de la tâche ! À l'heure de l'ouverture de la conférence de Doha, alors que des incertitudes planent sur le devenir du protocole de Kyoto et que la Banque mondiale – officine écologiste, s'il en est – prévoit un réchauffement de l'ordre de quatre degrés à l'horizon 2060, l'urgence est plus que jamais à la transition, et non à la tergiversation !

Si ce chantier s'annonce titanesque, empli de défis, il représente aussi un océan d'opportunités pour notre appareil industriel, nos emplois et notre jeunesse. La BPI, par sa capacité d'investissement à long terme, sera également un atout essentiel pour respecter nos engagements auprès de nos partenaires, notamment européens. La France s'est en effet engagée à développer son parc d'infrastructures de production d'énergies renouvelables. La directive 200928CE prévoit, pour la France, que 23 % de la consommation d'énergie finale brute et 27 % de la production électrique devront être de sources renouvelables à l'horizon 2020.

Sommes-nous sur le bon chemin ? Rien n'est moins sûr : si notre pays a déjà largement atteint ses objectifs pour 2012 en matière d'énergie solaire, avec 2,6 gigawatts installés à la fin de l'année 2011 – alors qu'on visait 1,1 gigawatt –, il n'en va pas de même des autres énergies. La France est par exemple en retard dans l'éolien terrestre : au début de l'année 2012, seuls 6,7 gigawatts étaient raccordés au réseau, contre les 10,5 gigawatts prévus. En 2011, la puissance éolienne terrestre raccordée a été très faible : seulement 0,8 gigawatt. Depuis 2006, jamais une si faible puissance n'avait été installée, et les résultats attendus pour l'année 2012 devraient être moins bons encore.

Quant à la filière éolienne en mer, elle n'existe malheureusement que sur le papier : aucune installation offshore n'existe pour l'instant. Les premiers parcs devraient voir le jour en 2017 ou 2018.

La BPI prend tout sens dans cette transition écologique lorsque l'on sait que la structure de coûts des énergies vertes impose d'immobiliser, dès la décision d'investir, de fortes quantités de capital et de dette alors que la rentabilité ne sera assurée que si la centrale produit durant de nombreuses années.

Cette structure de coût a de nombreuses conséquences. Elle entraîne tout d'abord un risque maximal pour les investisseurs, puisque tout l'argent nécessaire doit être versé en amont du projet. De plus, le coût de production des énergies varie énormément en fonction du coût du capital retenu : l'éolien terrestre et en mer ainsi que le photovoltaïque verraient leur coût de production baisser de plus de 25 % si celui du capital baissait de 10 % à 5 %. Cette réalité impose de nous doter d'un investisseur de long terme.

Pour donner un ordre de grandeur, je me permets de faire référence à une analyse d'économistes citée par Terra Nova dans une livraison récente : ils estiment les besoins de financement annuels pour assurer la transition énergétique à 2 % du PIB européen. Si l'on retient un PIB européen aux alentours de 13 000 milliards d'euros, les besoins de financement pour décarboner l'énergie et développer les énergies renouvelables s'élèvent à 105 milliards d'euros par an. Ces chiffres montrent l'ampleur de la tâche, et encore sur le seul segment des énergies renouvelables.

Une autre comparaison éclairante nous est fournie par l'action de la KFW, la banque d'investissement publique allemande. Elle a consacré pour la seule année 2001 la somme de 22,8 milliards d'euros pour financer des projets relatifs à la protection de l'environnement et au changement climatique, soit un tiers de sa capacité d'investissement.

L'action de la BPI, on l'a dit à de nombreuses reprises, devra se faire sur l'ensemble du cycle de vie d'une entreprise : de l'innovation à la transmission, en passant par cette nouvelle étape qui se nomme la mutation.

L'avenir est à l'innovation, technologique mais aussi organisationnelle, pièce essentielle de l'économie circulaire, qui a pour avantage de réduire les coûts de manière significative en mutualisant certains aspects de différents procédés industriels. La puissance publique doit assumer et endosser un rôle d'aiguillon, de facilitateur dans ce domaine.

Il nous faudra être tout aussi innovants dans notre conception d'intervention, et éviter de tomber dans la facilité en allant vers des financements aux seuls PME ou ETI scintillantes, – les fameuses pépites, comme elles sont souvent qualifiées.

Oui, il faudra aussi aller dans la soute, dans ce substrat qui fait la force du secteur des écotechnologies. Ce sont les milliers de sociétés aux faibles rendements mais présentes et actives depuis de longues années dans de nombreux secteurs comme les déchets, l'eau, ou la dépollution des sols. Ce sont des forces de notre économie. Ces grognards du secteur sont des atouts de poids dans cette belle et noble mission que nous nous sommes assignés : réussir la transition écologique.

Le présent est quant à lui à la mutation et à l'accompagnement des industries aujourd'hui polluantes de l'économie grise vers une économie plus verte, respectueuse des hommes et de l'environnement. Ces secteurs qui emploient aujourd'hui plusieurs centaines de milliers de personnes seront de la sorte préservés, et pourraient même voir leurs effectifs augmenter, par exemple dans le domaine de la rénovation thermique des bâtiments.

La cohérence, notamment au niveau des formations professionnelles ou de la stabilité réglementaire – ce point est revenu de manière régulière durant les auditions – est aussi un préalable crucial en la matière. Je me permets d'insister sur ce point : sans visibilité, sans stabilité, point d'investissement. L'équation est simple.

Le présent est tout autant au recyclage, non seulement des matériaux, mais aussi des efforts jusqu'ici consentis par l'État, nos régions, la nation, dans l'identification, la structuration et le renforcement des filières porteuses. Je tiens à rendre ici hommage au COSEI, qui a su donner de la voix à un secteur qui, pour beaucoup de profanes, reste théorique.

Ces travaux devront trouver toute leur place au sein des actions de la BPI en faveur de la transition écologique afin de ne pas perdre de temps dans la mise en oeuvre de la banque.

En ma qualité de rapporteur pour la commission du développement durable, qui traite également de l'aménagement du territoire, je me félicite de l'articulation équilibrée entre l'État et les régions. Je partage l'avis des différents rapporteurs sur le respect des engagements pris par l'ARF et le Président de la République dans la lettre de mission du 12 septembre dernier. Je me félicite également du renforcement des comités régionaux d'orientation avec la reconnaissance du rôle de l'ADEME, dont l'avis technique sur les filières qui nous préoccupent ici est sans égal dans notre administration.

Au-delà des régions, l'aspect européen est à mon sens important pour la réussite, à long terme, de la BPI. À l'heure où la Commission européenne s'engage sur un chemin intéressant sur la politique industrielle, que les project bonds sont en voie de lancement, la recherche de synergies eût été plus aisée en prenant l'échelon continental en compte de façon plus marquée. La bataille autour de l'avenir du site de Florange et du projet UCOS montre toute la pertinence de ce raisonnement.

Monsieur le ministre, chers collègues, voilà l'esprit dans lequel j'ai travaillé et dans lequel la commission du développement durable, au nom de laquelle je m'exprime, a délivré un avis favorable au projet de loi, dont elle souhaite l'adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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