Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 29 novembre 2012 à 9h30
Création de la banque publique d'investissement nomination des dirigeants de bpi-groupe — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mes chers collègues, je me félicite et je vous félicite du travail effectué.

Nous nous retrouvons ainsi à discuter d'un texte qui constitue, le ministre l'a rappelé, le premier des soixante engagements que le Président de la République avait pris durant sa campagne. Nous tenons nos promesses, et notamment celle selon laquelle la finance doit être mise au service de l'économie, et non de la spéculation. J'oserai dire : plutôt l'argent de l'épargne que celui de la spéculation.

Ce projet, qui tient particulièrement à coeur à la commission des affaires économiques, est l'une des traductions concrètes de l'attachement de notre majorité aux PME, à l'esprit d'entreprise et à l'innovation.

Nous allons donc discuter d'une banque peu ordinaire. C'est pourtant une vraie banque nationale, qui va effectivement aider les entreprises. Une banque qui leur permettra de réaliser des projets pour lesquels l'accès au financement leur était jusque-là extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible.

Cette banque d'un genre nouveau va être le résultat de la mobilisation des forces vives et des atouts de la nation. D'autres l'ont dit avant moi : la banque publique d'investissement doit relever trois défis.

Le premier concerne le financement de nos entreprises, notamment les TPE ou les PME, de plus en plus contraint. Qu'il s'agisse de la méfiance des banques, sûrement liée à l'impact négatif des règles qui s'imposent à elles en vertu des accords de Bâle III ou de Solvabilité II pour le secteur assurantiel, et dont on nous dit qu'ils n'ont pas fini de produire leurs effets, ou bien de l'atonie de l'économie qui n'incite pas les entreprises à investir, l'investissement est faible, et son financement est aujourd'hui difficile.

Le second défi à relever tient à ce que si des instruments de financement existent – je pense en premier lieu à OSÉO, mais aussi au Fonds stratégique d'investissement, le FSI, ou à CDC Entreprises –, ils ne couvrent pas actuellement tous les besoins des entreprises et manquent parfois d'audace. Ainsi, l'amorçage ou l'internationalisation sont encore aujourd'hui très mal financés alors que ce sont, l'une comme l'autre, des phases cruciales du développement de nos entreprises.

Le troisième défi à relever et auquel la BPI peut s'attaquer est la difficulté de nos entreprises les plus prometteuses à franchir une nouvelle étape dans leur développement et devenir ainsi des entreprises de taille intermédiaire, les fameuses ETI, qui occupent une place si déterminante dans la croissance aujourd'hui. Le rapport de Louis Gallois remis au Premier ministre au début du mois de novembre l'a montré : la compétitivité de notre pays est en berne en raison, notamment, d'un maillage industriel insuffisant. En France, les ETI sont deux fois moins nombreuses qu'en Angleterre et trois fois moins nombreuses qu'en Allemagne. Nous devons activement soutenir leur développement.

La création d'une banque publique d'investissement capable de relever ces trois défis est donc une excellente nouvelle. Dotée d'une force de frappe de plus de 40 milliards d'euros – ce qui, compte tenu de l'effet de levier, devrait permettre de dégager des financements de l'ordre de 200 milliards –, et prenant à son compte l'expérience développée depuis des années par plusieurs organismes qu'elle va désormais englober, la BPI sera, j'en suis persuadé, d'un grand secours à notre économie – et si je dis « secours », c'est parce que nous sommes dans l'urgence.

Mais la BPI doit se distinguer : si elle ne fait que ce qui a déjà été fait, sa création n'a aucun intérêt. Empiler les structures, faire et défaire ce qui existe ne mène jamais bien loin. Il faut que cette banque fasse plus et mieux que ce que nous avons connu jusqu'à aujourd'hui. C'est ce que nous ont clairement indiqué les différents acteurs que nous avons rencontrés.

Tout d'abord, sous couvert d'être un investisseur avisé, la BPI soutiendra les entreprises sur le long terme, pour des prêts d'au moins cinq à sept ans. Aujourd'hui, le court terme est bien trop souvent la règle car les financiers sont plus soucieux d'un rapide retour sur investissement que d'aider des entrepreneurs sur des chemins qui peuvent parfois leur sembler hasardeux, car l'horizon de la réussite serait trop éloigné. Le temps long doit redevenir une culture d'avenir. Il est indispensable pour encourager l'innovation.

Notre pays regorge de talents. Du fait de notre fonction parlementaire, nous sommes des interlocuteurs disponibles au sein du Parlement ou sur le terrain, et nous avons l'occasion de rencontrer tous les jours des passionnés, des enthousiastes, des créatifs qui cherchent à développer des projets innovants ou des projets que le marché attend déjà. Nous rencontrons malheureusement aussi trop souvent des porteurs de projets découragés, car malgré l'ingéniosité de leur ambition, ils n'ont pas pu trouver le financement qui leur permettra de faire aboutir leur projet, voire seulement de le démarrer.

Ensuite, et c'est là un des grands intérêts de la BPI, elle aura vocation à financer des entreprises, ou des phases de la vie de ces dernières, qui sont actuellement délaissées par les circuits de financement classiques. Cela a très clairement été dit : la BPI n'a pas vocation à aider des entreprises au bord du dépôt de bilan, même si l'expérience montre que « l'aide au sursaut » tient parfois à peu de chose. De plus, les financements accordés ne seront pas effectués à tort et à travers comme on a pu l'entendre : la séparation étanche qui sera instaurée entre la partie « prêts » et la partie « fonds propres » est à cet égard tout à fait fondamentale.

Là où la BPI aura un rôle déterminant, c'est en acceptant de soutenir la création d'entreprises, en plus de les accompagner tout au long de leur vie. J'insiste à ce sujet : tout comme Clotilde Valter, je reste un peu sur ma faim puisque le mot « création » ne figure pas à ce stade dans le texte, et que nos amendements pour l'introduire ont été frappés de plein fouet par l'article 40. Le Gouvernement peut, lui, prendre cette initiative sans être victime des foudres de cet article castrateur. (Sourires.)

Enfin, la BPI ne sera pas seulement une banque : elle sera également un prestataire de services au bénéfice des entreprises, en leur proposant de faciliter leurs démarches, au travers de guichets uniques, institués au plus près du terrain, de nature à alléger leurs contraintes réglementaires et administratives : le délai de la décision, chacun en convient, est très souvent le déclencheur d'une aventure économique à succès.

La création de la BPI entraîne des changements de perspective sur lesquels je souhaite insister. D'une part, elle a vocation à irriguer l'ensemble de notre territoire et, de ce fait, à dynamiser la totalité de notre tissu industriel. D'autre part, elle est un élément parmi d'autres au service de la compétitivité de notre économie. À ce titre, je souhaite qu'elle ne devienne pas non plus la condition systématiquement exigée par les autres banques pour intégrer un tour de table. Ce ne serait plus de l'effet de levier, mais de l'assurance tous risques…

Par ailleurs, le projet de loi me montre très clairement, la BPI bénéficiera d'une organisation tout à fait originale qui va ainsi dynamiser l'ensemble de notre appareil productif. Si elle doit évidemment être dotée d'une direction nationale, s'inscrivant dans le cadre de la politique économique définie par le Gouvernement, elle s'appuiera fortement sur son ancrage régional qui lui permettra de soutenir des écosystèmes tout entiers, et non pas seulement des entreprises spécifiques.

C'est là le meilleur moyen pour la France de recouvrer une partie de sa compétitivité et permettre à notre économie de reprendre le dessus aux niveaux européen et international. C'est la troisième direction que doit prendre la BPI. C'est un partenaire qui doit réchauffer les enthousiasmes pour aller à l'export et rompre avec notre frilosité légendaire en ce domaine. C'est une autre conception de la transition énergétique ! (Sourires). Mais ne tombons pas dans la double exigence « ceinture et bretelles » d'une validation des projets par le double clic État et région. Il faut que cela puisse faire aussi l'objet du simple clic : l'État ou la région.

Enfin, rappelons que la BPI n'a pas pour ambition de résoudre toutes nos difficultés à elle seule. C'est avant tout un élément de plus, un élément pivot, que le Gouvernement souhaite mettre en place ; mais n'oublions pas non plus la nécessité de la création, en 2013, d'une bourse dédiée aux ETI et aux PME ou d'une vraie réforme bancaire tout aussi attendue. Je connais, monsieur le ministre, vos projets en la matière.

Avec la BPI, nous allons ainsi créer un véritable outil de croissance. En s'inscrivant dans un vaste ensemble de mesures et d'initiatives en faveur de la compétitivité, la BPI catalysera un grand nombre d'énergies et permettra un renforcement des dispositifs existants : le résultat attendu d'une nouvelle écoute des entreprises et de leurs progrès ne peut qu'être prometteur.

Monsieur le ministre, vous avez utilisé l'image du porte-avions du pacte de compétitivité ; j'utiliserai pour ma part, en guise de conclusion, une image plus terre à terre pour souhaiter la rapide mise en place de la BPI. Je constate que son nom raisonne un peu comme un réseau de stations-service : c'est donc bien qu'elle a vocation, partout sur le territoire, à faire un nouveau plein d'énergie créative pour notre économie, donc pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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