Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 29 novembre 2012 à 9h30
Création de la banque publique d'investissement nomination des dirigeants de bpi-groupe — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Banque centrale européenne, voilà quelques jours, a publié une nouvelle version de son étude sur l'accès des petites et moyennes entreprises européennes aux financements, cette fois-ci pour la période allant d'avril à septembre 2012. Elle montre que parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les PME en Europe, l'accès au financement arrive en deuxième position – cité par 18 % des entrepreneurs interrogés – après la recherche de nouveaux clients et de nouveaux débouchés. Quant aux coûts de production ou du travail, permettez-moi de le souligner, chers collègues de l'opposition, ils ne figurent qu'en quatrième position. Nous voyons bien que nous touchons à un sujet qui est au coeur des enjeux économiques pour notre pays.

Cette étude révèle encore que si les taux d'intérêt appliqués aux PME se sont stabilisés, les conditions d'octroi de crédit se sont durcies, notamment au travers de garanties plus exigeantes. Enfin, l'analyse de la situation pays par pays montre, sans surprise, que les entreprises italiennes, espagnoles et grecques déclarent rencontrer des difficultés de financement, mais également les PME françaises. Seules les PME allemandes et autrichiennes sortent du lot.

Si le crédit ne fait pas tout, il constitue néanmoins une sève essentielle au développement des entreprises. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé fort justement l'OCDE qui vient de lancer un suivi spécifique des conditions d'accès des PME au financement.

Depuis le début de la crise, beaucoup d'annonces ont été faites au sujet des PME : la dernière, lors du sommet de Deauville, en décembre 2011, insistait sur la nécessité d'« éliminer les obstacles financiers à la croissance des PME ».

Face à ces difficultés, les réponses des États ont été plus ou moins ambitieuses, et là encore, monsieur le ministre, l'enseignement de l'OCDE est éclairant. Des États ont augmenté les garanties spéciales à l'exportation : le Danemark, la Finlande, la Suisse, la Suède, par exemple, mais pas la France. Des États ont accordé des garanties spéciales et des prêts aux jeunes entreprises à fort potentiel : le Danemark et les Pays-Bas, entre autres, mais là encore pas la France.

Bien sûr, des choses ont été faites, mais la France a manqué d'ambition et de volontarisme pour ses 2,5 millions de PME qui représentent aujourd'hui 60 % de l'emploi. Et il faut aujourd'hui une démarche d'envergure pour que la machine économique reparte.

C'est, je crois, le sens de la création de la Banque publique d'investissement, avec trois objectifs, longuement détaillés par les orateurs précédents, qui me semblent être essentiels à l'organisation de la vie économique sur notre territoire.

Premièrement, nous l'avons dit, il faut une offre globale et cohérente, accompagnée de la mobilisation de moyens. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, il s'agira de 40 milliards d'euros avec un effet de levier qui s'élève à 70 milliards, à rapprocher des 185 milliards de crédits alloués aux PME : chacun l'aura compris, cette banque dispose de moyens d'action importants.

Deuxièmement, la BPI devra montrer sa capacité à structurer des filières. L'exemple de nos voisins européens, notamment l'Allemagne que certains ici aiment à citer, montre l'importance, des sous-traitants aux grandes entreprises, de l'accompagnement. La BPI est appelée à remplir un tel rôle, notamment grâce à une aide prospective des régions.

Troisièmement, la BPI aura à faciliter la vie des patrons des PME, des TPE particulièrement. L'existence d'une plateforme unique régionale dotée d'une capacité à prendre des décisions au niveau local, au plus près des entreprises, sera un élément de poids.

Ces trois objectifs, mes chers collègues, ne peuvent être remplis sans une gouvernance sérieuse en matière d'analyse des dossiers en amont et de surveillance des risques en aval, éléments auxquels je suis très attachée. La structure qui nous est proposée me semble de nature à répondre à ces exigences.

Des règles prudentielles s'appliqueront avec une séparation claire établie entre crédits et fonds propres et une nécessaire séparation des fonds propres pour chacune des structures. De surcroît, la politique de distribution de crédits sera définie par un comité des risques, qui sera proposé par le conseil d'administration. C'est un aspect auquel, nous, parlementaires, veillerons particulièrement puisque nous disposerons d'un rapport annuel qui nous permettra de rendre compte de l'utilisation des crédits et de savoir quels secteurs auront été soutenus.

Cette BPI correspond au premier des soixante engagements du candidat François Hollande. C'est le premier des engagements, car soutenir les entrepreneurs, c'est d'abord leur donner les moyens et les conditions pour pouvoir innover, créer et produire. L'une de ces conditions est le crédit.

Mettre en place cette BPI, ce n'est pas à recréer le système bancaire, ce n'est pas non plus lui faire concurrence. Cette BPI, c'est le déclic, le chaînon de confiance à placer dans le système économique pour contribuer au rapprochement nécessaire et indispensable entre les acteurs économiques, comme le rappelait Keynes, que nous aimons bien citer dans cette assemblée : « Mais il ne pourra y avoir de véritable redressement économique, me semble-t-il, tant que les idées des prêteurs et celles des emprunteurs n'auront pas été rapprochées les unes des autres, grâce à un double mouvement, les prêteurs consentant progressivement à prêter leur argent à des conditions moins dures et les emprunteurs retrouvant confiance et dynamisme pour emprunter plus volontiers de nouveau. Dans toute l'histoire des temps modernes, on a rarement vu de fossé aussi large et infranchissable entre les deux groupes ».

Mes chers collègues, voter en faveur de la création de la BPI, c'est faire en sorte que ce fossé, qui est large, puisse être comblé. Ces temps modernes qu'évoquait Keynes pourraient bien refléter la situation actuelle : ce blocage qui tue la confiance et donc la force pour investir dans l'avenir, la BPI le lèvera, elle qui a été conçue dans ce but. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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