Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes convaincus de l'utilité et de l'importance d'un outil financier qui pourra accompagner nos entreprises dans leur développement. Cette appréciation est manifestement partagée sur tous les bancs dans l'hémicycle.
La Banque publique d'investissement activera le secteur bancaire, en recul depuis que les règles prudentielles sont venues contraindre l'activité de prêt, mais également parce qu'aux règles prudentielles s'ajoute une prudence extrême, qui confine à la tétanie et empêche aujourd'hui les banques de jouer le rôle que l'on est en droit d'attendre d'elles. Bref, la force publique doit pallier la faiblesse du marché ; cette banque signe le retour de la politique.
En préambule, je veux remercier M. Guillaume Bachelay pour le travail de préparation qu'il a conduit en tant que rapporteur pour le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement, notamment pour les échanges, l'écoute et la compréhension mutuelle qui ont pu se développer.
Le travail de co-construction – ou de co-amendement, pour ne pas être trop présomptueux – a apporté des avancées réelles, concernant notamment la référence à la transition énergétique ou encore le ciblage sur les entreprises en mutation. Le débat en commission n'en a été que plus serein.
Compte tenu des difficultés auxquelles nous devons faire face, il est essentiel qu'un climat de confiance et de co-construction s'étende à l'ensemble des sujets que nous devons traiter. Mon intervention à cet instant ainsi que le travail d'amendement fourni par le groupe écologiste en porteront la marque.
Sur le fond, je me réjouis de l'adoption de certaines avancées, proposées tant par le groupe écologiste que par les élus de la majorité.
Tout d'abord, même si la Banque publique d'investissement ne pourra pas venir au secours de toutes les entreprises en difficulté, notamment celles qui sont arrivées en fin de cycle, il nous a semblé important qu'elle puisse intervenir en faveur des entreprises en mutation. Celles-ci ont connu ou peuvent encore connaître des difficultés structurelles, mais sont engagées dans un projet de modernisation et de transformation fondé sur la diversification ou l'innovation et porteur de gains de productivité importants.
Je citerai ainsi l'exemple d'une papeterie située près de Besançon, dont l'outil industriel est un peu daté, et qui se trouve confrontée, comme une bonne partie de notre industrie, à la fin d'un cycle – industrie qui, comme tant d'autres, a pu souffrir de stratégies peu scrupuleuses d'investisseurs. Mais ce n'est pas le sujet du jour.
Cette entreprise a décidé de tourner la page et de se projeter dans le XXe siècle. Le cycle précédent était celui de l'énergie fossile – on connaît la voracité et la dépendance énergétique de l'industrie papetière – mais les coûts et les pollutions l'ont progressivement disqualifiée. Le projet aujourd'hui porté par l'entreprise et par un repreneur s'inscrit totalement dans la modernité, car il prévoit la réalisation d'une centrale biomasse, qui permettra d'améliorer significativement la compétitivité de l'entreprise.
Ce projet pourra utilement faire valoir sa contribution au développement durable et à la transition énergétique en maintenant de l'emploi existant autour de la valorisation des papiers et des cartons en cycle court, et en favorisant le développement de la filière bois. Plusieurs dizaines d'emplois pourront ainsi être créées dans cette filière. Or aujourd'hui, les banques sont aux abonnés absents, en dépit de l'engagement financier du repreneur, de l'ensemble des élus et de la Caisse des dépôts et consignations.
Sur un investissement de 4 millions d'euros, nécessaire pour réaliser la première tranche de modernisation, il ne manque aujourd'hui que 1,250 million d'euros, à répartir entre cinq banques, soit 250 000 euros par banque. Il s'agit de ces banques que vous connaissez, présentes sur nos territoires, et qui pourtant sont, je le répète, aux abonnés absents.
Au pire, elles ne donnent aucune explication sur leurs réserves. Au mieux, elles considèrent qu'il s'agit d'une activité dépassée, sans doute pour n'avoir pas compris les mutations en cours.
On ne peut plus accepter de telles situations, c'est pourquoi la BPI est tellement attendue. Il serait en tout cas délétère qu'au moment où elle se met en place, on assiste à des cessations d'activité de cette nature.
La création de la BPI ne doit cependant pas permettre aux banques de se défausser de leur mission de financement de l'économie, d'autant qu'elle ne pourra agir seule auprès des entreprises qu'elle aura décidé de financer.
Le financement obtenu par une entreprise auprès de la BPI doit servir de levier pour aller chercher d'autres prêts et investissements. C'est pourquoi je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le ministre, comment le secteur bancaire est susceptible d'évoluer avec l'émergence de la BPI et si l'effet levier que nous attendons va réellement se produire.
Il était également important pour nous qu'un signal clair soit donné aux entreprises sur la question écologique et, singulièrement, la transition énergétique. Le texte qui nous est soumis inscrit clairement cette priorité, souhaitons que le CICE ne vienne pas anéantir nos bonnes intentions.
Les connaissances sont aujourd'hui suffisamment documentées pour que chacun comprenne qu'il s'agit désormais d'installer nos entreprises dans une économie robuste, parce que durable. Concrètement, notre économie doit alléger son poids carbone et préserver nos ressources, pour durer et pour redevenir compétitive. Je ne peux donc que me réjouir qu'à la suite de l'examen du projet de loi en commission, il ait été précisé dans l'objet de la BPI qu'elle apporte son soutien à la stratégie nationale de développement des secteurs de la transition écologique et énergétique, de l'économie sociale et solidaire.
Le grand apport de la BPI est de créer un outil permettant enfin de développer une stratégie financière intégrée et globale au service des TPE, des PME et autres ETI. Cette stratégie globale, nous en avons besoin pour faire face à la désindustrialisation de notre pays, pour favoriser le développement, l'investissement, l'innovation, l'exportation. Depuis cinq ans, 1 000 emplois sont détruits tous les jours en France, les investissements industriels ont diminué de 10 % entre 2008 et 2010, les entreprises privées n'investissent plus que 25 % des dividendes nets dans la recherche, contre 35 % en 1995. La part de l'industrie dans le PIB est de moitié par rapport à celle de l'Allemagne.
La stratégie industrielle globale de soutien aux entreprises ne donnera pleinement satisfaction que si elle repose sur l'objectif constant d'accompagner les entreprises dans les mutations nécessaires pour faire face aux enjeux du XXIe siècle, notamment la raréfaction et le renchérissement des ressources et des énergies fossiles.
Quelques mots seulement de la diversité des secteurs et des modèles économiques qui sont en jeu. Ils sont inscrits dans le texte qui nous est proposé.
Le soutien à l'innovation devra bien entendu porter sur les nouvelles technologies dans la production des énergies renouvelable, le développement de modes de production peu énergivores, la création de nouveaux matériaux, le recyclage et la revalorisation des déchets, et j'en passe.
Il faudra également soutenir les modèles économiques fondés sur l'économie circulaire, les circuits courts, l'économie de la fonctionnalité, mais aussi l'innovation sociale, dans laquelle le secteur de l'économie sociale et solidaire est souvent à la pointe.
C'est pourquoi je me réjouis qu'une part des fonds de la BPI soit fléchée vers l'économie sociale et solidaire, même si les quelque 500 millions d'euros sur les plus de 40 milliards de capital dont devrait être dotée la BPI font un peu pâle figure.
Pour s'assurer que la transition écologique sera l'un des éléments centraux de la stratégie de la BPI, il est important de disposer de critères sociaux, environnementaux et géographiques. Ce point reste à mon sens à améliorer. Il sera nécessaire de mieux évaluer l'activité des sociétés qui bénéficieront des aides de la BPI, j'y reviendrai lors de la discussion des amendements.
La BPI ressort d'une stratégie économique au service des territoires et de la création d'emplois. En soutenant les entreprises, elle doit être l'un des outils publics en faveur de la création d'emploi dans les territoires.
Elle doit favoriser la création d'emploi en accompagnant et soutenant des entreprises en développement ou en mutation afin de les renforcer face à la crise, mais favoriser également le développement économique sur l'ensemble des territoires. L'article 1er mentionne le soutien au développement des entreprises dans les zones urbaines défavorisées, ce qui est une nécessité, mais je n'imagine pas que la BPI ne soutienne pas autant le développement des entreprises dans les territoires ruraux et les territoires fortement touchés par la désindustrialisation. Ces territoires à fort potentiel et trop souvent ignorés dans le cadre des politiques publiques doivent également bénéficier d'un soutien particulier de la BPI.
Aussi, je m'étonne que l'amendement présenté à l'article 1er par le groupe écologiste insérant la notion du soutien aux entreprises dans les zones rurales ait été écarté au motif que cette disposition créerait une dépense. N'est-il pas prévu que la BPI intervienne dans les zones rurales ? Il est important de clarifier la manière dont seront répartis les fonds de la BPI. Y aura-t-il un fléchage des fonds selon les régions ? La répartition se fera-t-elle en fonction des dossiers de demandes remontés par les territoires ? Si nous faisons confiance aux élus locaux, cette question se réglera, je pense, assez naturellement.
Enfin, nous sommes satisfaits par l'introduction de la parité dans les instances de la BPI, je pense que c'était notre souhait à tous et il est concrétisé.
Au total, nous sommes satisfaits du fond mais aussi de la méthode. J'espère, avec tout le travail qui a été accompli, que nous disposerons d'un outil d'avenir au profit de notre société.