Il est compliqué de dire en quoi consiste la fin de vie. Ne s'y trouve-t-on pas dès la naissance, dans la mesure où le compte à rebours a commencé ? On peut essayer, en revanche, de définir la phase avancée, au cours de laquelle une maladie a progressé sans avoir été arrêtée par un traitement. On peut ensuite considérer un patient comme étant en phase terminale dès lors que les traitements curatifs n'ont plus aucun effet d'amélioration sur son état. Puis survient un autre élément dans la phase terminale – que certains appellent la phase « toute terminale » – dans laquelle le patient, malgré le traitement qu'il subit, voit son état se dégrader. Enfin, il existe au bout de la vie la phase agonique : bien définie, elle correspond à une phase de défaillance polyviscérale telle que la mort est imminente. Entre la phase terminale, où il y a échappement thérapeutique et aggravation de l'état du malade, et la phase agonique, il est difficile de définir la phase au cours de laquelle on sait que le malade va mourir dans un bref délai sans pouvoir déterminer si ce délai est de quelques semaines, de quelques jours ou de quelques heures.
Monsieur Touraine, je me suis beaucoup trompé, moi aussi, dans mes pronostics. Mais si lorsque le décès d'un malade est encore lointain, le fait de dire qu'il ne lui reste plus que deux ans à vivre relève du pari statistique, lorsqu'en revanche il entre dans une phase qui se compte en semaines, on peut certes se tromper d'une semaine, mais pas d'un an. Or, nous sommes en train de fixer les conditions de mise en oeuvre de la sédation continue jusqu'au décès. Si l'on admet que la sédation n'est pas euthanasique mais qu'elle vise à soulager, elle ne peut s'appliquer que lorsque le patient est en phase terminale de la maladie, lorsque son pronostic vital est engagé à court terme. Nous avons d'ailleurs ici repris les termes de la lettre de mission du Premier ministre qui visait précisément cette notion. Je ne dis pas cela pour que nos collègues socialistes trouvent le terme plus pertinent (Sourires), mais nous n'avons finalement pas trouvé de meilleure expression pour désigner la phase dans laquelle le pronostic vital est engagé et qui ne correspond pas à la phase terminale. D'ailleurs, selon nombre de médecins que nous avons interrogés, la phase terminale peut durer plusieurs années : elle ne correspond donc nullement à la phase au cours de laquelle le pronostic vital est engagé à court terme.
Il est bon de définir le sens de cette expression, d'une part parce qu'elle constitue l'une des conditions auxquelles nous proposons de soumettre la mise en oeuvre de la sédation, et d'autre part parce que, dans cette phase, le pronostic n'est guère loin de la réalité.